Intervention de Christophe Peyrel

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 5 novembre 2013 : 1ère réunion
Table ronde « la sécurité sociale des élus locaux »

Christophe Peyrel, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique à la DGCL :

Le rapport d'information de l'Assemblée nationale sur le statut de l'élu, remis le 19 juin dernier, reconnaît des progrès évidents même s'il déplore le coût de ces mesures pour les collectivités territoriales et pour les élus. Il note également le caractère relativement étoffé de la couverture, qui demeure néanmoins inégalitaire.

Je ne vous dirai pas que cette réforme, adoptée dans le cadre très normé de l'élaboration du PLFSS, a été l'occasion d'une concertation totale et optimale avec les élus. Cependant, une fois la loi votée, la DGCL et la DSS ont, pour la préparation du décret et de la circulaire, mené deux réunions de travail avec l'AMF et l'ADF. Ces réunions ont eu lieu en janvier et février 2013, et je regrette que l'ARF, qui a toujours été conviée, n'y ait pas participé. C'est dommage car nous aurions peut-être pu prendre en compte toutes les observations que vous venez de formuler. Ces travaux et les démarches des élus auprès des cabinets du ministre de l'Intérieur et de la ministre de la Réforme de l'Etat et de la Fonction publique, ainsi que les questions écrites et orales des parlementaires, nous ont permis d'identifier certaines questions relatives aux cumuls d'indemnités ou aux écrêtements.

La circulaire a été davantage conçue comme un guide pratique que comme un texte strictement juridique. Sa mise en oeuvre a révélé deux difficultés. La première, concernant le cumul emploi-retraite, a conduit le gouvernement a insérer dans l'article 12 du projet de loi relatif aux retraites des dispositions excluant les élus locaux du plafonnement de ce cumul aux effets potentiellement incohérents et démotivants. Hier, cet article 12 n'a malheureusement pas été adopté par le Sénat, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec cette question.

Nous devrons être attentifs à rétablir ce dispositif dans le cadre de la navette parlementaire. Une deuxième difficulté pour laquelle nous sommes conscients que des améliorations sont nécessaires porte sur la retraite par rente des élus locaux. Il faut tout d'abord reconnaître que le la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a permis des progrès dans ce domaine. Dans le cadre de l'examen de la proposition de loi Gourault-Sueur le 28 janvier dernier, le gouvernement avait proposé une disposition visant à rendre obligatoire la retraite par rente. Cet amendement a été rejeté par le Sénat, au motif que le coût serait trop important pour le budget des collectivités territoriales. La mission d'information sur le statut de l'élu de l'Assemblée nationale, qui a rendu son rapport le 19 juin dernier, a repris l'idée du dispositif du gouvernement dans sa proposition n°8 en le modifiant afin d'en limiter les effets négatifs et le coût. Il est ainsi proposé de rendre obligatoire pour tous les élus qui perçoivent des indemnités de fonction, la constitution d'une rente, en supprimant toutefois la possibilité de rachat de points pour une période antérieure à l'entrée en vigueur de cette obligation. Cette limitation des possibilités de rachat est importante car le système actuel entraîne des surcoûts et des contraintes importantes pour les collectivités territoriales. Il me semble que la proposition de l'Assemblée nationale peut constituer une piste d'amélioration importante et permettre d'offrir aux élus locaux une protection sociale conciliable avec le budget des collectivités territoriales. Avant de donner la parole à la direction de la sécurité sociale, je terminerai mon intervention en disant que nous sommes conscients de la nécessité d'améliorations.

Nicolas Hubert, Direction de la Sécurité sociale - Mon propos portera sur les avancées récentes et les principes qui ont guidé le gouvernement dans la mise en place de cette réforme, ce qui permettra peut-être de répondre aux questions portant sur l'opportunité de la mesure. Je reviendrai également sur les sujets évoqués en essayant d'apporter des réponses précises.

En ce qui concerne le cumul emploi-retraite, l'article 12 du projet de loi sur les retraites permet désormais d'exclure les indemnités de fonction des élus locaux des sommes prises en compte pour évaluer si le plafond du cumul emploi-retraite est atteint. À terme, et j'évoquerai ensuite la date d'application qui pose également problème, un élu local qui perçoit une indemnité de fonction pourra cumuler une rente de retraite intégrale, ainsi qu'un revenu d'activité annexe et une indemnité de fonction. En ce qui concerne la date d'application, je dois souligner que cette mesure a été introduite par amendement à l'article 12 à l'Assemblée nationale. Or, l'article 12 ne sera applicable qu'à partir de 2015. Nous avons fait remonter ce problème au cabinet de Mme Touraine en indiquant qu'une correction doit être envisagée pour 2014 et même pour 2013. En effet, il n'y a pas de raison pour que l'année 2013 soit traitée différemment, dans la mesure où le nouveau régime est applicable depuis janvier 2013. Toutefois, aujourd'hui, nous ne connaissons pas la position du cabinet.

