Intervention de Louis Nègre

Réunion du 20 novembre 2013 à 14h30
Prévention des inondations — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Louis NègreLouis Nègre, rapporteur :

Je note que, au mois d’octobre dernier, les habitants de Saint-Béat, en Haute-Garonne, ont mis en place des barrages filtrants pour protester contre l’inertie des administrations et des assureurs à la suite des inondations du mois de juin précédent.

Nous ne pouvons pas continuer ainsi, chers collègues : on traite les conséquences des inondations, mais on n’effectue aucune action de prévention en amont.

C’est la raison pour laquelle la présente proposition de loi est articulée en trois volets : la prévention des inondations, la gestion des situations de crise et, pour finir, l’après-crise. La commission du développement durable a apporté des modifications plus ou moins importantes à chacun de ces volets.

Je serai très bref sur le premier d’entre eux, concernant la prévention des inondations. En effet, les plus importantes de ces dispositions ont déjà été adoptées par le Sénat lors de la deuxième lecture du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Il s’agit de clarifier l’exercice des missions en matière de prévention des inondations. À ce jour, je le répète, aucune politique globale n’est menée, notamment du fait de l’absence d’une compétence clairement définie et attribuée.

Cette proposition de loi prévoit donc la création d’une compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention contre les inondations », en l’assortissant, si nécessaire, d’un financement adapté. Cette compétence, confiée aux intercommunalités, a vocation à être exercée par des établissements publics territoriaux de bassin, pour les grands fleuves, et par des établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau, à l’échelon des sous-bassins fluviaux.

C’est en effet à cet échelon, celui des élus locaux, que se conjuguent la compréhension du problème, la connaissance du terrain et la réactivité. Les élus, en première ligne face aux dommages des inondations, auront davantage à cœur de mener une politique de prévention que des usines à gaz instituées à l’échelon national. Il n’est pas étonnant que ce soit Pierre-Yves Collombat, ancien maire d’une commune touchée par les inondations, qui présente cette proposition de loi, avec le soutien du maire de Cagnes-sur-Mer, ville également concernée par ce fléau. En tant qu’élus de terrain, il est de notre devoir de traiter ce problème une fois pour toutes.

La gestion des ouvrages et équipements de prévention a été rationalisée. Il est prévu que l’ensemble du dispositif entre en vigueur de manière progressive. Par cohérence juridique, la commission a donc retiré du texte les articles 1er à 5, 13 et 14, déjà adoptés par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

Seuls trois articles relevant du volet relatif à la prévention n’ont pas déjà été adoptés.

L’article 6 donne une définition législative de la notion de cours d’eau, en précisant que l’écoulement peut ne pas être permanent tout au long de l’année, en particulier sur le pourtour méditerranéen.

L’article 7 prévoit une élaboration conjointe des plans de prévention des risques naturels prévisibles entre l’État et les collectivités territoriales. L’objectif de l’auteur du texte – j’y souscris pleinement – est de garantir une meilleure association des élus locaux à l’élaboration des PPRI, afin de réduire le caractère particulièrement conflictuel de cette procédure.

La commission a adopté un amendement de réécriture de cet article. En effet, la formulation initialement retenue faisait référence à une « élaboration conjointe » des plans. Cette notion d’élaboration conjointe risquait de mettre en cause directement la responsabilité pénale des élus, ce qui n’est absolument pas le but de cette proposition de loi. Il nous est donc apparu préférable de supprimer ces mots et de préciser que les collectivités sont « associées » à l’élaboration des plans, avant leur prescription et à chaque étape de leur élaboration.

Nous avons également voulu que la population concernée soit « informée et consultée », conformément à ce que recommandait le rapport de notre mission commune d’information.

L’article 8, qui vise à rendre la représentation des élus locaux majoritaire au sein des instances délibérantes des comités de bassin et des agences de l’eau, a été adopté sans modification par la commission. Il nous apparaît nécessaire, dans un texte de décentralisation, de faire en sorte que les élus locaux participent davantage à ce niveau de décision.

Vous l’aurez compris, chers collègues, un des principaux objectifs de cette proposition de loi est d’associer davantage les élus locaux et la population à la politique de prévention.

