Intervention de Robert Bret

Réunion du 15 février 2005 à 22h15
Modification du titre xv de la constitution — Question préalable

Photo de Robert BretRobert Bret :

Mes chers collègues, nous avons à examiner un texte d'une importance fondamentale pour l'avenir de la France et de la construction européenne.

Autant dire que ce projet de révision constitutionnelle mérite toute notre attention et que l'ensemble de nos concitoyens auraient dû être informés plus largement sur son contenu et sa portée.

Formellement, ce texte constitue la première étape vers l'adoption ou le rejet du traité établissant une Constitution pour l'Europe, sur lequel nos concitoyens auront à se prononcer dans les prochains mois. Rappelons que ce projet de révision constitutionnelle intervient à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité rendue par le Conseil constitutionnel, en date du 19 novembre 2004. Celui-ci a en effet considéré que la ratification du traité constitutionnel nécessitait une révision préalable de notre Constitution.

L'article 89 de la Constitution française de 1958 organise la procédure de révision constitutionnelle. Cet article dispose : « [...] Le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.

« Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés [...]. »

En somme, mes chers collègues, c'est le peuple qui devrait adopter, en principe, le texte par référendum.

Ainsi, il aurait été tout à fait raisonnable de choisir la voie référendaire et de coupler la révision de notre Constitution et la ratification du traité constitutionnel dans le cadre d'un seul et même référendum. Cela semble rationnel si l'on considère que l'objectif de la révision de la Constitution est précisément d'autoriser la ratification du traité constitutionnel.

Or le Gouvernement, à ce moment crucial de la construction européenne, a décidé de déroger à la règle de principe du recours à l'option référendaire au profit de la voie parlementaire.

En tout état de cause, la procédure choisie par le Gouvernement subtilise ce projet de loi à la réflexion citoyenne et alimente le déficit démocratique qui gangrène, comme on le sait, la construction européenne.

Le constat lucide du déficit démocratique qui marque la construction européenne est confirmé par ce projet de loi constitutionnelle et par le traité constitutionnel.

La notion de déficit démocratique qui caractérise la construction européenne renvoie au déséquilibre du système institutionnel communautaire. Elle constitue également une réflexion sur le contrôle exercé par le Parlement français sur l'activité communautaire du Gouvernement. Enfin, elle montre le fossé qui existe entre les décideurs et les citoyens.

A l'échelle communautaire, le déficit démocratique s'exprime tout particulièrement dans le fonctionnement du système institutionnel communautaire, qui ne recouvre pas la traditionnelle répartition des pouvoirs. Le Conseil, guidé par une Commission indépendante et supranationale disposant du monopole des propositions législatives, n'est soumis à aucun contrôle de nature politique de la part du Parlement européen. Le système n'est donc pas démocratique à l'origine. Il fait encore la part belle à la Commission et au Conseil des ministres.

Aujourd'hui, le constat que l'on peut faire est que la moitié des lois qui influent sur notre vie quotidienne de parlementaires sont issues de règlements ou de directives européennes. Or ces décisions qui s'imposent à nous proviennent de l'institution technocratique par excellence : je pense naturellement à la Commission européenne. Celle-ci détient un monopole en matière d'initiative des textes communautaires législatifs et bénéficie d'un pouvoir de décision autonome sur des questions aussi sensibles que le droit de la concurrence.

Or, non seulement les membres de la Commission n'ont aucune légitimité démocratique, mais, en outre, ils travaillent en étroite collaboration avec les multinationales européennes et internationales. On le sait, le lobbying est une méthode de travail privilégiée à Bruxelles. Les intérêts privés ont droit de cité et semblent même prévaloir sur l'intérêt général de nos peuples. Il suffit de lire la directive Bolkestein pour s'en convaincre définitivement.

A l'échelon national, le transfert de compétences nationales au profit des institutions européennes entraîne mécaniquement une régression des pouvoirs législatifs et financiers de nos assemblées. Or, dans le même temps, les gouvernements, au sein du Conseil des ministres, récupèrent des compétences nationales transférées, en participant à l'élaboration des décisions européennes. A cet égard, le traité constitutionnel et le projet de loi constitutionnelle semblent, à première vue, apporter une évolution positive sur le rôle des parlements nationaux dans le processus décisionnel communautaire. Malheureusement, force est de constater que les prérogatives reconnues aux parlements nationaux sont absolument insuffisantes.

Tout d'abord, rappelons que les résolutions votées dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution n'ont aucun caractère contraignant. Les résolutions parlementaires sont de simples prises de position sans pouvoir de contrainte. A la suite de l'adoption d'une résolution, le Gouvernement n'a d'obligation que celles qu'il veut bien se donner. L'effet des résolutions dépend donc de la volonté du Gouvernement. C'est pourquoi nous regrettons aujourd'hui que les résolutions votées dans le cadre de la procédure de l'article 88-4 de la Constitution ne confient pas de mandat impératif au Gouvernement, comme c'est le cas, par exemple, au Danemark.

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