Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la contrefaçon représente un manque à gagner non négligeable pour notre économie et, plus largement, pour l’économie mondiale. La problématique abordée par le texte présenté par notre collègue Richard Yung est donc d’une importance capitale et concerne beaucoup d’entreprises de notre pays.
La contrefaçon, jadis artisanale et relativement localisée, est devenue aujourd’hui un phénomène industriel et planétaire qui emporte des conséquences négatives très lourdes.
Les chiffres sont éloquents : la contrefaçon représenterait environ 10 % du marché mondial. En outre, on considère que les entreprises de l’Union européenne qui sont engagées dans des activités internationales perdent entre 400 millions et 800 millions d’euros sur le marché intérieur, et autour de 2 milliards d’euros en dehors de l’Union.
Selon l’OCDE, la contrefaçon aurait également pour conséquence directe la suppression de 200 000 emplois dans le monde, dont 100 000 en Europe.
À elle seule, la France perdrait chaque année plus de 6 milliards d’euros. On estime également que la contrefaçon détruit chaque année plus de 30 000 emplois dans notre pays et que plus d’une entreprise sur deux a été confrontée à ce problème.
Dans la période de crise économique aiguë que nous subissons aujourd’hui, ces chiffres ne peuvent pas nous laisser indifférents. Nous devons utiliser tous les outils permettant de faire reculer le chômage, tous les moyens pour lutter contre la destruction d’emplois dans notre pays.
La contrefaçon a beaucoup évolué. Au départ, elle concernait principalement les produits de luxe, comme la joaillerie, l’horlogerie, les parfums, les cosmétiques ou la maroquinerie. Aujourd’hui, elle s’étend à presque tous les domaines et à la quasi-totalité des biens de consommation, ce qui pose de véritables problèmes de sécurité pour l’usager, en particulier s’agissant des jouets, des médicaments, des produits alimentaires, des appareils domestiques ou encore des pièces détachées, dans le secteur automobile.
En 2009, la commission des lois avait décidé de créer une mission d’information sur l’évaluation de la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon. Il s’agissait de vérifier si les avancées contenues dans cette loi, dont beaucoup sont d’ailleurs issues de la commission des lois du Sénat, avaient produit les effets escomptés, en matière tant civile que pénale ou douanière.
Le rapport d’information de notre collègue Richard Yung et de notre ancien collègue Laurent Béteille, publié en février 2011, soulignait que la loi de 2007 a globalement constitué un net progrès dans la lutte contre les atteintes à la propriété intellectuelle. Ce rapport d’information avait mis en évidence la nécessité, d’une part, d’apporter certaines précisions ou clarifications souhaitées par les professionnels et, d’autre part, d’améliorer encore la protection de la propriété intellectuelle dans notre pays. En effet, il apparaît essentiel de conforter la réputation d’excellence et l’attractivité juridique de la France dans un domaine très concurrentiel marqué par le phénomène dit du « forum shopping ».
Le présent texte traduit donc les propositions issues de ce rapport sénatorial, dans le respect de la directive du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle.
Pour renforcer la lutte contre la contrefaçon, le texte aborde essentiellement quatre grands domaines : la spécialisation des tribunaux, le calcul et la détermination des dommages et intérêts, le droit à l’information et le droit de la preuve, enfin, le renforcement significatif du pouvoir de la douane.
Au nom de mon groupe, je tiens à saluer le travail important réalisé par M. le rapporteur. Cette matière est extrêmement technique et son rapport a permis à ceux d’entre nous – dont je suis – qui ne sont pas des spécialistes de la propriété intellectuelle de mieux l’appréhender.
Nous saluons les amendements qui ont été adoptés en commission. Je veux dire un mot sur celui qui a été adopté à l’article 2, qui concerne le mode de fixation des dommages et intérêts en matière de contrefaçon.
M. le rapporteur a opportunément proposé de supprimer la disposition selon laquelle le juge peut ordonner la confiscation des recettes procurées par une contrefaçon au profit du titulaire d’un droit de propriété intellectuelle victime de cette contrefaçon, lorsqu’il considère que le montant des dommages et intérêts, tel qu’il résulte des critères fixés par le texte, ne répare pas l’intégralité du préjudice.
Une telle disposition pourrait effectivement s’apparenter à l’introduction dans notre droit de dommages et intérêts punitifs, ce qui nous semble non pertinent et peu conforme à notre tradition juridique.
Pour finir, je dirai un mot des nouveaux moyens juridiques dont la présente proposition de loi tendra à doter l’administration des douanes. Cette administration, souvent mal connue alors même que son travail est particulièrement efficace, joue un rôle absolument déterminant en matière de lutte contre la contrefaçon et contre les réseaux criminels qui l’organisent à l’échelle mondiale.
Certes, la douane dispose à ce jour de moyens de lutte contre les actions des sites internet étrangers proposant des contrefaçons à des acheteurs situés en France, via ses pouvoirs traditionnels de contrôle au moment du dédouanement.
Toutefois, ces modalités de contrôle sont aujourd’hui insuffisantes pour lutter efficacement contre la contrefaçon qui se développe sur internet. La nature particulière de ce vecteur de fraude nécessite la mise en œuvre de possibilités de contrôle optimisées, portant notamment sur les envois postaux et de fret express utilisés pour l’expédition des marchandises achetées en ligne.
Le texte tend donc à introduire des améliorations importantes, en particulier en ce qui concerne les procédures d’infiltration et celle du coup d’achat qui a été mentionnée par plusieurs intervenants avant moi. Ces modifications sont attendues par les douaniers et rendront leur action plus efficace.
Ce texte constitue donc un complément indispensable de la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon. Nous soutiendrons donc cette proposition de loi et plaidons pour qu’elle puisse rapidement être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et qu’elle ne reste pas, comme de trop nombreuses propositions votées au Sénat, en déshérence entre les deux assemblées. §