J’en arrive au deuxième volet du texte, consacré à la gestion de crise à proprement parler.

L’article 9 vise à mieux associer les maires à la conduite des opérations de secours. Ce n’est pas toujours le cas sur le terrain, et aucun texte, aujourd’hui, ne prévoit formellement une telle information. La commission a adopté un amendement de clarification. La rédaction initiale de l’article indiquait que les préfets assurent la direction des opérations en liaison avec les maires. Les mots « en liaison » pouvaient laisser croire à une codirection des opérations de secours, et donc à l’existence d’une coresponsabilité – éventuellement pénale – engageant directement les élus. Ce n’est pas l’objectif visé, bien sûr, et nous avons donc sécurisé la rédaction, en précisant que le préfet doit être en contact régulier avec les maires, si les moyens de communication le permettent.

L’article 10 concerne les réserves communales de sécurité civile et précise notamment que ces réserves peuvent intervenir hors des limites de la commune. Cette disposition va dans le sens d’une meilleure réactivité sur le terrain en cas de crise et de l’apport d’une aide aux communes voisines si nécessaire.

La commission du développement durable a précisé que l’intervention à l’extérieur de la commune n’est possible qu’avec l’accord écrit – par mail, par exemple – des maires concernés. Cela semble logique, notamment au regard du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

L’article 11 prévoit que l’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle ne peut être pris qu’après avis d’une commission permanente composée notamment de représentants des collectivités territoriales, de représentants d’entreprises d’assurances et de personnalités qualifiées. La volonté conjointe de l’auteur de cette proposition de loi et du rapporteur est, là encore, d’associer pleinement les parties prenantes à la prise de décision. Nous sommes au XXIe siècle, la démocratie participative existe ! La commission a renvoyé à un décret le soin de préciser le détail de la composition de cette commission permanente.

L’article 12 prévoit la création d’une commission de suivi des opérations liées à l’après-crise, présidée par le préfet. Il s’agit là d’une disposition unanimement réclamée par les élus et les sinistrés. Cette commission permettra de faire le point sur l’avancement des travaux et des indemnisations, et sera un lieu d’échange et d’information sur tout sujet intéressant élus et sinistrés.

Il s’agit là, chers collègues, d’une grande avancée. Je crois que cet article, en apparence modeste, constituera un progrès important sur le terrain. La commission du développement durable l’a adopté sans modification.

Je vous rappelle que les articles 13 et 14 ont été supprimés, parce que des dispositifs similaires ont déjà été adoptés lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

Le dernier volet du texte porte sur les dispositions relatives à l’indemnisation. L’article 15 a trait aux règles applicables pour le remboursement anticipé par le Fonds de compensation pour la TVA des dépenses d’investissement faites par les communes, en réparation des dégâts causés par des intempéries exceptionnelles. Aujourd’hui, ce remboursement est conditionné à la fois par la prise de l’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle et par celle d’un décret. Deux textes sont donc nécessaires ! L’article 15 tend à supprimer l’exigence de la parution de ce second décret. La commission du développement durable a également adopté cet article sans modification.

L’article 16, supprimé, permettait de déroger aux règles de publicité et de mise en concurrence du code des marchés publics. Cette disposition dérogatoire, permettant aux communes de faire face aux réparations les plus urgentes sans être tenues par les délais des procédures ordinaires, est tout à fait compréhensible au vu des circonstances, mais elle est déjà prévue par l’article 35 du code des marchés publics, de nature réglementaire. Le seul effet juridique de l’article 16 du texte initial de la proposition de loi était donc de l’élever au niveau législatif, sans rien changer au fond du droit existant. Cela n’a pas paru opportun à la commission, qui a donc supprimé cet article.

L’article 17, également supprimé, instaurait une assurance habitation obligatoire pour les propriétaires. L’objectif était de porter à 100 % le taux de couverture des propriétaires. Ce dernier, sur une simple base volontaire, est déjà très élevé, puisqu’il est de l’ordre de 98 %. Cette démarche était compréhensible, et je l’avais approuvée.

