Le budget de la mission Santé s'élève à 1,3 milliard d'euros pour 2014. Ses crédits sont en légère hausse (0,8 %) par rapport à 2013. Cette évolution recouvre une progression de 2,9 % des moyens du programme 183 « Protection maladie », et une baisse de 1 % de ceux du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».
L'augmentation modeste dans le cadre général d'austérité financière cache plusieurs évolutions contrastées. L'augmentation du programme « Protection maladie » est imputable en totalité à l'aide médicale d'Etat (605 millions d'euros budgétés contre 588 en 2013) car la dotation de l'Etat au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), qui était de 50 millions d'euros en 2012, est nulle pour la deuxième année consécutive. Les crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » supportent, à eux seuls, les mesures présentées comme nécessaires par le Gouvernement pour le redressement des comptes publics. Ils baissent globalement de 1 % (693,4 millions d'euros contre 700,2 millions d'euros autorisés cette année).
Les « actions » les plus affectées par cette baisse de crédits sont : les « projets régionaux de santé » (dont le budget baisse de 12,2 % pour s'établir à 130,9 millions d'euros), la « réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires » (- 10,4 % à 18,2 millions d'euros), la « prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins » (- 4,2 % à 9,5 millions d'euros), la « qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain » (3,7 % à 145 millions d'euros) et enfin « l'accès à la santé et l'éducation à la santé » (2,4 % à 9,5 millions d'euros). S'agissant des projets régionaux de santé, ils se verront contraints d'utiliser pour des actions de soins curatifs les dotations pourtant allouées pour le financement de la prévention par l'assurance maladie.
La baisse des crédits de réponse aux urgences et aux alertes (- 10 %) repose sur une diminution de la subvention à l'Etablissement public de réponse aux urgences sanitaires (Eprus). La subvention est fixée pour 2014 à un niveau tenant compte de son fonds de roulement prévisionnel, ainsi que de la mise en oeuvre de son programme d'achats pluriannuel de stocks stratégiques. L'Eprus sert en pratique de variable d'ajustement.
Pour la prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins (9,5 millions d'euros), ce sont 6,1 millions d'euros qui vont être dédiés au plan national de lutte contre le VIH/Sida et les IST (infections sexuellement transmissibles) et 1 million d'euros qui financeront des actions de lutte contre les hépatites B et C. Si l'on prend en compte, comme le fait le Gouvernement, les 0,34 million d'euros destinés à des dépenses de fonctionnement, on aboutit à un montant total de 7,44 millions d'euros consacrés à la lutte contre ces pathologies. La lutte anti-vectorielle sera dotée de 1 million d'euros. La subvention de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) diminue (144,9 millions d'euros contre 150,4 millions) mais le plafond d'emplois est en apparence maintenu au même niveau que celui de 2013 (1 009 ETP). Quant à l'action n° 12, pour « l'accès à la santé et éducation à la santé », elle voit ses crédits diminuer par rapport à 2013 de - 1,7 % en autorisations d'engagement et de - 2,4 % en crédits de paiement, pour s'élever à 25,7 millions d'euros. Cette baisse touche essentiellement la subvention à l'Inpes (24,1 millions) qui diminue de 0,1 million d'euros.
Ces baisses servent à financer l'augmentation des crédits de l'action « modernisation de l'offre de soins », de 11,6 % par rapport à 2013 pour s'établir à 190,3 millions d'euros. Cette augmentation correspond pour une part à celle du financement des stages des internes en médecine ambulatoire, mais aussi à un élargissement du périmètre lié à la réforme du financement de la Haute Autorité de santé, en cours de discussion dans le cadre du PLFSS. Sur ce point, l'augmentation des dépenses correspond à de nouvelles recettes et non à un effort financier supplémentaire.
L'augmentation des crédits de formation découle de la réforme de la formation des internes annoncée par la ministre de la santé en 2012. Actuellement, la formation dispensée en deuxième puis en troisième cycle s'effectue essentiellement à l'hôpital. Lors du troisième cycle, l'interne doit effectuer six stages d'environ un semestre, dont la répartition varie selon les maquettes de chaque diplôme d'études spécialisées (DES). Celui de la médecine générale prévoit pour la dernière année d'internat un semestre sous la forme d'un stage autonome en soins primaires ambulatoires supervisé (Saspas) ou d'un stage dans une autre structure médicale agréée.
La ministre a exprimé la volonté d'augmenter la part accordée à l'ambulatoire, avec l'objectif qu'en cinq ans - soit d'ici la rentrée 2018 -, la durée des stages pratiques en médecine ambulatoire représente « 30 % de la formation des futurs médecins ».
La montée en charge rapide de cette réforme nécessite l'augmentation importante du budget de cette action afin de couvrir les indemnités de stage, notamment des 3 511 internes stagiaires de médecine générale, et les indemnités des maîtres de stage.
