Le programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » regroupe les crédits nécessaires au financement de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, désormais dénommée France Médias Monde (FMM), et à la chaîne francophone TV5 Monde. Ces crédits sont complétés par ceux du programme 844 du compte de concours financier « Avance à l'audiovisuel public » alimenté par le produit de la redevance.
Le programme 115 comprend désormais deux actions, l'une portant sur les crédits de France Médias Monde, la seconde, nouvelle, ceux de TV5 Monde que vous présentera Joëlle Garriaud-Maylam.
Avant de vous présenter nos observations sur les crédits, je souhaiterais rappeler quelques éléments de contexte. France Médias Monde traversait en 2012 une crise profonde. À la suite d'un rapport confié à M. Jean-Paul Cluzel, il a été décidé de renoncer à la fusion des rédactions, de parachever le regroupement de l'ensemble des entités sur le site d'Issy-les-Moulineaux et de nommer Mme Marie-Christine Saragosse à la tête de l'entreprise. C'est donc dans le cadre d'une entité unique qui administre trois médias dotés de rédactions autonomes et exerçant sous leur marque, RFI, France 24, MCD, que la société a poursuivi son activité.
En outre, la société a bénéficié en loi de finances rectificative pour 2012 d'une dotation complémentaire de 10,7 millions d'euros qui lui a permis d'éviter, comme nous le redoutions, d'entrer dans l'exercice 2013 avec un report de charges qui aurait compromis son redressement.
Le projet de contrat d'objectifs et de moyens attendu depuis la constitution de la société en 2008 a été transmis pour avis aux commissions parlementaires le 13 novembre. Nous aurons donc l'occasion de l'examiner prochainement, mais naturellement nous nous réfèrerons largement dans notre rapport à ses dispositions et notamment à sa trajectoire financière.
Ce projet est fondé sur le plan stratégique élaboré par l'entreprise au premier trimestre 2013 au terme d'une démarche participative qui a mobilisé une grande partie du personnel des trois entités de la société, ce qui a apaisé les tensions et permis un travail commun très constructif.
Il prévoit des améliorations sensibles en matière de programmes comme la création d'un décrochage en bambara sur RFI, ce qui est justifié par les derniers développement au Mali, une modernisation de MCD qui doit cibler davantage les jeunes et les femmes et se développer au Maghreb, un renforcement des programmes de France 24 pour assouplir le strict parallélisme entre des antennes francophone, anglophone et arabophone afin de mieux s'adapter au public, la mise en place d'une véritable stratégie marketing pour consolider la position des médias français dans leur aire traditionnelle d'influence et conquérir de nouveaux marchés, et enfin une stratégie offensive de développement sur les nouveaux médias.
S'agissant des crédits du programme 115, nous voulons faire, avec Joëlle Garriaud-Maylam, six observations.
La première : FMM voit ses crédits progresser alors que les autres entreprises du secteur public audiovisuel voient les leurs diminuer. Il est proposé d'allouer à la société une dotation totale de 240,3 millions d'euros (75,4 millions au titre du programme 115 et 164,9 au titre du programme 844). La progression est certes modeste, 1,6 million d'euros (+ 0,6%) mais, par les temps qui courent, ce n'est pas négligeable. Elle est en adéquation avec la trajectoire financière proposée par le projet de contrats d'objectifs et de moyens.
Je vous rappelle que la dotation représente 95% des ressources de la société. Compte tenu de leur faible progression, la réalisation des objectifs attendus dans le projet de contrat d'objectifs et de moyens passé avec l'Etat et celle de ses propres projets de développement, notamment la mutation en HD de son outil de production, reposent donc sur la capacité de l'entreprise à dégager des marges de manoeuvre suffisantes. C'était notre deuxième observation.
Or, troisième observation, le niveau des ressources propres dans le compte de résultat prévisionnel est apprécié de façon plus juste et plus réaliste qu'en 2013 puisqu'il est attendu 9,5 millions d'euros à ce titre. Néanmoins il reste très ambitieux compte tenu de l'atonie du marché publicitaire, sauf à permettre à FMM de développer sa diffusion sur le territoire national dès le courant de l'année 2014.
