Intervention de Fanny Benedetti

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 21 novembre 2013 : 1ère réunion
Violences à l'égard des femmes dans les zones de conflit — Table ronde sur l'état des lieux des violences

Fanny Benedetti, Comité ONU Femmes France :

En mon nom personnel et au nom du comité ONU Femmes France, je me félicite que ce sujet très important figure à l'ordre du jour de vos travaux. Je commencerai par la présentation des résolutions « femmes, paix et sécurité » adoptées dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations-Unies.

La plus connue est la résolution 1325, adoptée en 2000. Ce texte a constitué une véritable révolution car jusqu'alors ce sujet n'avait pas vocation à être traité par les instances en charge de la paix et de la sécurité internationale. Cette résolution bien connue affirme dans son premier volet que les femmes peuvent jouer un rôle très important dans la phase de reconstruction et de rétablissement de la paix, dans la situation dite de « post-crise ». Elle insiste aussi, dans son second volet, sur la protection des femmes lors des conflits. Cette résolution reconnaît que les femmes sont la cible de violences spécifiques lors des conflits en raison de leur genre. Ces deux volets - même si notre réunion traite plutôt du second volet - sont intrinsèquement liés puisque le fait que les femmes soient victimes dans les conflits conduit à les impliquer après le conflit dans la reconstruction et pour assurer la garantie de leurs droits.

Cette résolution extrêmement complète prévoit, notamment, l'amélioration de la représentation des femmes dans le cadre des opérations de maintien de la paix des Nations-Unies. Elle appelle également les parties aux conflits à respecter le droit international et, à ce titre, à protéger en particulier les femmes et les filles des violences sexuelles. Pendant de nombreuses années, ce texte a été activement utilisé par les associations des pays en conflit comme instrument de plaidoyer auprès de leurs gouvernements. En revanche, la résolution n'a pas suscité le même engouement de la part des gouvernements qui la trouvaient difficile à mettre en oeuvre.

En 2008, à l'approche du dixième anniversaire de ce texte, le Conseil de sécurité a préparé l'adoption d'une nouvelle résolution portant plus spécifiquement sur le thème des violences sexuelles dans les conflits armés. La célébration des dix ans de la résolution 1325 s'annonçait en effet difficile. En République démocratique du Congo (RDC) se trouvait la force de maintien de la paix la plus importante du système des Nations-Unies, avec plus de 20 000 casques bleus déployés dans cette région. Les violences sexuelles y connaissaient, si l'on peut dire, un point culminant : dans l'Est de la RDC où le conflit avait atteint des proportions intolérables, le viol était érigé en arme de guerre systématique et dans le Kivu, plus de 30 000 femmes avaient été violées au cours de la seule année 2008. La situation exigeait une très forte mobilisation de la communauté internationale.

C'est dans ce contexte que la résolution 1820 fut adoptée, appelant à une lutte accrue contre l'impunité et prévoyant pour la première fois la possibilité de sanctions contre les belligérants auteurs de tels crimes. Il s'agissait d'une véritable prise de conscience de la communauté internationale.

Puis en 2009 fut adoptée la résolution 1888, dans le prolongement direct de la résolution 1820. Compte tenu de la difficulté des négociations, cette dernière n'avait en effet pas pu aller aussi loin qu'on aurait pu le souhaiter dans la mise en oeuvre. Or l'objet de la résolution 1888, adoptée à l'unanimité du Conseil de sécurité le 30 septembre 2009 grâce à l'engagement personnel de la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton, fut précisément de prévoir un ensemble de mesures concrètes. Le résultat obtenu est impressionnant : outre qu'il appelle à l'engagement des parties prenantes, le texte comprend quatre innovations importantes : la nomination d'un représentant spécial du secrétaire général des Nations-Unies (SGNU) pour les femmes dans les conflits armés, poste de très haut niveau et dont le titulaire dispose d'un pouvoir et de mandats étendus, l'obligation de publier un rapport annuel comprenant des données chiffrées précises sur les groupes et les individus auteurs de viols, la mise en place d'un groupe d'experts déployables sur le terrain, et la désignation de conseillers chargés de la protection des femmes au sein des unités de maintien de la paix. La résolution prévoit aussi pour la première fois - c'est une avancée importante - un mécanisme de « naming and shaming », c'est à dire la possibilité de lister nominativement les responsables des crimes commis. Tout cela n'est pas sans effet car même au sein des groupes rebelles, l'on craint de voir son nom figurer sur ces listes susceptibles d'être reprises par la Cour pénale internationale.

Le sujet des violences faites aux femmes dans les territoires en conflit a pris de l'ampleur puisque le Conseil de sécurité lui consacre chaque année un débat public qui donne lieu à une mobilisation des acteurs de la société civile en son sein. Le dernier en date a eu lieu le 30 novembre 2012. Depuis 2010, les gouvernements et les parties prenantes sont de plus en plus mobilisés en faveur du respect des résolutions et l'on observe d'ores et déjà que les forces de maintien de la paix sont davantage sensibilisées à ces questions, notamment grâce à la présence de conseillers et de conseillères spécialistes des questions de genres, par l'augmentation du nombre de femmes dans les unités et par l'existence, dans certains pays, de bataillons de maintien de la paix entièrement féminisés affectés à des missions spécifiques.

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