La politique de modernisation de l'État a connu au cours des dernières années des évolutions importantes, en particulier avec le passage de la révision générale des politiques publiques (RGPP) à la modernisation de l'action publique (MAP), qui a modifié les structures chargées de conduire cette politique. Ces modifications ont des conséquences autant sur l'insertion des crédits dans le PLF que sur les chantiers de modernisation menés par le Gouvernement.
La maquette du budget, cependant, ne comporte plus de programme budgétaire consacré à la modernisation de l'État. Les crédits concernés sont désormais inclus dans le programme Coordination du travail gouvernemental de la mission Direction de l'action du Gouvernement. Notre collègue Alain Anziani présentera son rapport sur les autres crédits du programme. Cette évolution est la conséquence de la réorganisation des administrations chargées de la conception et du suivi des chantiers de la modernisation de l'État, puisque le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) a été créé en octobre 2012 pour remplacer la Direction générale de la modernisation de l'État (DGME). Ce secrétariat est placé sous l'autorité du Premier ministre et rattaché au secrétaire général du Gouvernement et regroupe l'ensemble des services en charge de la politique de modernisation de l'action publique.
Le montant des crédits consacrés à la modernisation de l'État au sein du programme 129 est stable, compte tenu de ces réorganisations administratives : 34 millions d'euros en autorisations d'engagement et 36 millions d'euros en crédits de paiement.
La présentation budgétaire est cependant peu lisible ; il n'est désormais plus possible, à la lecture du projet annuel de performance du programme 129, d'identifier les crédits consacrés spécifiquement à la politique de modernisation de l'État.
De plus, aucun des objectifs et indicateurs de performance associés au programme Coordination du travail gouvernemental ne concerne véritablement la modernisation de l'État. Le Gouvernement indique qu'une réflexion est en cours pour déterminer de nouveaux objectifs et indicateurs de performance associés à la modernisation de l'action publique, mais je regrette qu'elle n'ait pas été menée plus tôt pour servir dès ce budget.
Parmi les chantiers de la modernisation de l'action publique, l'administration continue de supprimer des commissions consultatives, mouvement initié par un décret de 2006 et une circulaire du Premier ministre de 2008 : 324 suppressions sont ainsi intervenues entre 2009 et 2011. Une nouvelle politique de consultation a été mise en place dans le cadre de la MAP, à la suite de laquelle 68 commissions ont été fusionnées ou supprimées en juillet 2013, pour atteindre l'objectif de diminuer d'un quart le nombre de ces instances.
À titre d'illustration, quelques exemples de commissions supprimées : le comité supérieur des musiques actuelles ; le comité national de facilitation ; le comité stratégique du calcul intensif ; le comité de pilotage des événements indésirables graves ; le comité consultatif placé auprès des ministres responsables d'une grande catégorie de ressources ; la commission consultative relative à la réception des betteraves dans les sucreries et les distilleries ; l'observatoire des distorsions.
L'impact budgétaire de ce mouvement de suppressions de commissions consultatives est cependant assez réduit. Elles permettent essentiellement de gagner du « temps agent » par le redéploiement des personnels de la fonction publique.
Autre chantier, l'ouverture et le partage de données publiques. Il se fonde sur la loi de 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et la loi de 1978 sur les relations entre l'administration et le public ; en 1997, le Gouvernement a décidé la mise en ligne gratuite des données publiques essentielles ; en 2002, le Conseil d'État a érigé le droit d'accès aux documents administratifs au rang de liberté publique. Le droit communautaire a également contribué à l'ouverture des données publiques, avec la transposition de la directive de 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public. En 2011, le Gouvernement a institué la mission « Etalab », chargée de créer un portail unique « data.gouv.fr » et de coordonner l'action des administrations pour faciliter la réutilisation des données publiques. « Etalab » a en particulier lancé la « licence ouverte » en octobre 2011.
Le Gouvernement a poursuivi le mouvement engagé au cours du précédent quinquennat. La mission « Etalab » a été intégrée au Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique après sa création en octobre 2012. En 2013, le Gouvernement a publié une feuille de route puis un vade-mecum qui explicitent sa politique concernant l'ouverture et le partage des données publiques.
Enfin, la question de l'open-data a été abordée lors du sommet du G8 qui s'est tenu en juin dernier, avec l'adoption d'une Charte du G8 pour l'ouverture des données publiques.
