Intervention de Dominique Gillot

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 26 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Mission « recherche et enseignement supérieur » - examen des rapports pour avis

Photo de Dominique GillotDominique Gillot, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la recherche, au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » :

en remplacement de M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la recherche, au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». - Mes chers collègues, en lieu et place de M. Plancade, je vous indique que le budget consacré à la recherche au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) fait l'objet d'une légère diminution de 1 % en 2014, mais son niveau reste supérieur à celui de 2012, ce qui témoigne d'un effort de préservation des moyens pour un secteur prioritaire.

Conformément aux prévisions inscrites dans le budget triennal pour 2013-2015, c'est l'Agence nationale de la recherche (ANR) qui supporte principalement l'effort d'économie sur le programme 172, à hauteur de 82 millions d'euros. En 2014, sa dotation de l'État atteint 575 millions d'euros, soit une diminution supérieure à 12 % par rapport à son niveau de 2013. Je tiens toutefois à rappeler la nécessité de ne plus rogner désormais outre mesure le budget de l'ANR car cela signifiera à terme une réduction trop importante des moyens à la disposition des équipes de recherche pour monter des projets ambitieux, d'un haut niveau d'excellence scientifique. En diminuant les crédits de l'ANR, on abaisse d'autant plus le taux de succès des projets, qui est passé de 26 % en 2005 à 17 % en 2013, alors même que le nombre de projets déposés augmente fortement.

L'ANR a réformé son mode de sélection, désormais organisé en deux temps avec une phase de pré-sélection sur la base d'une première proposition succincte de 3 à 5 pages, ce qui permet d'alléger considérablement la démarche de montage de projet pour les chercheurs. On constate également que le financement sur projet, qui est la norme chez nos principaux partenaires comme l'Allemagne et le Royaume-Uni, est de mieux en mieux accepté par nos équipes de recherche qui apprécient l'effet de levier qu'il représente, tant auprès des entreprises qu'auprès des financements européens.

Dans ces conditions, les représentants des organismes de recherche et des universités nous ont indiqué craindre fortement l'érosion continue des moyens de l'ANR qui se traduira nécessairement, en cours d'exécution, par des restrictions au sein des laboratoires dans leurs dépenses incompressibles.

Les dotations des organismes de recherche supportent également, dans leur globalité, une diminution de l'ordre de 12 millions d'euros, les établissements les plus touchés étant l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'Institut des hautes études pour la science et la technologie, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques et l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER). Toutefois, la baisse demeure limitée et maîtrisée pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) et l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) pour lesquels elle reste comprise entre - 0,2 % et - 1,9 %. Quant au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables, la hausse apparente de sa dotation résulte du provisionnement du démantèlement de centrales nucléaires, sa subvention de fonctionnement baissant en réalité de 5 millions d'euros.

La principale inquiétude des organismes de recherche, à ce stade, réside dans l'ampleur du taux de mise en réserve qui leur sera applicable en 2014. Il est indispensable, à mon sens, que les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) continuent de bénéficier, comme ce fut le cas pour l'exercice 2013, des taux réduits de moitié de mise en réserve, de 0,25 % pour la masse salariale et de 3,5 % pour les autres dépenses de fonctionnement. Je sais que la ministre oeuvre en ce sens auprès de Bercy à l'heure actuelle, et je pense qu'il est de notre devoir de rappeler que la volonté parlementaire est bien de préserver les dérogations dont bénéficient les secteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche en matière de mise en réserve.

En ce qui concerne la maîtrise de la dépense fiscale du crédit d'impôt recherche (CIR), qui devrait représenter en 2014 près de 5,8 milliards d'euros, je salue l'initiative de notre collègue Michel Berson, qui a fait adopter par la commission des finances un amendement tendant à supprimer le bénéfice du CIR pour les dépenses dépassant 100 millions d'euros. Ce plafonnement, conforme aux recommandations de la Cour des comptes, consiste à supprimer le taux de 5 % de CIR pour les dépenses au-delà de 100 millions d'euros, dont l'effet incitatif n'a pas été jugé substantiel, et permet à la fois de réorienter le bénéfice du CIR vers les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et d'envisager une réduction du coût du dispositif de l'ordre de 800 millions d'euros. Une somme qui peut effectivement être réorientée vers les opérateurs de l'enseignement supérieur et de la recherche, c'est-à-dire les universités et les organismes de recherche.

Je me félicite, néanmoins, de ce que le Gouvernement ait tenu à réaffirmer son engagement, dans l'esprit du rapport de M. Louis Gallois, à ne pas bouleverser complètement les règles de calcul du CIR. S'il est vrai que la maîtrise du dispositif oblige à un renforcement des procédures de contrôle fiscal et à un calcul plus affiné des dépenses éligibles, il est indispensable de ne pas remettre en cause les effets positifs du CIR pour le renforcement de l'intensité de la recherche et du développement au sein des entreprises industrielles françaises, qui évoluent dans un secteur particulièrement exposé à la concurrence internationale. Je rappelle que, grâce au CIR, le nombre d'embauches de jeunes docteurs a progressé de 160 % entre 2007 et 2011 et que le nombre d'entreprises qui ont sollicité les institutions publiques de recherche comme les organismes de recherche dans le cadre de la recherche partenariale a plus que doublé sur la même période.

