Quelques petites observations générales sur le budget.
Depuis longtemps, notre commission dénonce le fait que le ministère en charge de l'outre-mer ne gère qu'une petite partie des crédits destinés à l'outre-mer. Mais cette année, le budget de l'outre-mer augmente et nous pouvons nous en féliciter ainsi que de certaines mesures qui lui donneront plus de poids.
C'est depuis 2012 un ministère de plein exercice. Son administration centrale a été réformée avec la création d'une direction générale des outre-mer en remplacement de l'ancienne délégation générale, qui ne relève que du ministère des outre-mer. Elle acquière ainsi plus de poids dans le travail interministériel.
Mais ce n'est pas suffisant car le ministère des outre-mer n'est pas le véritable chef d'orchestre : les crédits sont inscrits dans 89 programmes relevant de 27 missions budgétaires. Il faut donc instaurer de la cohérence et de la rationalisation.
Autre point de satisfaction, les actions intervenant par le biais de la défiscalisation mais leur rentabilité n'est pas connue. Le ministre s'est déclaré prêt à remettre à plat le dispositif pour mettre en place un outil qui donne les résultats escomptés. La défiscalisation reste nécessaire. Par exemple, les logements ne sont pas encore assez nombreux, y compris les logements sociaux vers lesquels la défiscalisation a été orientée.
En ce qui concerne l'emploi, le taux de chômage est très important et beaucoup de jeunes sont « sur le carreau », ce qui reste un sujet de préoccupation.
Le dispositif de continuité territoriale n'est pas adapté à sa finalité. Il en résultait des bénéfices pour quelques personnes qui n'en avaient pas besoin. Mais une réflexion est engagée.
Comme mon collègue Félix Desplan, je voudrais évoquer les conditions de détention dans les collectivités d'outre-mer (COM).
Il n'y a pas de problème pour Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Marquises et Wallis-et-Futuna. Mais deux établissements sont préoccupants en raison de leur taux d'occupation et des conditions de détention.
Une réflexion est en cours sur le choix entre la rénovation sur place de la prison de Nouméa qui se trouve dans un état lamentable ou plutôt la construction d'un établissement sur un autre site, option qui semble avoir été abandonnée pour des raisons fonctionnelles. C'est un choix local à opérer.
À Tahiti, la situation est la même à Faa'a, mais la prison de Papeari est en cours de construction et la question de l'emprisonnement sera à peu près réglée en Polynésie française. Jusqu'à l'année dernière, la population locale était farouchement hostile à cette construction.
La question de l'éloignement des détenus avec son entourage se pose à Saint-Martin, sans prison, dont les habitants sont détenus à la maison d'arrêt de Basse-Terre. Or, l'aéroport est situé à Pointe-à-Pitre, ce qui complique le retour en cas de libération. Faut-il en conséquence envisager localement un centre pénitentiaire ?
Se pose le problème des longues peines car il n'y a pas de maison centrale véritablement adaptée à ces condamnés outre-mer. Notamment, il n'existe pas de programme de formation. Mais si les prisonniers sont transférés en métropole, ils sont coupés de leur famille et cette coupure entrave la réussite de la réinsertion.
J'en viens à la situation des différentes collectivités.
La Nouvelle-Calédonie est au bout du dispositif de l'Accord de Matignon. Plusieurs scénarios sont possibles : l'indépendance pure et simple, l'indépendance-association, une très large autonomie et le statu quo. Un récent rapport a développé toutes ces pistes. On peut même envisager, ce que le rapport expose, une indépendance partenariale en mentionnant le traité entre les deux États au sein de la Constitution de chaque État.
Les prochaines élections provinciales seront déterminantes puisque le Congrès élu en 2014 pourra demander l'organisation du référendum d'autodétermination.
Je voudrais évoquer un point particulier : il faut éviter la fossilisation du droit applicable localement comme cela s'est passé pour le droit des assurances depuis son transfert aux autorités locales, par manque de moyens. Les lois doivent être régulièrement mises à jour.
En Polynésie française, la stabilité est enfin retrouvée. Les investisseurs commencent à revenir mais c'est très lent, la situation financière reste critique. L'État y joue pleinement son rôle de « tuteur ».
Il y a eu un problème avec les dispositions électorales concernant les élections municipales. Quand nous avons modifié les règles électorales, nous avons étendu la loi à la Polynésie française, alors qu'elle a des structures particulières et notamment des communes associées. L'élection se fait par section dans ces communes associées. Une solution a été trouvée par la récente loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer : s'il y a une commune associée de moins de 1 000 habitants, dans une commune plus vaste, le scrutin majoritaire s'appliquera dans toutes les sections et non pas le scrutin proportionnel.
