Concernant l'enseignement supérieur, l'essentiel de l'augmentation des crédits (+ 0,5 %) bénéficie au programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », à hauteur de + 0,4 %, au titre de la création de 1 000 postes au sein des universités en faveur de la réussite en premier cycle, et au programme 231 « Vie étudiante », à hauteur de + 6 %, au titre de la réforme des bourses.
Cette progression des moyens de l'enseignement supérieur constitue une réelle performance dans le contexte que nous connaissons, pour deux raisons :
- le budget de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) pour 2014 dépasse les plafonds de crédits initialement fixés par le budget triennal pour 2013-2015, grâce aux efforts constants de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche pour défendre sa mission ministérielle auprès des services de Bercy ;
- l'augmentation des moyens de la MIRES correspond à une progression nette en 2014, au regard de la stabilité du taux de contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » qui avait absorbé plus de la moitié de la hausse des crédits en 2013.
Les dotations de fonctionnement des universités enregistrent une augmentation de 106 millions d'euros, qui correspond à la création de 1 000 postes supplémentaires en 2014 en faveur de la réussite en premier cycle, conformément à l'engagement présidentiel. Elles comprennent également une subvention de 39 millions d'euros au titre de la résorption de l'emploi précaire, afin de couvrir le surcoût de cotisation au CAS « Pensions » des titularisations prononcées courant 2014 et devraient concerner près de 2 200 contractuels en application de la « loi Sauvadet ».
La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a annoncé que ces dotations seraient préservées de nouvelles mesures d'économie en cours d'exécution budgétaire, hormis le prélèvement de la réserve de précaution. Face aux inquiétudes exprimées, elle négocie d'ailleurs, avec le ministère du budget, un taux dérogatoire de mise en réserve qui permette de garantir la stabilité des crédits de fonctionnement des universités pour 2014.
Conformément aux engagements d'effort de l'État en terme de moindres dépenses (7,5 milliards d'euros sur son propre budget), les économies qui seront réalisées sur le programme 150 correspondent à :
- une réduction nette de 30 millions d'euros des crédits immobiliers, permise par l'achèvement de la restructuration du campus de Jussieu, tout en intégrant une augmentation de 5 millions d'euros en faveur de la mise en sécurité des bâtiments universitaires ;
- une réduction de 22 millions d'euros sur les moyens de fonctionnement (hors masse salariale des universités) inscrits sur le programme.
Les économies en fonctionnement sont bien ciblées. Elles concernent au premier chef les établissements d'enseignement supérieur privés conventionnés avec l'État dont les subventions diminuent de 5 millions d'euros. Il n'est pas anormal que ces établissements fournissent un effort supplémentaire puisqu'à la différence des universités publiques, ils peuvent moduler le montant de leurs droits d'inscription, il n'en déclenche pas moins des réclamations.
Il convient de reconnaître la situation compliquée que connaissent certains établissements privés qui, contrairement aux idées reçues, n'accueillent pas uniquement des étudiants issus de familles aisées. Prenons le cas particulier des écoles d'ingénieurs associatives de l'enseignement supérieur agricole. Elles se caractérisent par une très forte vocation sociale : elles accueillent 37 % de boursiers et 22 % de leurs étudiants sont issus de familles d'agriculteurs. Bien qu'ils soient privés, ces établissements oeuvrent à la mixité sociale dans l'enseignement supérieur et à la promotion des jeunes issus des milieux ruraux.
Or, ces écoles associatives, qui n'ont aucun but lucratif, ont conclu des contrats avec l'État au titre de leur participation aux missions de service public de l'enseignement supérieur agricole, en vertu de la « loi Rocard » de 1984. Malheureusement, il apparaît que l'État a accumulé une dette à leur égard de trois millions d'euros, correspondant à un reliquat sur la période 2003-2008. Elles se retrouvent aujourd'hui face à une situation inextricable : leurs subventions d'État diminuent alors que leurs effectifs augmentent, et elles ne peuvent pas augmenter leurs droits d'inscription au risque d'exclure les étudiants les moins favorisés.
