Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 20 novembre 2013 à 14h30
Lutte contre la contrefaçon — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Nicole Bricq, ministre :

Vous vous êtes attelés très tôt à cette question très importante, et je veux vraiment vous en remercier, car la contrefaçon constitue un fléau planétaire en pleine expansion : elle représente environ 250 milliards de dollars dans le monde, soit 30 % des revenus du crime organisé.

En France, ce trafic est responsable de la destruction de 38 000 emplois, en nette augmentation depuis la précédente loi de 2007 de lutte contre la contrefaçon, et de 6 milliards d’euros de manque à gagner par an pour notre économie.

En violant les droits de la propriété intellectuelle, en menaçant la créativité et l’inventivité, si grandes, des entreprises françaises, la circulation de marchandises contrefaites toujours plus nombreuses menace directement la compétitivité de la France et fait obstacle – ce n’est pas le seul obstacle, mais c’en est un ! – à l’équilibre de notre balance commerciale. Près de 20 % de la population active est employée par des entreprises dont l’activité est directement liée à la protection des droits de la propriété intellectuelle.

Vous l’avez dit, monsieur Yung, monsieur le rapporteur, la menace est croissante. Alors que le nombre d’articles de contrefaçon interceptés par les services douaniers en 1994 était de 200 000, il est passé à 2, 3 millions en 1998, pour atteindre 8, 6 millions en 2011, une année record pour les saisies effectuées par la douane française.

La baisse importante des saisies en 2012 – la moitié par rapport à 2011 – s’explique par les effets désastreux de l’arrêt Nokia-Philips rendu par la Cour de justice de l’Union européenne, qui a réduit les pouvoirs de contrôle de la douane sur les flux en transit en Europe. La France a été particulièrement active pour trouver une solution qui redonne aux douanes la capacité d’exercer un contrôle.

Nous avons obtenu une première satisfaction dans le cadre du nouveau règlement européen du 12 juin 2013, qui encadre l’action de la douane en matière de contrefaçon. Nous poursuivons notre engagement dans le cadre du travail entrepris par la Commission européenne pour la révision du système des marques, puisque la proposition de la Commission du 27 mars 2013 tient compte des préoccupations de la France. Nous œuvrons donc pour que les négociations en cours à Bruxelles permettent de restaurer les capacités d’intervention de la douane sur les flux en transit, car la France est particulièrement concernée.

Vous l’avez dit, la sécurité des populations est en jeu. La contrefaçon prend des formes nouvelles, ce qui rend encore plus difficile la lutte que nous menons contre elle. En témoigne le rapport d’information sur le rôle des douanes dans la lutte contre la fraude sur internet remis récemment par MM. Montgolfier et Dallier, au nom de la commission des finances. Le développement du e-commerce entraînera, de fait, une explosion de la contrefaçon.

Comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur, la contrefaçon ne concerne plus seulement les produits de luxe ; elle touche aussi des produits de consommation courante, tels que les produits du bâtiment, les produits alimentaires, les jouets, les pièces automobiles, les lunettes de soleil, les cosmétiques ou les médicaments. Tous ces produits sont dangereux.

J’ajoute – j’en ai été le témoin ce matin, arrivant d’Afrique – que la contrefaçon est très active dans le domaine des pièces d’identité, des permis de conduire et des cartes grises. Nous avons fort heureusement des entreprises innovantes capables, au travers de nouveaux procédés, de produire des documents infalsifiables. Toutefois, nous connaissons l’habileté des fraudeurs, qui se tiennent toujours informés des innovations.

Le cas des faux papiers est très frappant, mais tous les produits contrefaits dont je viens de parler sont très dangereux. Les saisies de médicaments de contrefaçon, par exemple, ont augmenté de 45 % en 2012, ce qui est particulièrement inquiétant en raison des dangers qu’ils représentent pour la santé. Nous devons donc absolument adapter nos capacités de réaction.

La loi du 29 octobre 2007 a été portée par Mme Lagarde, ancienne ministre de l’économie et des finances : ayant perçu, lorsqu’elle était ministre du commerce extérieur, l’importance du problème de la contrefaçon lié aux échanges commerciaux internationaux, elle a manifesté sa ferme volonté d’agir – je veux saluer l’opiniâtreté dont elle a fait preuve en la matière –, afin de parvenir à une évolution du droit, dont la présente proposition de loi marque une nouvelle étape.

Monsieur le président de la commission des lois, vous avez choisi, de manière fort opportune, d’évaluer l’application de la loi adoptée en 2007. À cet égard, il convient de saluer le travail accompli par MM. Yung et Béteille : dans leur rapport d’information publié en 2011, ils ont mis en évidence la nécessité, face à l’ampleur du phénomène de la contrefaçon, d’améliorer encore la protection de la propriété intellectuelle en France, afin de conforter la réputation d’excellence de notre pays et son attractivité juridique.

Cette dimension est très importante pour les investisseurs et pour les entreprises, …

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