Saint-Barthélemy ne rencontre pas de difficultés financières particulières. En application de l'accord de rétrocession entre la Suède et la France, l'impôt direct n'y était pas prélevé. Considérant que l'impôt de solidarité sur la fortune n'est pas un impôt direct, le Gouvernement a tenté de l'appliquer, mais les habitants refuseront de s'y soumettre. Selon eux, compte-tenu de l'évaluation du prix des maisons, les habitants devraient vendre leurs biens et quitter l'île, ne pouvant acquitter l'impôt. Ils considéraient qu'en tant qu'impôt sur le patrimoine des personnes, il s'agissait d'une taxation directe de l'individu, dont les habitants ne sont donc pas redevables.
Il y a une difficulté s'agissant du transfert à Saint-Barthélemy de la compétence fiscale. Théoriquement, quand l'État transfère une compétence à une collectivité, il lui transfère également les moyens correspondants. Or, l'État n'a pas procédé ainsi, considérant que le « potentiel fiscal » de la collectivité qu'il cédait compensait le coût pour la collectivité de l'exercice de ses nouvelles compétences.
À Saint-Martin, la situation est très préoccupante. L'État peine à faire payer le contribuable qu'il a des difficultés à identifier et localiser. Le taux de récupération de l'impôt y est de 50 % alors qu'ailleurs, il s'élève à plus de 98 %. L'État est intervenu et a remis à plat le système, reprenant son application progressivement. Nous avons été rassurés par l'entretien que nous avons eu avec les représentants du ministère de finances. L'État s'est pleinement saisi de cette problématique.
De plus, la coopération avec Sint Maarten, la partie néerlandaise de l'île, s'améliore. Nous avons rencontré à ce propos l'ambassadeur des Pays-Bas qui a tenu des propos encourageants.
Une difficulté technique demeure cependant. Sint Maarten relève, au regard de l'Union européenne, des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) alors que Saint-Martin est une région ultrapériphérique (RUP). La partie néerlandaise est donc soumise aux normes américaines alors que la partie française se voit appliquer les normes européennes. Par exemple, Saint-Martin doit faire venir sa propre essence et ne peut utiliser celle de Sint Maarten, car celle-ci est soumise aux normes américaines. C'est un véritable casse-tête... Il faut que la France fasse jouer le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui permet de mettre en place des dérogations en raison des circonstances locales pour les RUP.
Quant à Saint-Pierre-et-Miquelon, on en est toujours au même point malheureusement. Quid de la coopération régionale ? Quid des conséquences de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Canada ? On nous a expliqué que les problèmes de Saint-Pierre-et-Miquelon étaient pris en compte puisque la collectivité disposerait de trois à sept ans pour s'adapter aux conséquences de l'accord. Or, la collectivité perdra son attractivité, puisqu'elle ne sera plus la porte d'entrée de l'Union européenne vu que les produits canadiens seront en libre circulation. Nous devons trouver une solution. Certes, Saint-Pierre-et-Miquelon pratique un peu d'aquaculture et tente de développer le secteur touristique, mais c'est complexe.
Il y a également le problème de l'extension du plateau continental, pour laquelle le Canada nous fait quelques difficultés mais le chef de l'État a marqué sa volonté de défendre les intérêts français.
Enfin, nous avons un ambassadeur thématique par grand océan - un dans l'océan indien, un dans le Pacifique et un pour l'Atlantique. Or, celui qui est en charge de l'Atlantique ne couvre pas Saint-Pierre-et-Miquelon, ce que je continue de trouver paradoxal et regrettable.
À Wallis-et-Futuna, le problème est de nature constitutionnel. Les autorités coutumières refusent de renoncer au statut de 1961, alors même, que depuis la révision constitutionnelle de 2003, celui-ci n'est clairement plus conforme à la Constitution. L'État doit engager rapidement un dialogue avec ces autorités pour aboutir à un nouvel accord.
Je reviens des terres australes et antarctiques françaises (TAAF). J'ai été très impressionné par les trésors de la nature que la France y protège pour le bien de l'humanité, notamment contre la piraterie. Nous pouvons en être très fiers et devons continuer.
Enfin, je considère que l'île de Clipperton devrait être rattachée aux îles éparses, en tant que sixième district, car, malgré l'éloignement, elle recèle également des ressources fantastiques pour la recherche et la protection de notre planète.
En conclusion, si ce budget n'est pas idéal, comme les précédents, il s'inscrit dans le sens de l'amélioration. Je vous invite donc à le voter.