Une autre amélioration - qui peut paraître modique mais qui n'est pas totalement négligeable - est la mise en place d'un correspondant « élu local » dans les CPAM. En effet, les CPAM ont été sensibilisées par la CNAM et il leur a été demandé de mettre en place, dans chacune d'entre elles, un référent élu local qui sera joignable en deuxième ressort. Un premier contact peut être opéré par le numéro habituel des CPAM, le 3646. Lorsque l'on achoppera sur des questions trop compliquées, le référent « élu local » prendra le relais. Il reste des points que la CNAM a voulu se faire préciser. Une lettre directive de la CNAM va être publiée d'ici la fin de l'année. Nous reconnaissons que c'est sans doute un peu tard et que ce délai pose des difficultés pour les élus. En effet, lorsqu'ils ont contacté leur CPAM, certaines d'entre elles leur ont répondu que tous les textes n'avaient pas été publiés. Mais, de notre point de vue, la loi de financement de la sécurité sociale est applicable et les textes d'application ont été pris. Il n'y a pas à attendre de nouveaux textes.

En ce qui concerne l'esprit de la réforme, les débats qui ont été tenus ici ont déjà eu lieu lors du débat parlementaire et lors de l'examen du décret devant la cCmission consultative d'évaluation des normes, puisque le décret fixant le seuil à la moitié du plafond y a été examiné. À cette occasion, les associations d'élus représentées et le président ont engagé une discussion sur le texte et sur l'opportunité de la mesure. Dans ce cadre, le président, M. Lambert, a souhaité ajourné l'examen du texte de cinq semaines, comme il en a le pouvoir. Il s'est adressé à Mme Touraine pour demander des précisions sur cette mesure. Une réponse sous forme de lettre a été apportée. Je ne vais pas vous la lire, car elle a circulé et est connue de tous. Ce document a rappelé qu'antérieurement à la LFSS pour 2013, il y avait des élus qui étaient affiliés, en raison de leurs activités professionnelles, et d'autres qui ne l'étaient pas. Cette situation était défavorable aux élus non affiliés. La lettre rappelle également, sans toutefois faire de déclaration de principe sur la sécurité sociale, que l'obligation de cotiser est indépendante de la question du salaire et de la rétribution, mais aussi et il faut le dire, de celle de la contrepartie que peut attendre l'assuré en termes de droits contributifs. Cela vaut également pour des travailleurs à temps partiel qui ont de faibles rémunérations et ont plusieurs emplois. Ils cotisent sur tous les emplois, y compris s'il n'y a pas de contreparties contributives pour certaines prestations de l'assurance maladie. J'ai bien conscience que dans le cas qui nous intéresse nous ne sommes pas en présence de salariés mais, par parallélisme, un salarié avec deux rémunérations pourrait considérer demain qu'il ne doit au final cotiser que sur une seule d'entre elles. Or cela remettrait en cause un principe fondamental sur lequel repose le financement de la sécurité sociale.

Le courrier rappelait aussi que sur le sujet du salariat, personne n'a expliqué que l'on était en train de « salairiser » les indemnités lorsque les cotisations à l'IRCANTEC ont été instaurées. Cela n'a pas posé de difficultés.

La lettre évoquait enfin l'effet de seuil, du fait de la moitié du plafond. En effet, lorsqu'un élu est en dessous de la moitié du plafond, il ne cotise pas ; au-dessus, il cotise. La mesure a été envisagée comme cela pour ne pas pénaliser les élus percevant les indemnités les plus faibles. Dès lors, les effets de seuil sont inévitables. Mais si un tel dispositif n'avait pas été mis en oeuvre, on aurait pu reprocher au gouvernement de faire cotiser des élus qui ont de faibles rémunérations. J'entends l'idée qui a été émise de faire un rabot sur l'assiette de la cotisation à hauteur du seuil, mais telle n'a pas été la solution choisie par le gouvernement. Le seuil a été créé pour protéger les élus locaux ayant les indemnités les plus faibles.

Je souhaitais aussi revenir brièvement sur l'idée selon laquelle cette mesure a été prise pour redresser les comptes de la sécurité sociale. L'étude d'impact indique que le rendement de cette mesure est de 140 millions d'euros. À la demande de M. Lambert, nous avons affiné notre analyse. En ce qui concerne les dépenses, on estime à 10 millions d'euros le coût des prestations au titre des accidents dans l'exercice des fonctions - lesquels sont aujourd'hui pris en charge par les collectivités territoriales -, et 13 millions d'euros pour les indemnités journalières pour maladie, soit au total 23 millions d'euros auxquels s'ajoutent les retraites. Pour ces dernières, nous sommes incapables de prévoir le montant des rentes versées, car cela dépend des situations individuelles.

Enfin, nous ne considérons pas que cette mesure ait un caractère rétroactif. En effet, la loi parle du plafond de la sécurité sociale, or le plafond est une notion annuelle. Lors de la préparation des textes d'application, nous avons été alertés par le fait que si le texte paraissait tardivement, le rattrapage serait douloureux du point de vue de la « cotisation salariale » et de la « cotisation employeur », si vous me permettez ce parallélisme. Or, l'ajournement de cinq semaines de l'examen du texte devant la CCEN a participé à cette entrée en application tardive.

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