J'ai pu, lors de mes auditions avec les acteurs de terrain, mesurer l'importance de ces stages pour l'installation des jeunes médecins, spécialement dans les structures d'exercice collectif. Cette augmentation de crédits est donc bienvenue, mais je regrette qu'elle entraîne la baisse importante des crédits alloués à d'autres actions, particulièrement aux programmes régionaux de santé dont l'importance pour l'accès aux soins est pourtant réelle.
Je ne vous surprendrai pas en vous indiquant que je ne peux me satisfaire du budget de la mission « Santé » tel qu'il est présenté par le Gouvernement. En effet, depuis plusieurs années maintenant, la pression financière augmente sur les opérateurs de la mission, les agences sanitaires en charge de la surveillance, de l'expertise voire de la régulation de notre système de soins. Au point aujourd'hui d'atteindre, quoi qu'on en dise, le coeur même des missions qui leur sont assignées.
Le projet de financement présenté par le Gouvernement pour le programme 204 s'inscrit en effet dans le cadre de la réduction des emplois budgétaires définie par la lettre de cadrage adressée aux ministres par le Premier ministre le 28 juin 2012. Cette lettre de cadrage précise que, sur la période 2012-2015, « les effectifs de l'Etat connaîtront une stabilité globale. Les créations d'emplois seront réservées à l'enseignement, la police, la gendarmerie et la justice. Des efforts de - 2,5 % par an sur les autres secteurs seront donc nécessaires afin de respecter cet objectif de stabilité. » Ceci se traduit par une obligation de réduction des emplois de 7,5 % sur trois ans pour les autres opérateurs de l'Etat, y compris les agences sanitaires.
Le ministère de la santé a décidé de ne pas imposer aux opérateurs le respect strict de cette obligation. A l'issue de la période 2012-2015, la réduction du nombre d'emploi des agences financées par le programme 204 devrait atteindre 156 ETP sur 2651 ETP en 2012 soit - 5,9 %. Pour 2014, il a choisi de préserver les emplois de l'agence de sécurité du médicament et des produits de santé. Ceci implique un effort supplémentaire demandé aux autres opérateurs sur lesquels se répartit la suppression de 52 ETP.
Le maintien du nombre de postes de l'ANSM est largement formel. En effet, suite à l'adoption de la loi sur la sécurité du médicament, 80 nouveaux emplois devaient être affectés à l'agence pour faire face à ses nouvelles missions. Seuls 15 l'ont finalement été. Dans un contexte de réorganisation lourde du fonctionnement de l'agence, facteur d'un climat social tendu, pareille limitation des moyens humains est de nature à mettre en péril la capacité de l'agence non seulement à faire face aux urgences sanitaires récurrentes liées aux produits de santé mais surtout à les anticiper et à les prévenir.
L'effort demandé aux opérateurs de la mission est nécessairement de plus en plus difficile à supporter et met en péril l'exercice des missions. En effet, la possibilité de réduire les effectifs par simple non-remplacement des départs en retraite ou non-renouvellement des contrats à durée déterminée s'épuise rapidement, spécialement si les structures sont de taille réduite et de création récente, ce qui implique généralement une pyramide des âges relativement plate. Une fois les départs en retraite et non renouvellement volontaires effectués, la seule possibilité de réduction des emplois est la rupture conventionnelle avec les personnels contractuels.
Or, l'effort demandé aux opérateurs est croissant sur la période triennale. 20 ETP ont été supprimés en 2013, 52 le seront en 2014 et 84 en 2015.
La direction générale de la santé espère parvenir à remplir l'objectif de diminution des emplois par la mutualisation des fonctions support. Sont définies comme fonctions support toutes les fonctions qui permettent aux opérateurs d'accomplir leurs missions mais qui ne sont pas l'exercice direct de ces missions, ainsi la mise en place d'un réseau informatique ou la passation de marchés publics. Cette distinction bien qu'intellectuellement séduisante me paraît atteindre rapidement ses limites sur le terrain. Elle permet surtout de minimiser les conséquences des réductions d'effectifs sur le fonctionnement des agences.
En effet, la distinction entre fonctions support et fonctions métier est très variable selon les agences. L'idée que la réduction des effectifs pourrait porter sur des postes non essentiels est donc illusoire. L'ampleur des coupes demandées implique nécessairement la réduction du nombre de personnes chargées de mener à bien les missions confiées aux opérateurs. Or, à effectifs constants ou décroissants pour exercer leurs missions, les agences perdent la capacité de suivre de manière approfondie tous les domaines de leur champ de compétences. Surtout, l'activité de veille et de prospective et même la capacité de traiter les thématiques émergentes se trouvent considérablement réduites. Que ce soit pour l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut du cancer (INCa) ou l'Agence de la biomédecine (ABM), la perte de moyens s'effectue au détriment de notre capacité à faire face aux nouveaux enjeux sanitaires et à l'évolution des connaissances et des pratiques médicales.