J'ajoute que nous avons observé que les médias de FMM sont soumis aux mêmes règles applicables en matière de publicité et de parrainage que les radios et télévisions publiques nationales, ce qui ne paraît pas toujours justifié s'agissant de médias diffusés principalement à l'étranger et qui sont en concurrence avec des chaînes étrangères qui elles ne sont pas soumises aux mêmes contraintes et drainent plus facilement des ressources commerciales. Nous souhaiterions que s'engage rapidement une réflexion sur les spécificités des médias publics internationaux en la matière.
Un moyen de développer des ressources de publicité et de parrainage ou d'amortir les coûts de fabrication de certains programmes serait d'assurer une visibilité des productions de FMM sur les réseaux nationaux. Ce sera notre quatrième observation. Cela suppose toutefois un investissement en moyens de diffusion, de l'ordre de 0,3 à 1,2 million d'euros pour une extension de la diffusion en FM de RFI ou la diffusion de MCD dans certaines agglomérations, de l'ordre de 8 millions d'euros (ce qui est inabordable actuellement) pour France 24. A tout le moins, cette chaîne devrait-elle être autorisée à faire diffuser certains de ces programmes sur des chaînes hôtes dans certains créneaux horaires L'originalité de son offre éditoriale apporterait un service supplémentaire intéressant pour le public français qui finance en partie ces programmes par la redevance. S'agissant de la diffusion de MCD et de RFI, leur message laïc pourrait participer au renforcement de la cohésion sociale et républicaine, notamment en s'adressant à toutes les diasporas présentes dans les grandes agglomérations et à la diversité de l'offre. Sur ce créneau, le développement d'une offre privée concurrente, parfois orientée politiquement ou religieusement, laisse une place évidente pour une radio de service public en langue arabe porteuse de valeurs de la République.
Cinquième observation : s'agissant du troisième gisement de ressources : les économies susceptibles d'être réalisées, il y a peu à attendre d'une décroissance de la masse salariale qui, en 2014, avec 128,3 millions d'euros pour un effectif de 1 714 ETP (permanents et non permanents), représentera 51% des charges d'exploitation. En effet, la société a connu deux plans sociaux au cours des dernières années qui ont abouti à une suppression nette de 250 postes ce qui a, en grande partie, épuisé la capacité de l'entreprise à trouver dans une réduction des emplois permanents une nouvelle source d'économies sauf à impacter ses programmes.
En outre, plusieurs chantiers sociaux sont en cours dont l'entreprise essaie de limiter l'impact sur la masse salariale : une politique de réduction de la précarité qui a été initiée en 2013 pour substituer aux pigistes des emplois permanents et l'harmonisation des statuts, conséquence de la fusion juridique des sociétés
Des économies sont malgré tout attendues de la rationalisation du mode d'exploitation des régies de télévision (1,4 million d'euros sur la durée du COM), de l'optimisation de la planification des personnels (1,5 million d'euros), de la poursuite de la baisse des frais de fonctionnement (1,3 million d'euros).
Je terminerai par une sixième observation sur le passage en HD de l'outil de production. Il est nécessaire à moyen terme afin de répondre aux nouveaux standards exigés par les distributeurs européens et ainsi maintenir la couverture de France 24. On rappellera que près de 40% de ses recettes publicitaires sont issues de la diffusion en Europe.
Selon le projet de COM, la diffusion en HD du signal France 24 sur les opérateurs câble et satellite est reportée à 2016, mais la migration de la production en HD s'impose au cours de la période 2014-2015 en profitant du renouvellement des équipements.
Cet investissement de l'ordre de 11 millions d'euros devra être autofinancé. On peut estimer qu'en recourant à un emprunt, comme l'a fait TV5 Monde pour conduire cette transition, la charge de remboursement de l'entreprise serait acceptable pour l'entreprise à hauteur de 2 millions d'euros par an.
En conclusion, mieux dirigée, France Medias Monde est train de réaliser les objectifs qui lui sont assignés et de conduire parallèlement la modernisation de son outil de production. Toutefois, des aléas demeurent tant sur la réalisation du montant des ressources propres que sur les conséquences des négociations sociales qui s'annoncent et montrent que l'exercice sera difficile D'autant que, comme vous le dira Joëlle Garriaud-Maylam, la concurrence se renforce notamment en Afrique.