Selon les données du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, cinq universités pourraient enregistrer un double déficit sur les exercices 2012 et 2013. Les difficultés financières rencontrées par certaines universités tiennent en grande partie à une surestimation des recettes et à une forte augmentation des effectifs d'étudiants et du nombre de personnes rémunérées.
Toutefois, leur résultat déficitaire doit être mis en perspective, d'une part, avec la capacité des établissements à dégager, en gestion, des crédits pour financer des investissements, et, d'autre part, avec le niveau de leur fonds de roulement. Conjugué à une capacité d'autofinancement positive et un niveau de fonds de roulement confortable, le déficit, non structurel, n'est pas nécessairement préoccupant : certaines universités parviennent, en fin d'exercice, à équilibrer leurs comptes malgré un budget prévisionnel voté initialement en déficit.
Le dispositif de suivi, d'alerte et d'accompagnement mis en oeuvre par le ministère, en lien avec les rectorats et les établissements, a fait la preuve de son efficacité. Les conclusions des audits conduits par l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) sont parfois difficiles à accueillir pour les universités, certaines équipes de direction ayant hérité des erreurs de gestion de leurs prédécesseurs. Mais les redressements sont possibles : ainsi la situation des universités du Havre et d'Angers était particulièrement préoccupante, elles ont su, avec un esprit de responsabilité qui suscite l'admiration, remonter la pente. J'ai moi-même eu l'occasion de rencontrer la nouvelle équipe dirigeante de l'Université d'Angers lors d'un contrôle mené avec notre collègue Ambroise Dupont : leurs capacités d'analyse et de prospective budgétaires ont été considérablement renforcées, des tableaux de bord de suivi ont été mis en place, les coûts de formation ont été objectivés et des choix courageux ont été faits collectivement.
En ce qui concerne l'Université de Montpellier III, sa présidente doit être félicitée pour l'ardeur qu'elle déploie à défendre l'avenir d'une université qui a la particularité d'accueillir un nombre considérable de boursiers. Elle place au centre du débat la question cruciale de la compensation par l'État aux universités de l'exonération des droits d'inscription dont bénéficient les étudiants boursiers. La question du maintien de l'antenne de Béziers, dont 62 % des étudiants sont boursiers, cristallise à mon sens l'urgence de ce débat.
La situation de la France est pour le moins incongrue. Nous sommes l'un des seuls pays à ne pas intégrer dans la première mensualité de bourse le montant des droits d'inscription, ce qui permettrait à l'étudiant boursier d'assumer directement cette obligation et d'éviter ainsi tout problème de trésorerie pour les universités.
En France, celles-ci continuent d'être obligées d'internaliser la charge de l'exonération boursière chaque année. Depuis l'interruption du modèle SYMPA (système de répartition des moyens à la performance et à l'activité) en 2011, elles sont privées des droits d'inscription correspondant à leurs nouveaux effectifs boursiers, ce qui représente une moindre recette de 7,5 millions d'euros en 2013. Les universités les plus pénalisées sont évidemment celles qui accueillent une forte proportion d'étudiants boursiers, et c'est bien souvent le cas des universités dites de proximité comme Montpellier III, Poitiers ou Versailles-Saint-Quentin.
Dans ces conditions, la ministre vient d'annoncer qu'elle dégagerait au sein de l'enveloppe SYMPA 20 millions d'euros sur quatre ans pour la compensation de l'exonération boursière, soit cinq millions d'euros par an. Cette solution permet effectivement d'éviter un écrêtage trop brutal par une compensation intégrale qui aurait conduit à pénaliser fortement les universités intensives en recherche.
Toutefois, je relève que cette mesure se fait à moyens constants et que la ministre sera donc obligée de prélever cette année ces cinq millions d'euros sur l'enveloppe de 29 millions d'euros qu'elle compte inscrire dans le projet de loi de finances rectificative pour 2013 pour financer le glissement vieillesse-technicité (GVT) solde positif. La prise en compte de la mesure de compensation de l'exonération boursière ramènerait donc la participation de l'État au financement du GVT solde à 25 millions d'euros. À mon sens, il convient de poursuivre la concertation avec les présidents d'université pour étudier dans quelle mesure des mécanismes de péréquation peuvent être mis en oeuvre entre les universités les moins bien dotées et les mieux dotées afin qu'au sein d'une enveloppe à moyens constants l'État puisse enfin compenser à l'euro près des mesures qu'il a prises au niveau national.
