Intervention de Kader Arif

Réunion du 19 novembre 2013 à 14h30
Conditions d'attribution de la carte du combattant — Rejet d'une proposition de loi

Kader Arif, ministre délégué :

Certes, et nous pouvons le regretter tout en en ayant pleinement conscience, un état d’insécurité et de violence a longtemps persisté. C’est précisément pour cette raison que le titre de reconnaissance de la nation est attribué à tous ceux qui justifient d’une présence jusqu’en 1964. Ne considérons pas que cette disposition ne serait que symbolique puisqu’elle rend son détenteur ressortissant de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, ouvrant notamment droit au bénéfice de l’aide sociale et permettant de cotiser à la rente mutualiste.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je reviens à la date du 2 juillet 1962, à son importance symbolique et au tournant qu’elle incarne. Vous avez été nombreux, une majorité, dans les différents groupes de cette chambre, à voter en faveur de la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale d’hommage aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de Tunisie. Par ce geste fort, vous avez soutenu la reconnaissance de cette date clé, qui fut celle du cessez-le-feu et qui trouva son aboutissement quelques mois plus tard avec la déclaration d’indépendance.

Attribuer aujourd’hui la carte du combattant sans distinction à tous les militaires présents en Algérie jusqu’en 1964 créerait, à mes yeux, une véritable confusion, qu’il nous faut, me semble-t-il, éviter. Je n’ai pas de conseils à vous donner, ce serait prétentieux et mal venu, mais je crois qu’il serait de bon ton que nous soyons cohérents dans les choix opérés.

Vous soulignez par ailleurs, à juste titre, monsieur Cléach, que des militaires français ont trouvé la mort en Algérie après le 2 juillet 1962, preuve de l’insécurité qui y régnait encore, même si – les mots ont un sens – cette insécurité inacceptable et parfois innommable n’est pas comparable à un état de guerre. En outre, il m’est affirmé que la plupart de ces décès ont eu lieu dans l’immédiat après-2 juillet 1962, dans les semaines ou les mois qui ont suivi. Or la proposition que j’ai introduite dans mon budget pour 2014 prend en compte cette période. En effet, la carte du combattant sera désormais accessible à tous ceux qui totalisent cent vingt jours de présence sur le territoire algérien, dès lors qu’au moins un jour a été effectué avant le 2 juillet 1962.

Couvrir cette période dite « à cheval » sur le 2 juillet 1962, en proposant une réelle flexibilité tout en confortant cette date comme référence, telle était ma priorité, tel était mon engagement, dictés avant tout par les demandes des anciens combattants eux-mêmes et par leurs représentants et associations, tant sur le plan local que national. Aujourd’hui, cette demande a été entendue, satisfaite. L’engagement que j’ai pris ici devant vous il y a un an a été tenu. Cette mesure permettra d’augmenter significativement les délivrances de cartes du combattant pour ce conflit puisque 8 400 personnes sont potentiellement concernées. Je rappelle qu’elle entrera en vigueur non pas en juillet 2014 mais dès le 1er janvier 2014, pour un coût annuel de 5, 5 millions d’euros.

Par ailleurs, je tiens à souligner que le coût que représenterait une extension des critères jusqu’en 1964 serait de l’ordre de 33 millions d’euros pour 50 000 personnes concernées.

Dans une situation que j’estime apaisée – peut-être à tort, mais que je souhaite en tout cas qu’elle le soit –, j’ai voulu mener avec vous, en toute transparence, une discussion sur le fond avec la volonté de pouvoir aboutir. C’est pourquoi, je vous le dis, le Gouvernement est défavorable au premier volet du texte que vous présentez.

J’en viens maintenant au second volet, celui de l’extension à toutes les opérations extérieures du critère de quatre mois de présence pour bénéficier de la carte du combattant.

Cette réflexion est totalement légitime. Elle s’inscrit notamment dans le contexte de l’évolution globale des missions de nos armées et de la nécessaire prise en compte des conditions dans lesquelles nos militaires, à qui il faut rendre hommage, exercent ce qui est désormais leur métier. C’est pourquoi un travail approfondi a été mené pour adapter les textes à cette nouvelle réalité. Le décret et l’arrêté du 10 décembre 2010 ont ainsi revu très largement la définition des unités combattantes, afin de prendre en compte par exemple les contrôles de zone, les interventions sur engins explosifs, les opérations de sauvetage et les actions de renseignement. La liste, qui couvre chacune des trois armées, permet d’établir des critères totalement adaptés aux conflits contemporains.

Dans la même logique, l’arrêté du 28 juin 2012 a permis d’élargir la liste des opérations extérieures ouvrant droit à la carte du combattant, afin de couvrir notamment plusieurs missions des Nations unies. Un nouvel arrêté a été publié encore très récemment, le 30 octobre 2013, afin que soient étudiées par le service historique de la défense de nouvelles périodes d’engagement en opérations extérieures. Ce texte permettra notamment l’examen de l’opération Atalante de décembre 2008 à décembre 2013, de l’opération Trident au Kosovo entre janvier 2012 et décembre 2013, de l’opération Daman au Liban jusqu’en août 2014, de l’opération Harmattan ou encore de l’opération Épervier au Tchad entre janvier 2010 et décembre 2013. J’ajoute qu’un article 34 a été intégré à la loi de programmation militaire. Il permet de simplifier les procédures en supprimant cette étape de mise à jour par décret des opérations pouvant être examinées par le service historique de la défense.

