Il faut tout d’abord mener une bataille culturelle afin que l’opinion accepte ce changement de paysage urbain, ce qui n’est pas si facile. À Strasbourg, en 2008, une majorité de concitoyens se sont montrés sceptiques, dubitatifs, voire même franchement critiques, accusant parfois le personnel municipal de ne plus faire correctement son travail.
Notre objectif a été de faire comprendre à nos concitoyens, par un travail pédagogique, qu’il fallait passer d’un concept de « nature en ville » à un concept de « ville en nature ». Dans le premier cas, on utilise les espaces disponibles dans le milieu urbain pour, en quelque sorte, « mettre de la nature » entre les bâtiments. Dans le second, on considère que la ville doit s’insérer et s’intégrer dans la nature, dont elle préserve et renforce les richesses au bénéfice de ses habitants. Nous ne parlons dès lors plus de « mauvaises herbes », mais d’« herbes folles ».
Nous constatons avec plaisir que, à Strasbourg comme ailleurs, les abeilles viennent se réfugier en ville parce qu’elles y sont mieux protégées. Ce paradoxe se traduit d’ailleurs concrètement par la présence de plus en plus nombreuse d’apiculteurs dans le périmètre urbain. Le maire que je suis ne peut que s’en réjouir !
Aujourd’hui, à Strasbourg, nous favorisons aussi la nature spontanée et la biodiversité à tous les endroits de la ville. Dans notre esprit, il ne doit plus y avoir la nature d’un côté et la ville de l’autre. Le plan zéro phyto nous a également permis de redonner droit de cité à une fonction primaire de la nature pour les êtres humains, à savoir les nourrir. Les haies nourricières dans les parcs, les potagers urbains, souvent partagés par les riverains, les arbres fruitiers sont ainsi revenus en ville, nous permettant de redécouvrir ce lien ancestral avec une nature qui nous offre ses fruits.
Ce changement culturel du rapport avec la nature en ville est, à mon sens, une des clés pour construire des villes différentes, qui soient écologiques et durables.
Parallèlement à cette bataille culturelle, il faut également mener une bataille plus administrative et technique. Ainsi, pour arrêter, certes progressivement, mais au bout du compte complètement, l’usage des pesticides dans l’entretien des espaces publics, il a fallu mobiliser l’ensemble de l’administration à Strasbourg, mettre en place un système de gestion différenciée des espaces publics et modifier les techniques d’entretien.
Un changement de pratiques professionnelles de cette ampleur nécessite de mobiliser, et surtout de former, chacun des maillons de l’administration. Pour la ville et la communauté urbaine de Strasbourg, cela correspond à plus de 900 agents, soit près de 10 % de notre effectif total.
Il faut aussi mettre en place des pratiques de gestion différenciée des espaces publics pour adapter les techniques d’entretien en fonction des objectifs de naturalité qu’on souhaite atteindre. Ces pratiques varient suivant les endroits de la ville : on ne traite pas de la même façon des lieux emblématiques, comme ceux du patrimoine touristique, les espaces de circulation, tels les trottoirs, ou des espaces dits en reconquête, par exemple aux pieds des arbres.
Tout cela suppose des modifications des comportements et des techniques d’entretien. Mais le résultat se voit tout de même assez rapidement ! Nos concitoyens changent vite d’état d’esprit, ce qui prouve qu’ils sont mûrs pour ces évolutions. Ils savent bien qu’il faut en passer par là…
Je présenterai quelques amendements au nom de mon groupe, mais nous voterons naturellement cette proposition de loi présentée par nos partenaires parce qu’elle va dans le sens de l’avenir. §