Vous trouverez dans mon rapport des exemples de fichiers très téléchargés sur data.gouv.fr, comme le recensement de la population 2008, les indicateurs de résultat des lycées d'enseignement général et technologique, la liste des musées de France ou encore les résultats de l'élection présidentielle 2012.
Nos collègues Gaëtan Gorce et François Pillet ont été désignés co-rapporteurs de la mission d'information sur l'open data et la protection de la vie privée.
Autre mesure importante : le Président de la République a annoncé, dans une conférence de presse du 16 mai dernier, la mise en oeuvre du principe de l'accord tacite. En droit administratif, le silence gardé par l'administration vaut, traditionnellement, rejet de la demande et seul le législateur peut déroger à ce principe, en instaurant un régime d'approbation implicite ou habiliter le pouvoir réglementaire à le faire.
La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations avait clarifié ce régime, en disposant que le silence de l'administration pendant deux mois vaut rejet. Le législateur a également admis qu'un décret en Conseil d'État puisse déroger à ce délai, mais aussi que ce principe puisse être inversé dans certains cas. Cette clarification législative a cependant été brouillée par la multiplication des décrets prévoyant des délais dérogatoires, soit en réaffirmant le délai ancien de quatre mois, soit en créant des délais particuliers. Même si l'accusé de réception de la demande doit en principe indiquer le délai dans lequel la demande sera considérée comme acceptée ou rejetée en raison du silence gardé par l'administration, le système reste complexe pour l'usager.
Il existait donc déjà, en droit positif, la possibilité à titre exceptionnel que le silence de l'administration fasse naître une décision implicite d'acceptation. Cependant, la loi du 12 avril 2000 prévoyait des cas dans lesquels l'instauration d'un tel régime était impossible : lorsque les engagements internationaux de la France, l'ordre public, la protection des libertés ou la sauvegarde des autres principes de valeur constitutionnelle s'y opposent ou lorsqu'il s'agit d'une demande présentant un caractère financier.
La traduction législative de la promesse présidentielle a été faite dans la loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens, promulguée il y a quelques jours. Notre collègue Hugues Portelli avait rapporté ce texte, qui a été adopté à l'unanimité par le Sénat.
Un site internet devra mentionner les procédures concernées. La loi prévoit de nombreuses exceptions ; de plus, le délai de deux mois, qui est de droit commun, peut être modifié par décret en Conseil d'État lorsque l'urgence ou la complexité de la procédure le justifie.
Je regrette qu'à ce stade, le SGMAP ne dispose pas d'évaluation du coût de la mesure ni des conséquences pratiques liées à sa mise en oeuvre. La loi prévoit un délai pour que les administrations se préparent à l'entrée en vigueur de cette nouvelle règle : un an pour les administrations de l'État, deux ans pour les administrations territoriales et de sécurité sociale.
Toujours parmi les chantiers de la modernisation : le programme « Dites-le nous une fois ». Il entend réduire les demandes d'informations redondantes aux entreprises, qui sont une source de tracas bien inutile. Le SGMAP s'est fixé des objectifs graduels, pour une redondance zéro dans dix ans. Des démarches ont d'ores et déjà été supprimées, par exemple, pour les sociétés redevables de la contribution sociale de solidarité des entreprises, l'obligation de notifier leur montant de chiffre d'affaires : les quelque 250 000 entreprises concernées bénéficieront désormais d'une déclaration pré-remplie.
L'un des leviers principaux de ce programme est l'échange des données entre administrations. Il s'agit de ne plus demander aux entreprises des informations qu'une administration détient déjà, tout en assurant que les informations reçues sont de bonne qualité. Pour y parvenir, il faut lever les obstacles juridiques au partage des données entre administrations : nous avons habilité le Gouvernement à prendre des ordonnances dans ce sens, dans un délai de dix-huit mois ; il faut également des investissements matériels importants pour que les serveurs des principales directions qui reçoivent des données - la DGFiP, l'INSEE et la direction de la sécurité sociale - soient compatibles entre eux et avec les serveurs des nombreuses administrations intéressées par ces informations.
Au bénéfice de ces observations et tout en n'étant pas, personnellement, favorable à l'adoption de ces crédits, je m'en remets à la sagesse de la commission.