Intervention de Jean-Marc Todeschini

Mission commune d'information sur le sport professionnel — Réunion du 6 novembre 2013 : 1ère réunion
Audition de Mm. Jean-Marc Todeschini et dominique bailly auteurs d'un rapport d'information fait au nom de la commission des finances et de la commission de la culture sur le financement public des grandes infrastructures sportives

Photo de Jean-Marc TodeschiniJean-Marc Todeschini :

Je suis convaincu que ce dernier projet ne verra pas le jour avant longtemps. Il n'est pas possible d'avoir aujourd'hui deux grands stades à Paris. Certes, ses promoteurs insistent sur le fait qu'il se fera sans argent public, mais les investissements publics vont exploser si l'on veut y amener les infrastructures.

M. Lebreton a affirmé être d'accord pour que les clubs soient propriétaires de leurs infrastructures : certaines collectivités, pour des raisons historiques, estiment qu'il est hors de question de se séparer de leurs installations, comme Saint-Etienne, par exemple.

Nous avons essayé de proposer des pistes de financement, comme en Allemagne et en Angleterre, où les clubs sont propriétaires de leur outil de travail et de leurs investissements. Dans l'hexagone, les clubs n'investissent que dans les salaires et pratiquement pas dans l'outil de travail.

Malgré quelques propositions d'ordre législatif ou réglementaire, il s'agit donc plutôt de publier un recueil de bonnes pratiques et de souligner les pièges à éviter.

L'idée-force des propositions est bien que chacun des acteurs impliqués sur ces dossiers soit à sa place, et assume pleinement ses responsabilités sans se défausser sur les autres, qu'il s'agisse des collectivités, des clubs professionnels, de l'État, ou des organisateurs de compétitions sportives.

Le plus important nous a paru que les collectivités territoriales calibrent leur projet. Il est absolument crucial de ne pas se laisser saisir par la folie des grandeurs, en se lançant dans une opération de construction ou de forte rénovation d'un grand équipement sportif. Ce qui, formulé ainsi, semble aller de soi, est en fait beaucoup plus difficile à tenir, sous l'effet des multiples pressions subies par les élus locaux, que j'ai déjà énumérées. Une ou deux années de résultats exceptionnels du club résident peuvent également forcer une décision précipitée et aboutir à la réalisation d'une enceinte surdimensionnée par rapport aux besoins réels à moyen et à long termes.

Les stades de football d'Istres, aujourd'hui en Ligue 2, de Grenoble et du Mans, ces deux derniers étant engagés en championnat de France amateurs, constituent des exemples d'infrastructures formatées pour la Ligue 1, voire pour l'Europe, dont les collectivités propriétaires doivent assumer la charge, alors même que les clubs résidents ne peuvent plus attirer le public.

Les collectivités décisionnaires doivent donc prendre une décision froide, dégagée des événements et des succès immédiats, fondée sur de réels besoins de long terme.

À cet égard nous avons relevé avec intérêt que, dans le cadre de leurs projets privés, les établissements financiers avec qui l'OL a contracté des emprunts ont demandé à son président, Jean-Michel Aulas, de lui fournir un plan de financement fondé sur un scénario de présence de l'OL en Ligue 2 pendant trois ans.

Il s'agit d'une démarche intéressante qui devrait guider tout projet, public ou privé : la lourdeur de ces investissements de long terme et la « glorieuse incertitude du sport » devraient conduire les futurs propriétaires à évaluer sérieusement la rentabilité de la nouvelle enceinte dans un scénario résolument pessimiste. Si, dans ce cas, la perte de la collectivité était trop élevée, il serait préférable de réduire la taille du projet. En tout état de cause, les conséquences financières d'un tel scénario devraient figurer clairement dans le débat public, préalablement à la décision finale.

Le stade du Havre est à l'équilibre en Ligue 2. S'il remonte en Ligue 1, il sera bénéficiaire.

L'idéal serait qu'un échelon territorial soit le modérateur : région ou communauté urbaine, en fonction des équipes réparties sur le territoire.

De plus, dans tous les cas, les collectivités gagnent à partager leurs expériences et les meilleures pratiques, plutôt qu'à prendre ce type de décisions lourdes de manière isolée. Une association comme l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES) peut fournir le cadre de ces échanges.

Dernier point sur ce sujet, à propos des partenariats public-privé (PPP). À l'issue de nos travaux, nous ne condamnons pas en bloc un modèle. Les PPP peuvent et doivent même, selon la loi, permettre la réalisation de projets dont la complexité dépasse la compétence de la maîtrise d'ouvrage publique. De plus, ils offrent des facilités de financement en étalant la charge financière de la collectivité dans le temps. Enfin, l'exploitant est un véritable professionnel, dont l'intérêt sera d'optimiser la gestion de l'équipement.

Nous tenons simplement à attirer l'attention de chacun sur ces limites, voire sur les dangers du modèle. En plaçant un intermédiaire entre la collectivité et le club, on peut rendre plus complexes les relations entre acteurs et empêcher le club de prendre lui-même en charge son destin au fil des ans mais, en étalant la charge dans le temps, le PPP peut inciter des collectivités à s'engager dans un projet trop grand, au risque de subir de graves déconvenues si le club résident périclite.

J'ajoute qu'on a tendance, dans ces cas-là, à présenter des scénarios idylliques aux collectivités territoriales. Or, on sait tous que trois grands stades du même secteur ne pourront jamais faire 36 concerts par an chacun. Nous avons donc trouvé les scénarios bien trop optimistes dans le cadre de ces PPP.

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