Intervention de André Gattolin

Réunion du 23 novembre 2013 à 14h30
Loi de finances pour 2014 — Articles additionnels après l'article 7 quater suite

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Connaissant assez bien l’économie des médias, et notamment celle des nouveaux médias, je ne peux pas laisser M. Longuet affirmer que les journaux électroniques constituent des ressources et un bénéfice potentiel incroyables.

Mon cher collègue, vous n’omettez qu’un fait : il n’y a pas de ressource, presque aucun modèle payant ne fonctionne en la matière. §Laissez-moi poursuivre, je vous prie ! Vous venez de vous exprimer longuement. Pour ma part, je ne compte pas accaparer la parole sur le sujet.

Mon cher collègue, comprenez bien que l’Internet est fondé sur la gratuité.

Le domaine de la culture bénéficie, pour sa part, du système des droits d’auteur, archiprotégés. En revanche, si un journal publie une information exclusive, celle-ci est reprise gratuitement et diffusée dans les cinq minutes par les antennes de radio et de télévision. Ainsi, les médias gratuits phagocytent le travail des journalistes, qui était rémunéré via les achats de journaux effectués par les lecteurs et via les recettes publicitaires.

Sur les sites d’information en ligne, les systèmes d’agrégation permettent aujourd’hui à M. Google de savoir qui visite tel ou tel site. Si vous allez sur Slate, Slate ne dispose pas de la ressource publicitaire ! L’économie de la gratuité qui s’est instaurée sur l’ensemble de l’Internet ne permet pas non plus aux journaux de disposer d’une rémunération de la part des lecteurs. Mediapart parvient à peine à l’équilibre. Encore faudrait-il étudier ses comptes de près…

Bref, on ne peut pas prétendre que ces amendements tendent à créer une niche fiscale qui coûtera une fortune. Allez aux États-Unis : même le site du principal quotidien de référence au monde, le New York Times, ne parvient pas à l’équilibre !

Il s’agit tout simplement de défendre une liberté, le pluralisme. Les journalistes doivent pouvoir être payés à travers les médias. Sinon, que l’État cesse d’aider toute antenne de télévision ou de radio, qu’elle soit publique ou privée ! On accorde des fréquences à n’importe quelle station de radio et, jusqu’à présent, on autorise la revente pour ainsi dire sans la taxer. La puissance publique doit participer à l’équilibre et réguler ce secteur pour garantir le pluralisme.

Aujourd’hui, la presse papier est en train de disparaître. Elle dispose d’une petite chance de mutation vers l’Internet, mais avec des ressources minimes. Les Échos d’avant-hier ont consacré un article à ce sujet : on peut y observer l’évolution des investissements publicitaires en ligne, notamment en France. Il faudrait au moins vingt ans pour qu’une véritable ressource se dégage, si toutefois ces supports n’ont pas disparu d’ici là !

Cher collègue, je suis prêt à débattre longuement de cette question avec vous, mais, je le répète, on ne peut pas présenter ces amendements comme tendant à créer une nouvelle niche. La neutralité fiscale est essentielle, d’autant que ce sont les mêmes rédactions qui tentent d’évoluer d’un support vers l’autre, et que le passage au numérique coûte très cher.

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