Ce sont donc, et vous le noterez bien, désormais toutes les opérations extérieures qui sont reconnues comme ayant de fait vocation à ouvrir droit à la carte du combattant.

Ces débats sur les procédures peuvent sembler techniques, mais je tiens à souligner les conséquences très concrètes de ces évolutions législatives : c’est l’augmentation exponentielle du nombre de cartes du combattant attribuées, que je tiens à vous rappeler. Elles étaient en effet de 3 600 en 2011 au titre des OPEX, de 8 900 en 2012, soit une augmentation de 147 %. Sur les six premiers mois de 2013, déjà plus de 7 000 cartes ont été attribuées, avec un total attendu de 13 000 cartes pour l’année 2013. En 2014, avec les 8 400 nouveaux titulaires au titre de l’Algérie, nous atteindrons donc les 20 000 cartes du combattant attribuées.

Derrière chacune de ces cartes, il y a un soldat qui s’est engagé hier et qui est reconnu aujourd’hui, un soldat qui sera l’ancien combattant de demain et qui portera les valeurs du monde combattant – valeurs que nous partageons – comme l’ont fait ses aînés avant lui. Ce sont eux qui sont la relève, et nous les prenons pleinement en compte.

Ce n’est donc pas par hasard que l’ensemble des unités engagées en Afghanistan et au Rwanda ont été reconnues comme combattantes par l’arrêté du 20 septembre dernier.

Ce n’est pas par hasard que, en 2011 et 2012, 90 % des 34 000 militaires projetés en OPEX qui remplissaient les conditions pour obtenir le titre de reconnaissance de la nation ont aussi obtenu la carte du combattant.

Ce n’est pas par hasard que la somme de 1 million d’euros a été dégagée sur le prochain budget pour financer les prothèses de dernière génération pour nos militaires blessés, ce qui est une première !

Ce n’est pas par hasard que nous avons maintenu le financement de 1 million d’euros pour le monument dédié aux opérations extérieures, place Vauban à Paris.

Enfin, ce n’est pas par hasard que, grâce à la volonté de Jean-Yves Le Drian, la prise en charge du syndrome post-traumatique est devenue une priorité. J’ai eu l’occasion de le souligner lorsque je me suis rendu à Beyrouth et à Pamiers pour commémorer l’attentat du Drakkar.

Ce travail est une priorité pour nous. Nous l’assumons, et nous souhaitons y associer la représentation nationale. C’est pourquoi je ne peux pas être d’accord avec vous, monsieur Cléach, lorsque vous affirmez, dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi, que « les critères d’attribution de la carte d’ancien combattant ne correspondent plus aux engagements actuels de nos forces militaires ».

Non seulement ce travail est mené avec sérieux, mais il a également vocation à se poursuivre, à progresser. Je reconnais – je me suis déjà exprimé à ce sujet – que les procédures actuelles sont trop longues. L’examen de tous les journaux des marches et opérations par le service historique de la défense est un travail fastidieux. Il est réalisé en priorité sur les opérations extérieures les plus récentes, mais il laisse – je le regrette, et nous avançons sur ce point – une série d’opérations plus anciennes dans l’attente.

Je mesure également l’attente des militaires qui souhaiteraient voir leurs unités étudiées une nouvelle fois par le SHD, afin que les critères les plus récents puissent être pris en compte.

Pour toutes ces raisons, je considère que l’application à toutes les opérations extérieures d’un critère uniforme de quatre mois de présence est une piste sérieuse de travail ; j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer. J’ai commencé à examiner cette piste, et ce travail se poursuivra dans les mois qui viennent.

Nous devons notamment, vous l’aurez compris, nous pencher sur l’impact financier de cette mesure. Il faut prendre en compte l’impact budgétaire non seulement sur la carte du combattant, mais également sur le budget lié aux autres droits ouverts aux détenteurs de la carte : retraite mutualiste et demi-part fiscale en particulier.

Cette mesure ne peut être adoptée dès à présent. C'est pourquoi le Gouvernement est également défavorable, quoique pour des raisons bien différentes, à la seconde partie de la proposition de loi. Cependant, je l’ai déjà souligné, je m’engage à faire de cette mesure une priorité pour le budget pour 2015, comme je m’étais engagé l’année dernière à faire de la carte « à cheval » une priorité pour cette année.

Je sais que nous partageons le même objectif, la même ambition pour la pleine reconnaissance et l’accompagnement exemplaire de celles et ceux qui ont fait le choix de défendre notre pays et ses valeurs. Vous avez eu raison de rendre hommage à nos soldats. Je leur rends hommage avec vous. C’est pourquoi je souhaite que nous puissions travailler ensemble en vue de notre objectif commun, avec le même sens des responsabilités et dans un souci de transparence.

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