Je veux relayer ici les préoccupations d’un certain monde agricole paysan ; elles rejoignent celles de l’ensemble de la société, s’agissant d’enjeux qui ont une échelle planétaire.
Nous en avons conscience, la définition de ce qui relève ou non de la contrefaçon n’est pas l’objet de cette proposition de loi ; notre amendement apparaît, dès lors, comme un cavalier législatif.
Nous savons également que la loi du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale a permis de préciser que les agriculteurs ont « le droit d’utiliser sur leur propre exploitation, sans l’autorisation de l’obtenteur, à des fins de reproduction ou de multiplication, le produit de la récolte qu’ils ont obtenu par la mise en culture d’une variété protégée ».
Tout en rappelant une telle spécificité, la loi de 2011 n’est pas allée jusqu’à indiquer que cette production à la ferme ne constitue pas une contrefaçon. De même, elle est restée imprécise sur l’étendue du « produit de la récolte ».
C’est pourquoi il nous est apparu opportun de profiter de l’examen de la présente proposition de loi, qui vise à renforcer la lutte contre la contrefaçon, pour apporter ces précisions.
Il faut y inclure, les semences, les plants, les animaux, mais également les ferments, les levures et les préparations naturelles. C’est d’autant plus nécessaire que se font chaque jour plus prégnantes les conséquences de l’érosion de la biodiversité, qu’elle soit cultivée ou non, et du changement climatique sur les ressources agricoles et alimentaires.
Reprenons quelques chiffres-clés. Depuis les débuts de l’agriculture, 10 000 espèces environ ont été cultivées sur Terre. Aujourd’hui, il ne reste plus que 150 espèces végétales couramment cultivées. En France, il ne reste plus que 30 variétés de vaches laitières, tant la diversité génétique a été, disons-le, combattue au profit de races « Formule 1 », machines à faire du lait !
C’est la diversité des espèces qui a permis de résister aux aléas. Je pense, entre autres, aux aléas climatiques.
La diminution du nombre d’espèces cultivées et la standardisation des espèces et variétés ont fragilisé l’agriculture et appauvri la qualité de notre régime alimentaire.
Or que défendons-nous à travers cet amendement ? La diversité agricole et alimentaire, l’adaptation aux territoires et l’adaptation au changement climatique ! La diversité agricole est une nécessité d’autant plus essentielle face à un horizon brouillé.
Pour nous, le travail des agriculteurs et des éleveurs, qui améliorent leurs semences, les adaptent aux réalités de leur territoire et produisent chez eux ce qui est utile aux besoins de leur exploitation, est un travail d’utilité publique. Ce travail est pourtant contrecarré par la domination sans équivoque des agro-industriels et leur velléité de protection de leur prétendue « création », aidés en cela par une législation qui, sous couvert de protéger, donne trop souvent les pleins pouvoirs à la catégorie d’acteurs la plus à même d’exercer sa prépondérance.
Voilà qui fait selon moi écho au sujet dont nous débattions hier dans cet hémicycle : les pesticides. Je pense aussi aux procédures de reconnaissance et d’autorisation de mise sur le marché, qui sont tout bonnement inaccessibles aux promoteurs des produits les plus naturels.
Le repréciser dans cette loi et l’étendre à l’ensemble des produits nécessaires à la conduite de l’exploitation, cela relèverait non pas du luxe, mais d’une légitimation de cette activité utile, voire indispensable à la réalisation du droit à l’alimentation.
Toutefois, j’ai entendu les déclarations de l’auteur de la proposition de loi, Richard Yung, de M. le rapporteur et de Mme la ministre. Nous avons besoin de garanties, et nous y tenons. Nous en reparlerons lors de l’examen du texte sur l’avenir de l’agriculture. En attendant, je retire cet amendement.