Les auteurs de la proposition de loi, nos collègues du groupe écologiste, proposent d’accélérer ce processus de reconversion en interdisant l’usage de pesticides chimiques par les personnes publiques pour l’entretien des espaces verts, forêts ou promenades ouverts ou accessibles au public et en interdisant la vente de ces produits aux particuliers. L’interdiction est-elle vraiment la solution ?
Si l’on suit la logique du texte présenté, seuls pourront être utilisés les produits bio-contrôle qui figureront sur une liste fixée par l’autorité administrative. Nous saluons donc l’effort de pragmatisme des auteurs, qui ont opté pour ces produits bio-contrôle et ne se sont pas bornés à la promotion des préparations naturelles peu préoccupantes. De même, la dérogation prévue pour tenir compte de la lutte contre la propagation des organismes nuisibles est la bienvenue.
Nous savons qu’il existe déjà fort heureusement des réglementations qui encadrent l’usage des pesticides chimiques. On peut citer, en particulier, un arrêté du 27 juin 2011 concernant les lieux fréquentés par le grand public ou des groupes de personnes vulnérables. En vertu de ce texte, les substances à risque sont interdites dans les parcs, les jardins, les espaces verts, les terrains de sport et de loisirs ouverts au public, dans les espaces habituellement fréquentés par les enfants.
Certes, la réglementation peut s’avérer insuffisante alors que l’utilisation de pesticides de synthèse entraîne une forte contamination des eaux superficielles ou souterraines, puisqu’il serait possible de retrouver jusqu’à 40 % du produit dans le cadre des usages non agricoles.
La mission d’information sénatoriale, dont le rapport a été adopté à l’unanimité, grâce au travail de nos excellentes collègues Nicole Bonnefoy et Sophie Primas, proposait des recommandations, comme la formation des vendeurs-conseils spécialisés sur les méthodes alternatives, sur les dangers des pesticides ou encore sur l’utilisation d’équipements de protection individuelle. Elle préconisait d’interdire la vente aux particuliers dans les surfaces alimentaires, avant d’interdire, à terme, la vente en général.
Dans le rapport, on peut lire que « le développement d’une offre alternative aux pesticides issus de la chimie de synthèse, combiné à une prise de conscience accrue des risques encourus par l’utilisateur, est de nature à faire changer rapidement le comportement du jardinier amateur ». De ce point de vue, l’enquête nationale que mènera l’ANSES sur les utilisations domestiques de pesticides sera d’une grande utilité pour appréhender leurs évolutions.
La sensibilisation face aux enjeux de santé publique semble également une façon efficace d’inciter les collectivités locales à adopter un objectif zéro phyto. D'ailleurs, les collectivités sont de plus en plus nombreuses à prendre à leur compte un tel objectif.
Si la promotion de ces méthodes alternatives fait progresser les mentalités et les usages, quelques obstacles demeurent quant à leur généralisation.
Cela concerne notamment les préparations dites « naturelles peu préoccupantes », les PNPP : l’autorisation des substances contenues dans celles-ci n’est possible que lorsqu’elles sont inscrites à l’annexe I du règlement européen du 21 octobre 2009 ; or le coût de cette inscription représente entre 40 000 et 200 000 euros, alors même qu’il ne s’agit que d’autoriser des recettes de grand-mère non brevetables…
Sur ce sujet, le rapport prévu à l’article 3 de la proposition de loi doit, à terme, nous éclairer. En tout état de cause, l’Allemagne et l’Espagne, qui disposent de nombreux fortifiants de plantes naturels, démontrent qu’on peut faire mieux et moins cher. À cet égard, il nous semble plus mesuré d’exclure de l’interdiction les pesticides à faibles risques, tels qu’ils sont définis par le règlement précité, ainsi que le propose notre collègue Roland Ries.
Enfin, les dates proposées pour l’application de l’interdiction – 2020 pour les collectivités locales, 2022 pour les particuliers – sont, de notre point de vue, raisonnables, notamment pour les collectivités locales, qui disposeront de cinq années pleines pour s’adapter à ces nouvelles contraintes et pourront suivre l’exemple des collectivités ayant adopté des plans zéro phyto.
Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l’on ne peut que se réjouir que le Sénat soit à nouveau à l’initiative de dispositions donnant la priorité à la santé de nos concitoyens et des générations futures, comme ce fut le cas en 2009, lorsque mon groupe avait permis la suspension de la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A, il nous faut, en tant qu’élus responsables, veiller à ne pas tomber dans l’excès, c'est-à-dire, en l’espèce, faire du principe de précaution une application aveugle, de nature à nous faire quitter les chemins de la raison et à tourner le dos à la science et au progrès.
Dans ces conditions, et après de longs et sérieux débats, le groupe RDSE a fait le choix de l’abstention sur cette proposition de loi.