Le travail du Sénat a conduit à l’élaboration, en 2011, d’une première proposition de loi : renvoyée à la commission des lois, celle-ci n’a jamais été examinée en séance publique.
Tenace, M. Yung a repris ce travail et l’a enrichi ; je remercie le groupe socialiste d’avoir inscrit sa proposition de loi à l’ordre du jour des travaux du Sénat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous la volonté de renforcer la lutte contre la contrefaçon. Votre intention rejoint les objectifs du Gouvernement. Un ancien ministre parlait de la nécessité, pour écrire de bonnes lois, d’une coproduction entre l’exécutif et le législatif : c’est exactement la méthode suivie dans le domaine de la lutte contre la contrefaçon.
Le 3 avril dernier, avec mon collègue Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, j’ai présenté en conseil des ministres un plan en trois volets pour améliorer cette lutte.
Le premier volet consiste à renforcer l’action des douanes, notamment sur internet. Je pense à la procédure du coup d’achat, dont MM. Yung et Delebarre ont déjà parlé. Cette technique, rendue possible par une disposition législative adoptée à la fin de 2012, permet de prendre le contrefacteur en flagrant délit ; un plan d’action a été défini par secteurs : santé, commerce électronique, culture.
Le deuxième volet de notre plan correspond à la politique active de la France à Bruxelles pour obtenir une révision du droit des marques en réponse à la situation créée par l’arrêt Nokia-Philips ; sur ma proposition, le Premier ministre a confié à M. Yung une mission consistant à identifier les moyens susceptibles d’améliorer la coordination et l’harmonisation des pratiques douanières au niveau européen.
Le troisième volet du plan est une défense active de la propriété intellectuelle et des indications géographiques, qui ne sont pas une particularité française. Néanmoins, nous avons été particulièrement prompts à les préserver.
À cet égard, je suis particulièrement bien placée pour savoir que, dans les négociations de libre-échange que la Commission européenne, dont c’est la compétence exclusive, mène sous l’œil exercé des États membres l’ayant mandatée, la propriété intellectuelle fait l’objet de conceptions divergentes. Les États-Unis, en particulier, ne l’envisagent pas de la même façon que nous.
Le réseau des dix-sept attachés douaniers déployés dans soixante-dix pays ainsi que les conventions techniques et administratives ont démontré leur efficacité dans la lutte internationale contre la contrefaçon ; en effet, 10 millions d’articles de contrefaçon ont été saisis en 2012 aux Émirats arabes unis, grâce à des informations de la douane française. Le détachement par l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, d’experts de la propriété intellectuelle dans certaines ambassades bien ciblées est également fort utile pour organiser les contrôles.
Pour ce qui est de la proposition de loi, elle présente, à mon sens, trois vertus principales.
En premier lieu, elle vise à dissuader la contrefaçon par l’augmentation des dédommagements civils accordés aux victimes. De fait, trop souvent encore, le préjudice n’est pas indemnisé à sa juste valeur : aussi est-il fréquent que les contrefacteurs, même condamnés, réalisent un profit substantiel. Le système actuel n’est donc pas dissuasif.
En deuxième lieu, elle opère certaines clarifications et simplifications, s’agissant notamment de la procédure du droit à l’information et du droit de la preuve.
En troisième lieu, elle renforce les moyens d’action de la douane. Je suis très attachée à cet objectif, puisque j’exerce une compétence partagée sur les douanes : je suis chargée, en particulier, de la lutte contre la contrefaçon.
Ce renforcement est assuré par l’alignement de l’ensemble des branches de la propriété intellectuelle sur le droit le plus protecteur et par l’extension, à l’ensemble des marchandises contrefaisantes, des opérations d’infiltration et de la procédure dite du « coup d’achat », ainsi que par la création d’un pouvoir spécifique d’intervention chez les opérateurs de fret express et par la modernisation du contrôle postal.
Si la Haute Assemblée adopte cette proposition de loi, elle fera œuvre très utile en rendant la lutte contre la contrefaçon plus efficace, sans être plus coûteuse pour les services douaniers.
Un travail commun de la douane et des opérateurs de fret est nécessaire pour augmenter l’efficacité des contrôles efficaces sans nuire à la rapidité des flux, qui est très nécessaire à nos entreprises. En effet, nous devons veiller à ne pas provoquer de retards ou de frais supplémentaires sans raison valable.