Intervention de Robert Tropeano

Réunion du 19 novembre 2013 à 14h30
Conditions d'attribution de la carte du combattant — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Robert TropeanoRobert Tropeano :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’énonce le premier article du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, « la République française, reconnaissante envers les anciens combattants et victimes de la guerre qui ont assuré le salut de la patrie, s’incline devant eux et devant leurs familles ». Le principe de la dette de la nation à l’égard des anciens combattants est ainsi fondamentalement posé.

Le législateur en a tiré les conséquences en instaurant le droit à réparation. Pour bénéficier totalement de celui-ci, il faut être titulaire de la carte du combattant. En effet, ce titre donne accès aux principaux dispositifs que notre rapporteur a énumérés, de la retraite du combattant jusqu’au privilège du drapeau tricolore sur le cercueil.

Comme vous le savez, mes chers collègues, chacun des grands combats de notre histoire a forgé ce que l’on appelle les quatre générations du feu, progressivement reconnues par le législateur.

La loi du 19 décembre 1926 a créé la carte du combattant, essentiellement en direction des poilus de la Grande Guerre. C’est la première génération du feu, celle des tranchées, de l’enfer de Verdun ou du funeste Chemin des Dames. Parce qu’ils ont tous disparu, ces soldats sont naturellement sortis des dispositifs de réparation. Mais, à l’aube des grandes commémorations du centenaire de la guerre de 14-18, je tiens à souligner que les hommes et les femmes victimes de la Grande Guerre sont aujourd’hui plus que jamais au cœur du devoir de mémoire, forme de reconnaissance que nous devrons éternellement aux anciens combattants.

La « der des ders » n’a malheureusement pas été la dernière. La deuxième génération du feu, constituée des anciens de la Seconde Guerre mondiale, est reconnue par le décret du 29 janvier 1948. Les mêmes critères d’attribution de la carte du combattant sont requis : avoir appartenu à une unité combattante ou avoir participé collectivement ou personnellement à une action de feu ou de combat. L’ajout du critère de blessure ou de captivité selon certaines conditions permettra notamment de prendre en compte la spécificité du combat résistant.

S’agissant de la troisième génération du feu, qui nous occupe plus particulièrement aujourd’hui, le processus de reconnaissance sera plus lent. Tout le monde en connaît les raisons. Longtemps, les autorités françaises ont parlé d’« opérations » en Algérie, au regard de l’état de colonie de ce pays. Il a fallu attendre la loi du 18 octobre 1999, adoptée sous le gouvernement de Lionel Jospin, pour rompre un tabou et mettre fin à plusieurs décennies de cécité politique. « Les événements d’Algérie » sont enfin devenus « la guerre d’Algérie ». Pour avoir moi-même participé à ce conflit pendant vingt-huit mois, j’ai bien le sentiment d’avoir vécu une guerre et pas autre chose.

Il suffit de rappeler son bilan humain pour l’illustrer : plusieurs dizaines de milliers de militaires tués au combat et des civils tragiquement disparus dans les massacres d’Oran ou de la Toussaint sanglante, sans compter les nombreuses pertes algériennes. La tragédie des harkis et le retour douloureux des rapatriés achèveront de donner à ce conflit des ressorts passionnels encore très prégnants aujourd’hui.

Les dégâts psychologiques et la violence endurée par tous les appelés, les rappelés et les militaires de carrière imposaient une reconnaissance à la hauteur des sacrifices qu’ils avaient consentis. À l’époque, il a fallu la mobilisation sans relâche des associations, relayées par les parlementaires, pour aboutir à la loi de 1974, qui répondait enfin à une attente légitime en donnant la « qualité de combattant aux personnes ayant participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 ».

Cette loi sera complétée en 1998, pour prendre en compte les forces qui avaient effectué des missions dangereuses liées au climat de guérilla, sans pour autant avoir appartenu à une unité combattante. En effet, la seule présence sur un théâtre d’opérations déclenche l’obtention de la qualité de combattant, et quatre mois suffisent depuis 2004.

Faut-il aller plus loin, comme le propose notre collègue Marcel-Pierre Cléach dans la présente proposition de loi et comme l’ont d’ailleurs souhaité, en 2008, nos collègues socialistes, en déposant un texte visant les mêmes objectifs ?

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