La situation des agences sanitaires et des autres opérateurs de la mission « Santé » impose une vision d'ensemble plus large que la stricte application de règles d'économie. En l'absence de vision claire des intentions du Gouvernement concernant les agences avec une loi de santé publique sans cesse repoussée, ce budget contribue à leur fragilisation.
Parallèlement, l'Etat se désengage en fait du financement du Fiva. Nous en avons largement débattu à l'occasion du PLFSS, le contexte budgétaire fragile du Fiva et la double responsabilité de l'Etat dans l'affaire de l'amiante impose que l'Etat assume ses responsabilités. La réponse donnée par le ministère du budget selon laquelle l'absence de dotation est inscrite dans le budget pluri-annuel 2013-2015 est purement formelle et ne tient pas compte de l'évolution de la situation. Je vous proposerai donc que notre commission adopte un amendement rétablissant à hauteur de 50 millions d'euros ou au moins de 30 millions d'euros la dotation de l'Etat. Afin que ce rétablissement de la dotation préjudicie le moins possible aux crédits de la mission 204, je vous proposerai également un amendement tendant à augmenter les recettes en rétablissant une contribution sur les entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante.
J'ai souhaité cette année aborder les solutions possibles aux inégalités territoriales et sociales de santé. De ce point de vue, un large consensus se dégage aujourd'hui pour considérer que l'avenir des soins de ville passe par l'exercice collectif dans des conditions d'accessibilité financière. La stratégie nationale de santé reprend partiellement cette analyse en affirmant la nécessité d'un véritable service public territorial de santé dont le périmètre et les modalités restent toutefois encore imprécis.
Je note la priorité qui semble être accordée dans le texte de présentation de la stratégie nationale de santé aux pôles et aux maisons de santé, ce qui est cohérent avec la volonté affichée de « développer un nouveau mode d'exercice de la médecine libérale ».
En pratique, selon l'analyse de plusieurs professionnels impliqués tant dans les centres de santé que dans les maisons de santé, la question du statut libéral ou salarié, longtemps marquée par des a priori idéologiques, est aujourd'hui devenue secondaire pour les jeunes professionnels de santé. En effet, c'est le caractère collectif de l'exercice au sein des centres ou des maisons de santé qui motive l'installation des jeunes dans ces structures. Cette forme d'exercice permet la mise en place d'un projet médical commun, souvent porteur d'une prise en charge des patients plus globale que celle possible pour la clientèle d'un médecin exerçant seul. De plus, l'exercice collectif garantit, quel que soit le statut du professionnel, un niveau de rémunération compatible avec la qualité de vie que recherchent légitimement les jeunes professionnels. Une véritable dynamique est en place. Sur l'ensemble du territoire, 70 centres de santé sont en voie de création et 300 nouvelles maisons de santé.
Le président de la Fédération des maisons de santé envisage même la possibilité de rapprocher les maisons et centres de santé au sein d'une fédération des soins de santé primaires. J'estime cette perspective intéressante à condition que les professionnels libéraux participent pleinement à un service public qui accueille l'ensemble de la population d'un territoire sans discrimination financière. En effet, à l'heure actuelle, ce sont les centres de santé qui prennent en charge en soins de ville les populations les plus fragiles.
De plus, ce sont historiquement les centres de santé réunissant des professionnels de santé salariés exerçant au tarif de responsabilité qui sont les pionniers de cet exercice collectif. Il existe aujourd'hui 1 700 centres de santé répartis sur l'ensemble du territoire national contre près de 300 maisons de santé. Si j'admets volontiers la nécessité de développer les maisons de santé, il me paraît essentiel de soutenir l'action de centres de santé et surtout de les aider à faire face aux difficultés financières qu'ils rencontrent. Les centres partagent l'essentiel des préconisations du rapport de l'inspection générale des affaires sociales publiée en juillet dernier. Ils s'inquiètent cependant des difficultés qu'un transfert d'une partie de leur financement aux Départements, tel qu'il est envisagé par l'Igas, pourrait entrainer et souhaitent que soit rendue possible le financement des centres de santé par les intercommunalités. La fédération des centres de santé serait prête pour sa part à accepter une évolution du modèle économique dans le cadre d'un contrat d'Objectifs réellement négocié.
A la fin de ce panorama, je ne peux donc que constater avec regret que le budget de la mission « Santé » s'inscrit globalement dans le cadre des mesures d'austérité budgétaire avec lesquelles je suis en profond désaccord. Je vous propose donc de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits prévus pour la mission « Santé».