Depuis l'examen du projet de loi de finances pour 2012, la mission outre-mer fait l'objet de deux avis distincts, l'un consacré aux départements d'outre-mer (DOM), dont je suis le rapporteur, l'autre aux collectivités d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), confié à notre collègue Cointat. Toutefois, la première partie du rapport, consacrée aux crédits de la mission et à leur évolution, reste commune aux deux avis.
Dans un contexte budgétaire de crise qui voit, pour la première fois, baisser les dépenses de l'État, la mission outre-mer est l'une des rares missions en augmentation, comme c'était déjà le cas pour la loi de finances initiale pour 2013. C'est un signal fort que le Gouvernement entend adresser aux outre-mer, une volonté maintenue de tenir compte de leurs difficultés économiques et sociales.
Les dotations de la mission outre-mer sont de 2,15 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,06 milliards d'euros en crédits de paiement.
Les crédits de la mission progressent donc de 20 millions d'euros par rapport à 2013. Ils sont répartis entre deux programmes. Le programme 138 vise à améliorer la compétitivité par la baisse du coût du travail et l'exonération de cotisations sociales patronales, ciblées sur les très petites entreprises (TPE) et les salaires modestes, à faciliter une meilleure insertion des économies dans leur environnement régional et à améliorer l'insertion professionnelle, notamment des jeunes, dans des territoires fortement marqués par le chômage. Le second programme, le programme 123, d'un montant de 673 millions d'euros en crédits de paiement soit une hausse de 4,2 %, a pour objectif d'améliorer les conditions de logement, d'assurer la continuité territoriale et d'accompagner les collectivités dans leur effort en termes d'investissements structurants.
Cet effort budgétaire devrait être relayé en 2014 par l'examen d'un projet de loi sur la modernisation du financement des économies ultramarines et la mise en oeuvre du pacte national pour la croissance, qui feront suite à l'adoption de la loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, votée cette année à l'unanimité par nos deux assemblées.
Je rappelle que ces crédits ne rendent qu'imparfaitement compte de l'effort budgétaire total en faveur de l'outre-mer, qui est estimé à 14,3 milliards d'euros en autorisations d'engagements et 14,2 milliards d'euros en crédits de paiement. Effort auquel il faut ajouter les dépenses fiscales qui s'élèvent à 3,98 milliards d'euros.
Pour ce qui occupe plus particulièrement notre commission des lois, j'ai souhaité, cette année, porter une attention particulière à deux sujets.
Le premier porte sur la pression migratoire clandestine. Si elle est modérée en Martinique et le reste encore à La Réunion, elle augmente en Guadeloupe, dans une proportion bien moindre cependant qu'en Guyane ou à Mayotte. Les caractéristiques géographiques de ces territoires, en particulier leur forte proximité avec des pays au niveau de vie bien inférieur, y rendent l'immigration illégale très élevée et la mise en oeuvre de toute politique de contrôle extrêmement difficile. 30 % de la population est étrangère en Guyane ; à Mayotte, la population immigrée clandestine est estimée entre 50 000 et 60 000 personnes, soit un tiers de la population mahoraise. Un renforcement des moyens humains, matériels et opérationnels a permis d'endiguer un peu cette pression. Dans le même temps, des efforts de restructuration et d'aménagement des locaux et de centres de rétention administrative sont menés afin d'améliorer les conditions d'accueil, qui demeurent encore contraires parfois aux principes de notre République.
J'estime que ces actions ne sauraient toutefois avoir de portée qu'à la condition d'être couplées avec une politique de coopération régionale. Plusieurs projets sont actuellement mis en oeuvre : actions de coopération et échange de bonnes pratiques avec le Brésil ; actions de formation pour lutter contre les filières avec le Guyana ; audit de gestion des frontières avec Haïti ; aux Comores, projets de développements locaux, conformément aux préconisations du rapport que le président Sueur, Christian Cointat et moi-même avons présenté en 2012. Le 21 juin dernier, les chefs d'État français et comoriens ont signé un document cadre de partenariat qui comporte des stipulations sur la sécurité et la défense, en mettant l'accent sur la coopération dans le domaine de la sécurité intérieure, la lutte contre le trafic d'êtres humains et l'immigration illégale.