J'aimerais également aborder le problème de l'orientation rencontré par toutes nos universités et qui constitue le noeud de l'enjeu de la réussite en premier cycle. La présidente de l'Université de Montpellier III nous interpelle précisément sur une situation que l'on rencontre dans la quasi-totalité des universités françaises : les limitations des capacités d'accueil et la pratique du tirage au sort.
De nombreux présidents d'université s'offusquent de certaines consignes transmises par les rectorats et l'administration, qui leurs font obligation d'inscrire les redoublants, voire les triplants, même s'ils ont obtenu une moyenne inférieure à 2 sur 20, avec priorité sur les nouveaux étudiants, c'est-à-dire les bacheliers, les « primo-arrivants ».
Face à cette obligation, lorsqu'elles constatent qu'elles sont dans l'incapacité d'accueillir l'intégralité des bacheliers qui demandent leur inscription, les universités sollicitent des recteurs la mise en place de « limitations des capacités d'accueil ». Dans ces conditions, pour éviter toute sélection, les nouveaux bacheliers ne sont admis que par la voie du tirage au sort ! C'est ainsi qu'on maintient dans certains cursus des étudiants dont on suppute à juste titre, au regard de leurs résultats et de leur assiduité, qu'ils ne s'inscrivent à l'université que pour bénéficier des avantages associés au statut d'étudiant tout en poursuivant des études dans un autre établissement, voire d'autres activités. En revanche, des bacheliers de bonne volonté, confiants dans le système universitaire, se voient refuser leur premier choix, sans aucune autre considération pour leurs résultats académiques et leurs motivations, en raison d'un tirage au sort défavorable parfois cruel.
La question est évidemment posée : celle de la cohérence entre la mise en place de limitations des capacités d'accueil, qui reposent sur des procédures de tirage au sort, et l'objectif de réussite en premier cycle. Il faudrait dire clairement dans quelles conditions il est conféré aux universités un rôle social d'accueil d'étudiants qui n'entendent pas nécessairement obtenir le diplôme correspondant à la formation pour laquelle ils ont été inscrits et dont le projet est celui d'obtenir un statut social qui a peu à voir avec un projet d'études universitaires.
J'en viens maintenant à la réforme des bourses proposée par le Gouvernement, ambitieuse et généreuse, avec la création de deux nouveaux échelons.
Le fonds national d'aide d'urgence est également renforcé au bénéfice des jeunes en situation de rupture familiale et d'autonomie impécunieuse avérée. Cette réforme s'accompagne d'une responsabilité sur le plan budgétaire puisque 2013 constitue depuis 2008 la première année pour laquelle le ministère ne sera pas obligé de redéployer des crédits en fin de gestion afin de couvrir des impasses budgétaires telles que le fut la prise en charge du 10e mois de bourse en 2012, après un contexte de sous-budgétisation chronique largement dénoncé par la Cour des comptes.
L'effort en faveur de la construction de logements étudiants se poursuit, avec la consolidation en 2014 des 20 millions d'euros supplémentaires obtenus par le Centre national des oeuvres universitaires (CNOUS) à ce titre en 2013. Un dispositif de caution locative étudiante est également expérimenté depuis la rentrée 2013 dans les académies où le marché de l'immobilier est tendu.
En conclusion, il faut saluer les efforts déployés par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche pour constamment affirmer le caractère prioritaire de son budget auprès de Bercy. Face à cette pugnacité reconnue, nous pouvons lui faire confiance pour tenir les engagements responsables qu'elle a pris auprès des présidents d'université pour les accompagner dans la maîtrise du GVT de leur masse salariale, et leur garantir une compensation, sinon exacte, du moins progressive, de l'exonération boursière.
Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la MIRES et de poursuivre notre accompagnement parlementaire par la mise en oeuvre de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche au bénéfice des priorités établies.