Toujours en matière de prévention des inondations, un véritable défi est à relever : l’entretien et la gestion des cours d’eau et des digues.
Cette question a récemment fait l’objet, dans cet hémicycle, de débats riches et construits, fondés sur les travaux de la mission commune d’information et sur la réalité concrète que les uns et les autres ont vécue. Vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs, parfaitement pris la mesure du problème et assumé votre responsabilité de parlementaires en votant, lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, la création d’une compétence obligatoire de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations confiée aux EPCI à fiscalité propre. Le Gouvernement tient à saluer tout particulièrement, à cet égard, l’initiative de MM. Nègre et Collombat, qui débouche aujourd’hui sur la discussion d’un texte formant un tout cohérent.
Tous ces axes doivent permettre une meilleure prévention des inondations. Mais, vous le savez et nous le constatons tous les jours, le risque zéro n’existe pas. Quoi que l’on fasse, l’inondation peut toujours survenir. Il convient donc d’être collectivement prêts, afin de réagir rapidement et de manière appropriée pour mettre en sécurité les personnes et les biens lorsqu’un tel événement se produira.
Dans ce cadre, la préparation et la gestion de la crise constituent des pans essentiels, indispensables, de la lutte contre les inondations.
Par ailleurs, il ne faut pas négliger le suivi de la post-crise, avec le relogement d’urgence et l’indemnisation des sinistrés. Certains, je le sais, se sont émus du fait que le temps de l’indemnisation des catastrophes naturelles ne soit pas celui de l’action, qu’il soit beaucoup trop long.
La politique de prévention des risques d’inondation mobilise d’importants moyens humains, techniques et financiers. Elle vise à permettre aux acteurs locaux de s’inscrire dans une démarche de développement durable des territoires ; j’insiste sur l’importance de cette notion de « développement durable » ! C’est tout l’objet de la stratégie nationale de gestion des risques d’inondation que le Gouvernement élabore actuellement.
La présente proposition de loi s’inscrit dans cette dynamique. Elle tend à renforcer cette démarche de mobilisation locale, au plus près du terrain.
L’article 6 a pour objet d’inscrire – enfin ! – dans la législation une définition de la notion de cours d’eau, en s’appuyant sur les éléments établis par la jurisprudence et les circulaires ministérielles. Cela devrait permettre de clarifier une notion qui est, pour l’heure, sujette à interprétations.
L’article 7, quant à lui, prévoit le renforcement de l’association des collectivités et de la population concernées à l’élaboration des plans de prévention des risques d’inondation.
L’article 8 tend à modifier la composition des instances délibérantes des comités de bassin et des agences de l’eau. La question de la gouvernance des instances de concertation de la gestion de l’eau à l’échelle des bassins est essentielle. Elle est d’ailleurs prise en compte dans la feuille de route gouvernementale issue de la table ronde sur la politique de l’eau tenue lors de la deuxième conférence environnementale, en septembre 2013.
Sur ce sujet, les propositions du groupe de travail du Comité national de l’eau, instance nationale de concertation sur la politique de l’eau, sont attendues en principe pour le 18 décembre 2013. Des parlementaires, parmi lesquels les sénateurs Henri Tandonnet et Michel Doublet, des collectivités, des usagers économiques et des représentants de la société civile travaillent actuellement sur ces questions de gouvernance.
Le Comité national de l’eau s’est en effet saisi de cette mission dès sa réunion du 10 octobre dernier. Il a donné mandat à ce groupe de travail de définir des orientations d’ici aux prochaines élections des comités de bassin, qui sont programmées avant l’été 2014. Il doit également fixer des orientations de plus long terme si cela apparaît nécessaire. La mise en œuvre des premières réformes doit commencer début 2014.
Ce sujet figure au cœur de la politique de l’eau et des milieux aquatiques. Il dépasse donc le cadre de la seule gestion des inondations. Dans ce contexte, l’ensemble des ministres concernés considèrent que la concertation entre les acteurs de la politique de l’eau, notamment les élus, doit être approfondie dans le cadre du débat organisé au Comité national de l’eau.
La présente proposition de loi contient en outre plusieurs dispositions relatives à la gestion de la crise.
Lors de l’événement, tous les acteurs sont mobilisés pour gérer l’urgence. À cet égard, je tiens à saluer le professionnalisme et le dévouement dont font preuve, lors de tous ces épisodes climatiques, nos services de prévision, d’alerte et de gestion de crise, ainsi que la mobilisation des collectivités et des acteurs de terrain.
Il me semble utile de revenir sur les étapes de cette gestion de crise.
Bien gérer une crise, la gérer au mieux, c’est d’abord assurer la fluidité du partage des connaissances et des échanges d’informations. Notre dispositif de prévision des inondations se fonde, d’une part, sur la vigilance crues – il s’agit d’informer dans les vingt-quatre heures sur le risque de crue des cours d’eau placés sous surveillance –, et, d’autre part, sur la vigilance météorologique – il s’agit d’alerter sur le risque d’inondation à l’échelle départementale par le biais des pictogrammes « pluie-inondation », « orage », « inondation » et « vagues-submersion ».
Les cartes de vigilance et les bulletins de suivi sont diffusés le plus largement possible, simultanément vers le public et les services de l’État, et partant vers les services de secours.
Le service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision, le SCHAPI, et Météo-France œuvrent à l’amélioration de la qualité des prévisions. Ils cherchent à définir des modèles de prévision des pluies à une échelle toujours plus fine et densifient le réseau d’observation.
Je relève que toutes ces actions sont menées de manière concertée, les services du ministère de l’intérieur et ceux du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie travaillant en collaboration.