Le second sujet est la situation des établissements pénitentiaires. Une situation que le contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Delarue, estime « nettement plus sérieuse » que celle des établissements de l'hexagone, pourtant elle-même préoccupante.
Les établissements pénitentiaires des départements d'outre-mer sont surpeuplés, en particulier les maisons d'arrêt : avec un taux de 142 % pour celle de Basse-Terre en Guadeloupe, de 186 % pour celle de Majicavo à Mayotte et de 164 % pour le centre pénitentiaire de Ducos en Martinique. Seuls les établissements de La Réunion se distinguent avec un taux d'occupation inférieur ou égal à 100 %. Pour mémoire, le taux moyen d'occupation des prisons françaises - hexagonales et ultramarines - est de 117 %. J'ai visité le centre pénitentiaire de Baie-Mahault, le 3 octobre dernier : dans des cellules étroites conçues pour quatre personnes, deux matelas sont rajoutés, portant à six le nombre de détenus par cellule ; des détenus qui, faute d'activités possibles, sont maintenus là, plus de 20 heures par jour.
J'ajoute que les départements d'outre-mer se caractérisent par un problème d'éloignement et d'isolement, qui limite la possibilité de répartition des détenus vers d'autres établissements pénitentiaires, comme c'est le cas en hexagone.
Cette promiscuité, associée à la vétusté des locaux, favorise les violences, tant entre personnes détenues qu'à l'encontre des personnels, avec l'utilisation d'armes bricolées sur place. Ainsi, début novembre, au centre pénitentiaire de Baie-Mahault, un détenu est mort poignardé au coeur par un pic artisanal. Dans certains établissements, les mineurs sont responsables d'une part importante des faits de violences.
Autre constat préoccupant : la détresse d'une bonne partie de la population carcérale, due à son extrême pauvreté, son taux d'illettrisme élevé, son difficile accès aux soins. Il faut y ajouter un relatif isolement, notamment pour les détenus étrangers et, nous l'avons vu, un manque d'activités.
Les personnels pénitentiaires travaillent donc dans des conditions difficiles et n'y sont pas toujours bien préparés.
Je veux cependant noter une démarche d'amélioration de la situation pénitentiaire. Des opérations immobilières sont en cours, au centre pénitentiaire de Ducos en Martinique, à Mayotte, à La Réunion. En 2012, 75 places supplémentaires ont été réalisées au centre pénitenciaire de Remire-Montjoly en Guyane. Compte-tenu des contraintes budgétaires, priorité a été donnée aux opérations déjà engagées, avec deux critères, la vétusté et la surpopulation des établissements. Les autres opérations devraient être étudiées et engagées dans le cadre du prochain projet triennal. Je me réjouis de l'annonce faite très récemment par la ministre de la justice, du dégel de 77 millions d'euros en faveur de l'administration pénitentiaire dans le cadre de la fin de la gestion 2013 ; j'espère que l'outre-mer en bénéficiera !
Je terminerai en évoquant rapidement trois points, susceptibles de favoriser une diminution de la récidive, pallier à la surpopulation et ménager ainsi les deniers publics :
Tout d'abord, la nécessité d'appliquer outre-mer une politique d'aménagement des peines. Le taux de recours à ces aménagements est inférieur à celui de l'hexagone. Or, les condamnés aux peines de moins d'un an représentent aujourd'hui 36,4 % de l'ensemble des condamnés écroués.
Ensuite, l'utilité dans nos départements d'une réorientation de la politique pénale en faveur des alternatives à la détention.
Enfin, l'importance de la formation professionnelle pour la réinsertion des détenus.
Ce tour d'horizon terminé, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits proposés par le PLF pour 2014.