Intervention de Françoise Cartron

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 19 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Mission « enseignement scolaire » - examen des rapports pour avis

Photo de Françoise CartronFrançoise Cartron, rapporteure pour avis sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » :

Les dépenses de la France pour ses établissements primaires et secondaires la placent dans la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Mais, contrairement à ce qui prévaut dans de nombreux pays, leur répartition est profondément déséquilibrée. Ainsi, les dépenses pour le lycée sont de 38 % plus élevées que la moyenne de l'OCDE, alors que celles du primaire lui sont de 17 % inférieures.

C'est pourquoi je soutiens pleinement la priorité accordée par le Gouvernement à l'école maternelle et à l'école élémentaire. La programmation pluriannuelle des moyens annexée à la loi de refondation de l'école de la République tient compte des rééquilibrages nécessaires. Elle consacre définitivement le premier degré comme le segment essentiel du système éducatif, où doivent être endiguées précocement les difficultés d'apprentissage et les inégalités de réussite d'origine sociale. Le projet de loi de finances pour 2014 est la conséquence logique de ces engagements.

Les cinq programmes relevant de l'éducation nationale sont dotés de près de 63,4 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une progression globale de 1,2 % par rapport au budget 2013. Le montant des crédits inscrits au titre des dépenses de personnel représente 59,4 milliards d'euros, soit 93,6 % du total.

À structure constante et pour chacun des programmes, l'évolution des crédits par rapport à 2013 s'établit comme suit :

- le premier degré public progresse de 2 %, pour s'établir à 19,3 milliards d'euros. 42 millions d'euros supplémentaires sont budgétés en faveur de la formation des enseignants pour faciliter la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) ;

- le second degré public croît faiblement (+ 0,3 %) et s'élève à 30,5 milliards d'euros (crédits de paiement - CP).

Cette évolution moindre constitue la contrepartie logique du rééquilibrage de l'investissement éducatif vers le premier degré. Un effort considérable est cependant dégagé en faveur de la formation des personnels enseignants, qui bénéficie de 180 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2013.

Ce programme supporte en outre une mesure exceptionnelle d'économie, à hauteur de 20,5 millions d'euros, sur les subventions versées aux collèges au titre de la prise en charge par l'État de leurs dépenses pédagogiques. Dans la mesure où le conseil supérieur des programmes a la charge d'adapter les programmes existants et où une réforme du collège doit se mettre en place en 2015, il n'est pas illogique de limiter l'acquisition de nouveaux manuels scolaires au collège ;

- le programme « Vie de l'élève », qui regroupe notamment la santé scolaire, l'accompagnement des élèves handicapés et l'action sociale, connaît une hausse de 3,7 %. Il représente désormais 4,35 milliards d'euros. La prise en charge du handicap absorbe la plus grande partie de cette progression, en bénéficiant de 130 millions d'euros supplémentaires par rapport au budget 2013, soit une hausse de 22,5 %.

Le programme 230 finance également le dispositif des emplois d'avenir professeur, qui monte en charge progressivement. Une ligne de 28,2 millions d'euros est inscrite au projet de loi de finances (PLF) afin de financer le recrutement de 6 000 emplois supplémentaires et le prolongement des 10 000 contrats signés en 2013 ;

- les crédits dévolus à l'enseignement privé ne progressent quasiment pas à 7,11 milliards d'euros (CP). Les dépenses au titre du forfait d'externat ont été stabilisées en freinant l'évolution du taux par élève et en tenant compte uniquement de l'accroissement prévisionnel des effectifs. Elles représentent 619,6 millions d'euros dans le PLF 2014, soit une hausse de 0,7 % exactement identique à l'augmentation prévisible des effectifs scolarisés ;

- le programme « Soutien de la politique de l'éducation nationale » rassemble l'administration centrale et déconcentrée, les services supports et différents opérateurs comme l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) ou le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CÉREQ). Il connaît une augmentation nette de 2,9 % pour 2,21 milliards d'euros de crédits de paiement.

Les dépenses de fonctionnement, d'investissement et d'intervention pour la logistique, les systèmes d'information et l'immobilier représenteraient environ 483 millions d'euros en autorisations d'engagement et 378 millions d'euros en crédits de paiement au titre du budget pour 2014.

Des retards et des surcoûts très importants ont été plusieurs fois enregistrés au cours des dernières années :

- 120 millions d'euros au titre du projet SIRHEN (système d'information des ressources humaines de l'éducation nationale), dont l'achèvement a pris trois ans de retard sur le calendrier initial ;

- 6,5 millions d'euros sur le projet CYCLADES de refonte du système d'information des examens et des concours, avec un an de retard ;

- 5,6 millions d'euros sur la réhabilitation du site Descartes du ministère pour trois ans de retard prévus ;

- 10,5 millions d'euros pour la construction du rectorat de Toulouse avec trois ans de retard prévus.

Trois nouveaux projets importants, informatiques ou immobiliers, viennent d'être initiés :

- la refonte du système de gestion financière et comptable des établissements du second degré pour un budget de 8,9 millions d'euros prévus sur sept ans ;

- le regroupement du rectorat de Nancy-Metz et du service départemental de Meurthe-et-Moselle pour un coût prévisionnel de 21 millions d'euros sur six ans ;

- le regroupement des services du rectorat de la Martinique pour 9,7 millions d'euros sur une durée prévisionnelle de trois ans.