Toutefois, cette nouvelle assurance obligatoire présentait des inconvénients d’ordres juridique et pratique, comme j’ai pu le découvrir au cours des auditions que nous avons menées.

Juridiquement, les principes des droits national et européen ne permettent pas, à ce jour, d’instaurer une assurance obligatoire pour d’autres risques que ceux encourus au titre de la responsabilité civile des assurés à l’égard des tiers.

En outre, d’un point de vue pratique, l’application effective de cette nouvelle obligation aux 2 % de propriétaires non encore assurés requerrait un dispositif de contrôle onéreux, dont le coût serait égal, voire supérieur, au surcroît de primes espéré. Cerise sur le gâteau, si je puis dire, son efficacité serait de toute façon douteuse, puisque le taux de 2 % semble correspondre au pourcentage incompressible des récalcitrants à tout dispositif d’assurance obligatoire dans notre beau pays, comme le montre l’exemple de l’assurance automobile obligatoire. En conséquence, la commission a supprimé cet article.

J’en viens à l’article 18. D’une part, il prévoit une modulation de la surprime d’assurance contre les risques de catastrophe naturelle en fonction des efforts consentis par les assurés pour renforcer leur propre protection. D’autre part, il interdit toute modulation des franchises d’assurance en fonction de l’absence d’un plan de prévention des risques naturels dans la commune ou du nombre d’événements calamiteux constatés dans le passé.

En ce qui concerne le premier volet de cet article, la modulation de la surprime nous est apparue inopérante, compte tenu du niveau modeste de celle-ci. Elle est, en effet, de l’ordre de 25 euros pour un contrat multirisques habitation standard. La commission a donc fait porter la modulation sur la prime de base, d’un montant beaucoup plus important, qui pourra être réduite en application de l’article L. 113-4 du code des assurances, dont le quatrième alinéa dispose que « l’assuré a droit en cas de diminution du risque en cours de contrat à une diminution du montant de la prime ».

Le second volet de cet article a été adopté sans modification par la commission, car la modulation des franchises, telle qu’elle existe aujourd’hui, est une forme de sanction injuste contre les assurés, qui ne peuvent être tenus personnellement responsables ni de l’incurie des pouvoirs publics ni de l’acharnement du sort sur leurs biens.

L’article 19 prévoyait, dans sa rédaction initiale, que l’obligation de couvrir les risques de catastrophes naturelles ne s’impose pas aux entreprises d’assurances pour les biens construits et les activités exercées en violation des lois et règlements en vigueur. Nous avons craint que cette clause très générale ne se retourne contre les assurés. En effet, les entreprises d’assurances pourraient toujours l’invoquer, au motif d’une irrégularité quelconque, pour refuser de faire jouer la garantie. Par exemple, une entreprise qui violerait le droit du travail ou une construction qui ne respecterait pas la réglementation thermique pourraient se voir privées de la garantie « catastrophe naturelle » ! La commission a donc préféré réserver l’hypothèse d’un retrait de la garantie au seul cas d’un bien immobilier construit dans une zone classée inconstructible après la publication d’un PPRI, tout en lui donnant un caractère automatique.

L’article 20 prévoit que les aides versées par le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, en cas de catastrophe naturelle doivent couvrir les franchises d’assurance appliquées dans le régime des catastrophes naturelles. Cela a paru équitable à la commission, qui a adopté cet article sans modification.

L’article 21, supprimé, visait à étendre le bénéfice du régime des catastrophes naturelles aux dommages relevant actuellement du régime de solidarité des calamités agricoles. Tout en partageant totalement l’objectif d’améliorer la couverture des agriculteurs contre les risques de catastrophe naturelle, la commission du développement durable a estimé que ce n’était pas la bonne méthode pour l’atteindre. Cette extension de son champ aurait pour effet de déséquilibrer gravement, sur le plan financier, le régime des catastrophes naturelles. Il faudrait alors soit augmenter la surprime, soit réduire le niveau des indemnisations. Lors des auditions des cabinets ministériels, nous avons appris que le Gouvernement avait engagé une réflexion, déjà très avancée, en vue d’améliorer, comme nous le souhaitons tous, le régime de solidarité des calamités agricoles, aujourd’hui bien insuffisant.

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