Intervention de Michel Sapin

Commission des affaires sociales — Réunion du 21 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Audition de M. Michel Sapin ministre du travail de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social

Michel Sapin, ministre :

ou à Amiens-Nord. La garantie jeunesse européenne a été instaurée pour que tous les pays d'Europe mettent en place des dispositifs de lutte contre le chômage des jeunes. Les crédits de six milliards d'euros programmés ne concernent que 2014 et 2015. Il faut agir vite. Chez nous, l'aide européenne bénéficiera aux régions où le taux de chômage est supérieur à 25 %, comme je l'ai annoncé à La Réunion. Il faut lutter contre la rhétorique de dénonciation de l'assistanat, qui est dangereuse, en précisant les devoirs qui doivent être remplis. Nous expérimentons des outils, et dans un an nous y verrons plus clair et pourrons monter en puissance. La moitié des sites d'expérimentation ont un taux de chômage inférieur à 25 %.

Une proposition de loi complètera bientôt les dispositions déjà adoptées sur la gratification des stages. Un stage doit rester une modalité d'appropriation d'une compétence inscrite dans un cursus universitaire. Ce n'est pas le premier emploi.

Cent onze millions d'euros sont consacrés aux ZRR en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. La réforme du dispositif de l'exonération de cotisations employeurs pour les organismes de ZRR prévue dans le projet de loi de finances est critiquée. Elle recentre sur les bas salaires l'exonération pour les contrats conclus avant le 1er novembre 2007. Nous souhaitons introduire de la dégressivité entre 1,5 et 2,4 Smic pour éviter les effets de seuil et aligner le barème sur l'exonération de droit commun dont bénéficient les employeurs en ZRR. Seront concernés surtout les très gros établissements, ou ceux qui paient largement au-dessus du smic pour lesquels l'effet d'aubaine était maximal.

L'inspection du travail constitue un élément fondamental du dispositif de protection des salariés en France, qui a été souvent prise comme modèle à l'étranger. Tout salarié doit avoir un interlocuteur qui l'aide à faire respecter ses droits et tout employeur doit trouver un interlocuteur pour l'aider à comprendre ses obligations. L'inspecteur du travail agit en toute indépendance sur son territoire, nul ne peut l'empêcher de contrôler une entreprise en particulier et il est libre de la suite à donner à ses constats. La convention de l'OIT (Organisation internationale du travail) protège ces principes dont le Conseil d'Etat comme le Conseil constitutionnel considèrent qu'ils font partie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Il n'est absolument pas question de les remettre en cause.

Toutefois, la lutte contre les abus au détachement de travailleurs nécessite la collaboration de plusieurs inspecteurs, afin qu'ils travaillent en réseaux. Certains doivent aussi se spécialiser, comme les juges l'ont fait lorsqu'il a fallu lutter contre les réseaux mafieux ou le trafic de drogue. Cela n'enlève rien à l'indépendance mais celle-ci n'est pas l'autonomie. Il faudra parfois conduire de véritables politiques nationales, par exemple sur l'égalité salariale entre hommes et femmes. J'ai mené depuis un an un dialogue social approfondi sur ces questions et constaté des décalages entre les revendications nationales des syndicats et ce qu'ils soutiennent dans mon ministère. Si nous ne développons pas ainsi la capacité d'action de l'Inspection du travail, les grands délits resteront impunis.

L'ESS est en effet un secteur qui crée des emplois ou en sauve, notamment par l'IAE. Je suis favorable à son développement. Le texte sera présenté avant l'été à l'Assemblée nationale.

Jusqu'en 2010, le nombre des emplois de service s'était accru chaque année. La rupture est intervenue en 2011, lorsque les 15 points d'abattement ont été supprimés. En 2012 et 2013, leur diminution s'est accentuée. La suppression des 15 points d'abattement a incité de nombreux employeurs à passer au forfait, ce qui a des conséquences très graves pour les salariés, dont les droits à la retraite se trouvent minorés. Maintenir le dispositif au réel préserve les droits des salariés. Il y a aussi un aspect conjoncturel : les ménages commencent par faire des économies sur ce poste lorsque leur pouvoir d'achat diminue. Le travail au noir semble s'être développé. Nous allons faire des assises des emplois de service, avec Mmes Pinel et Vallaud-Belkacem car ce secteur concerne beaucoup d'emplois féminins.

A Aulnay, les engagements pris par PSA ont été étoffés au cours des négociations. La loi sur la sécurisation de l'emploi a pour objectif fondamental qu'en cas de plan de sauvegarde de l'emploi, la contrepartie individuelle et collective soit meilleure.

L'information, sur laquelle insistait Mme Demontès, est plus délicate en période économiquement difficile, parce que les chefs d'entreprise se préoccupent d'abord de passer le mois et de trouver des marchés. Le contrat de génération ne créera pas de postes là où il n'y en a pas besoin, car les deux tiers du coût doivent être assumés par l'employeur. Comme le Cice (crédit d'impôt compétitivité emploi), c'est un outil d'anticipation : en cas d'hésitation, il est décisif et accélère la décision.

Le rapport de Christophe Sirugue sur le RSA est très utile. Nous demanderons des expertises supplémentaires. Je souhaite que soit analysée la chaîne toute entière, de la PPE (prime pour l'emploi) au RSA (revenu de solidarité active) en passant par les allocations de chômage, de solidarité... Il y a des seuils, des contradictions, des trappes : il faut tout revoir. Ces mesures doivent avoir une meilleure efficacité sociale et budgétaire car elles coûtent très cher !

Nous préparons un projet de loi sur la formation professionnelle, l'apprentissage et la démocratie sociale. Il est nécessaire de réformer la formation professionnelle. En application des dispositions L1 du code du travail, nous avons confié un ensemble de sujets aux partenaires sociaux, qui souhaitaient s'en emparer. La négociation, qu'ils conduiront librement, sera difficile. Il faut toutefois qu'elle débouche avant la troisième semaine de décembre, sinon, le Gouvernement prendra ses responsabilités. Les systèmes d'urgence ont bien fonctionné, puisque nous avons déjà largement dépassé nos objectifs du plan de 30 000 formations prioritaires pour l'emploi. Mais l'urgence doit pour ainsi dire devenir une politique inscrite dans la durée. Une partie des crédits de la formation professionnelle relève des pouvoirs publics, de l'Etat, de Pôle emploi et des régions. Il faut simplifier et préciser le rôle de chaque acteur. Nous retrouverons dans le projet de loi un volet décentralisation qui intéresse particulièrement les élus locaux... Le texte comprendra également un volet réformant l'apprentissage.

Le volet démocratie sociale comprendra deux sujets. La représentativité des partenaires sociaux, d'abord, qui a déjà été réglée pour les organisations syndicales de salariés, mais pas pour les organisations patronales, qui souhaitent que l'on avance sur ce sujet. Le rapport public de M. Denis Combrexelle sur le sujet est très intéressant. Il convient ensuite de clarifier les circuits de financement des organisations patronales et syndicales. Les difficultés observées dans les négociations en cours sur la réforme de la formation professionnelle ne sont peut-être pas étrangères aux prochaines modifications du financement des organisations patronales. La légitimité du dialogue social se fonde aussi sur la transparence du financement et de sa représentativité : il y a eu trop de soupçons.

Le texte sera adopté en conseil des ministres en janvier. Il fera l'objet d'une première lecture, en procédure accélérée, dans la foulée, afin d'être applicable dès juin ou juillet 2014.

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