Je souhaite que les trajectoires des divers projets immobiliers et informatiques engagés par le ministère soient désormais strictement tenues, afin que soient pleinement préservées les ressources mises au service de la refondation du système éducatif ;

- dans le cadre du déploiement du deuxième volet du programme d'investissements d'avenir, un nouveau programme, intitulé « Internats de la réussite » est créé à compter du 1er janvier 2014 au sein de la mission. Ce programme comporte une unique action servant à financer 6 000 places d'internat pour un coût cible moyen de 25 000 euros, soit un budget global de 150 millions d'euros.

L'offre actuelle de places dans le second degré public s'élève à environ 205 000 places. La relance de la politique de développement de l'internat vise à étendre les effets bénéfiques de ce mode de scolarisation, notamment aux élèves qui ne bénéficient pas d'un environnement favorable à leur réussite scolaire. L'objectif de ce programme est d'augmenter le nombre total de places d'internat, d'améliorer la pertinence de leur localisation géographique et de les destiner en priorité aux élèves issus des milieux défavorisés. Les collégiens et les lycéens professionnels seront ciblés plus particulièrement. L'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) sera chargée de la mise en oeuvre des opérations.

Je me félicite de cette réorientation de la politique d'internat que j'avais déjà préconisée lorsque j'étais vice-présidente du conseil régional d'Aquitaine. Il faut donner aux élèves les moyens d'échapper au déterminisme social et territorial qui confine leurs choix et conditionne encore trop souvent leur trajectoire scolaire.

Enfin, il convient de souligner l'effort financier accompli pour soutenir la réforme des rythmes scolaires. Lors de l'examen du budget à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a étendu pour un an le bénéfice des aides d'amorçage. Ainsi, l'intégralité des communes pourront y prétendre au titre de l'année scolaire 2014-2015. Elles percevront 50 euros par élève dans la majorité des cas et 90 euros par élève pour les communes éligibles à la majoration forfaitaire. Le surcoût de la mesure représente 104 millions d'euros sur l'exercice 2014.

Au-delà de l'extension en année pleine, le schéma d'emplois 2014 prévoit la création de 8 804 emplois. Ces mesures nouvelles alimentent en particulier la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ).

Dès 2014, les lauréats des concours seront affectés l'année suivant leur admission, après une année de formation initiale pendant laquelle ils partageront leur service entre formation dans une ÉSPÉ et stage en responsabilité dans une école ou un établissement scolaire, en assurant un demi-service d'enseignement devant élèves. Les créations d'emplois de fonctionnaires stagiaires qui en découlent conduisent à la suppression de décharges mises en place, à titre transitoire, lors des rentrées 2012 et 2013 pour compenser les allègements de services accordés aux enseignants nouvellement recrutés.

En conséquence :

- le premier degré public enregistre la création de 1 347 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) d'enseignants stagiaires à compter de la rentrée scolaire 2014 et la création de 267 ETPT d'enseignants titulaires qui seront consacrés à l'objectif « plus de maîtres que de classes » dans les secteurs les plus défavorisés ;

- le second degré public bénéficie de la création de 1 618 ETPT d'enseignants stagiaires à compter de la rentrée scolaire 2014 et la suppression de décharges de services, équivalant à une diminution de 611 ETPT ;

- le programme « Vie de l'élève » enregistre la création de 56 ETPT de conseiller principal d'éducation (CPE) stagiaires, ainsi que la création de 350 emplois d'auxiliaire de vie scolaire pour l'aide individuelle (AVS-i) et de 150 emplois de personnels médico-sociaux au 1er septembre 2014.

Le Gouvernement a validé à l'occasion des débats à l'Assemblée le principe de la déprécarisation des auxiliaires de vie scolaire.

C'est non seulement une mesure de justice sociale, mais aussi un moyen essentiel de professionnaliser et de stabiliser l'accompagnement des élèves handicapés dans la durée. L'année prochaine, 2 800 contrats à durée déterminée d'auxiliaire de vie scolaire (AVS) seront transformés en contrats à durée indéterminée, ce qui représente 524 ETPT supplémentaires.

Un amendement adopté à l'Assemblée nationale prévoit que les AVS bénéficient d'une formation spécifique pour l'accomplissement de leurs fonctions, mise en oeuvre en collaboration avec les associations d'aide aux familles d'enfants en situation de handicap. La « CDIsation » est ainsi complétée par un dispositif de formation dans la perspective de structurer le métier d'accompagnement des élèves handicapés.

En conclusion, je me réjouis de l'application stricte des mesures de programmation décidées lors du débat sur la refondation de l'école. L'accent mis sur le premier degré par des créations de postes ciblées et justifiées par une réorientation des pratiques pédagogiques du primaire paraît particulièrement opportun.

Les moyens supplémentaires sont associés à une refonte des programmes sous l'autorité du nouveau Conseil supérieur des programmes, à des dispositifs innovants comme « Plus de maîtres que de classes » pour lutter contre la difficulté scolaire et à la restauration de la formation des professeurs des écoles.

Je rendrai donc un avis très favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

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