Pendant la crise, la question de l’information est tout aussi essentielle. Aussi faut-il évoquer les procédures de remontée de l’information, qui font l’objet de dispositions bienvenues dans le texte que nous examinons ce soir.
Les services départementaux d’incendie et de secours rendent compte, en toute situation, de leur activité opérationnelle au préfet. L’autorité préfectorale et le commandant des opérations de secours entretiennent d’étroites relations afin de coordonner au mieux les opérations.
Toutefois, au-delà de ce dispositif opérationnel, les maires sont les premiers acteurs de terrain de la gestion de crise. Pleinement inclus dans ce dispositif décisionnel de la gestion de crise, ils renseignent l’autorité préfectorale et communiquent avec elle.
On le sait d’expérience, parfois, cette communication n’a pas été suffisamment fluide. En ce sens, l’article 9, qui tend à modifier l’article 742-2 du code de sécurité intérieure, est intéressant : il inscrit dans la loi une pratique qui est, la plupart du temps, déjà effective. Sa rédaction a été affinée par la commission, mais il demeure une imprécision qui pourrait avoir des conséquences négatives en matière de responsabilité de chacun des acteurs. Nous aurons l’occasion de débattre de ce point ce soir.
Améliorer la gestion de crise, c’est également rendre les secours plus efficaces et plus réactifs, notamment en confiant davantage de responsabilités aux acteurs de terrain.
Il faut, en particulier, favoriser l’implication de la population. C’est un enjeu essentiel ! À ce titre, monsieur Collombat, le département du Var offre un exemple plus qu’intéressant, dont il faut s’inspirer. Dans ce département, régulièrement soumis aux risques naturels – je songe aux incendies de forêt –, l’engagement des citoyens dans la réserve communale de sécurité civile mérite d’être salué. Dans les plus petites communes comme dans les villes plus importantes, des femmes et des hommes se mobilisent pour aider les populations sinistrées en se mettant à la disposition du maire. Ce sont aujourd’hui plus de 4 000 citoyens qui, dans ce département, sont engagés au sein de ces réserves. Ils n’en retirent aucune contrepartie, aucun avantage : leur seule motivation est le service de leur commune.
L’article 10 facilitera l’engagement de ces réserves dans la gestion de crise, en dehors même de leur commune d’origine. Là encore, nous pourrons discuter de la rédaction proposée, mais le sens de cette disposition est, en soi, tout à fait intéressant.
Cela étant, gérer une crise, c’est aussi préparer l’après-crise, qui constitue la troisième phase. La responsabilité est grande : il faut pouvoir gérer le retour à la normale sur le territoire concerné. En la matière, les dispositions de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui sont de nature à faciliter les choses.
L’article 12, notamment, comporte une innovation intéressante : la création d’une commission départementale de suivi des opérations de reconstruction qui associera l’ensemble des acteurs.
Le Gouvernement mesure pleinement la nécessité d’améliorer les procédures de reconnaissance des catastrophes subies par les communes au cours des derniers mois, que vise l’article 11. Une réflexion est actuellement menée pour affiner les éléments d’évaluation des catastrophes naturelles. Il convient par exemple de se pencher sur des événements dont le déroulement est moins rapide que celui des inondations, telles les périodes de sécheresse. Ces réflexions doivent se poursuivre, en vue de l’introduction de dispositions dans un texte approprié ; je ne suis pas sûre que nous puissions aboutir avant la fin de la navette.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement cherchera bien entendu à répondre aux attentes des acteurs de la gestion de crise.
Enfin, la proposition de loi comporte plusieurs dispositions relatives à l’indemnisation des sinistrés, question dont l’examen requiert une certaine prudence.
C’est le régime des catastrophes naturelles qui indemnise les dommages des particuliers, des entreprises ou des collectivités locales occasionnés notamment par des inondations d’intensité exceptionnelle. Il englobe une pluralité de périls, définis par l’anormalité de l’événement climatique qui les a déclenchés.
La solidarité nationale, qui sous-tend la philosophie et l’équilibre financier du régime, impose de penser celui-ci dans sa globalité, et non péril par péril.
Cet élément d’égalité et de solidarité nationale est fondamental. C’est à sa lumière que doit être lue la proposition d’instaurer une règle de réduction de la prime d’assurance en fonction des mesures de protection mises en œuvre, y compris pour les particuliers.
Une commission permanente est également créée. Elle comprend notamment des représentants des collectivités et des compagnies d’assurances ; son rôle serait de donner un avis préalable à la signature d’un arrêté interministériel de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
Une commission instruit les dossiers des communes concernées avant que l’état de catastrophe naturelle ne soit déclaré, et ce rôle mérite d’être inscrit dans la loi. Il me semble toutefois que, pour éviter d’introduire un biais, il convient de lui conserver un caractère technique, afin de garantir qu’elle continue d’analyser l’intensité des événements climatiques, et non celle des dommages.
Concernant la question importante de l’indemnisation des calamités agricoles, une réflexion est effectivement en cours au sein du Gouvernement : le régime des calamités agricoles relève d’une autre logique et doit être envisagé à part.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le débat de ce soir offre assurément l’occasion de souligner l’implication de tous les acteurs – particuliers, élus, collectivités locales, services de l’État, société civile – dans la mise en place des outils nécessaires à une meilleure gestion des risques naturels, pour la protection de tous, qu’il nous incombe d’assurer.
Considérant que cette proposition de loi traite d’un sujet majeur, qu’elle permet de renforcer les dispositifs de prévention, de gestion et de réparation des inondations mais qu’il subsiste peut-être des interrogations sur la portée de certaines dispositions, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée.
J’espère que vous aurez compris, au ton que j’ai adopté en prononçant cette intervention, tout l’intérêt que je porte à cette proposition de loi.