Je souhaiterais maintenant procéder à un petit focus sur le partage de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) qui me semble pertinent, compte tenu du transfert aux régions de la compétence en matière de soutien des initiatives territoriales, que nous avons adopté l'été dernier dans le cadre de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. Le montant total des moyens consacrés à la CSTI s'établit à 110,5 millions d'euros en 2014, soit une légère diminution de 1 % par rapport à 2013.

Lors d'un colloque organisé à Toulouse sur le thème de la CSTI à l'été 2013, j'avais souligné l'importance de la médiation éducative non formelle des associations d'éducation populaire, complémentaire du système éducatif, qui exercent un rôle indispensable pour organiser les interactions entre science et société et amener les citoyens à se saisir des débats scientifiques contemporains, en prenant soin de ne pas laisser des questions aussi sensibles que le réchauffement climatique ou l'utilisation des cellules souches embryonnaires aux seuls groupes d'intérêt dont l'indépendance de l'expertise et la rigueur de l'analyse peuvent poser question.

En octobre 2013, a d'ailleurs été créé le pôle territorial de référence en CSTI de la région Midi-Pyrénées, qui sera co-piloté par l'État, avec le pôle national Universcience, et la région. Les régions sont désormais chargées de coordonner les stratégies territoriales en matière de partage du savoir scientifique, et c'est pourquoi les 3,6 millions d'euros de crédits destinés au soutien aux initiatives territoriales de CSTI ont été transférés du programme 186 de la MIRES au programme 121 « Concours financier aux régions ». L'État reste responsable de la définition du cadre stratégique, puisque la stratégie nationale de recherche doit désormais prendre en compte des objectifs nationaux en matière de CSTI concertés avec les régions et les partenaires institutionnels et associatifs, ces objectifs devant être déclinés notamment dans les contrats conclus avec les universités.

La CSTI bénéficie également d'une enveloppe de 100 millions d'euros au titre du programme des investissements d'avenir. Mais force est de constater que, sur les 48 millions d'euros d'engagements effectivement contractualisés, seulement 8 millions d'euros ont été décaissés à ce jour. La sous-consommation des crédits du programme des investissements d'avenir (PIA) en matière de CSTI s'explique principalement par la complexité des dossiers qui doivent être montés par des associations, dont les capacités en termes d'ingénierie de projet sont encore limitées pour des montants de cette ampleur. C'est cette ingénierie de projet qui doit être consolidée auprès des associations afin que le PIA soit pleinement conforté dans sa dimension de guichet auprès des acteurs de CSTI. Un 3e forum national de la CSTI est prévu pour janvier 2014 et sera l'occasion pour les acteurs institutionnels et associatifs de préciser leurs attentes respectives.

Je note cependant que la contraction continue du budget d'investissement d'Universcience depuis 2012 pose des difficultés avec un impact non négligeable sur la qualité de l'offre, dont il pourrait résulter la fragilisation de la fréquentation. La réduction de la subvention empêche également certaines mises à niveau réglementaires des installations du site et la réparation de certains éléments lourds pourtant nécessaires à l'accueil du public, en particulier pour la Cité des sciences dont les bâtiments ont été construits à la fin des années 1970. En l'absence de crédits supplémentaires, il y a fort à craindre qu'Universcience s'oriente vers une gestion, dirons-nous, plus « commerciale » de ses lieux, au détriment de l'approche pédagogique qui doit être préservée au coeur de Paris.

En matière d'implication des universités dans le partage de la CSTI, je me réjouis de la plateforme développée entre l'Office de coopération et d'information muséales (OCIM) et des groupes pilote et test d'universités (associant Montpellier II, le PRES de Toulouse, Strasbourg, Bourgogne, Franche-Comté, Lorraine et Paris VI), qui permet d'établir une cartographie des initiatives mises en oeuvre par les établissements d'enseignement supérieur en faveur de la CSTI : la mise à disposition de locaux, l'organisation de colloques, le centre de vulgarisation des connaissances de Paris-Sud, l'Experimentarium de l'Université de Bourgogne, le département « Science et société » du pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) de Lyon...

Enfin, je soulignerai la pertinence d'une proposition formulée par Universcience en février 2012 visant à étendre aux étudiants se destinant aux métiers de l'enseignement des formations axées sur le partage de la CSTI, au sein des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ). Le second stage qu'ils doivent effectuer pourrait se dérouler au sein d'une structure de la CSTI.

En conclusion, j'insisterai sur le nécessaire relèvement en France du taux de « préciput » pratiqué par les agences de moyens françaises dans la prise en charge des frais de gestion et d'environnement des projets de recherche et sur le renforcement de la présentation des projets en coûts complets. En France, l'ANR pratique un taux de préciput de 15 % qui comprend les frais de gestion à hauteur de 4 % des coûts directs du projet et l'aide versée aux tutelles hébergeantes à hauteur de 11 %. Or, aux États-Unis, la prise en charge des frais de gestion et d'environnement atteint 56 % dans les universités les plus intenses en recherche, et 25 % pour les universités moyennes. L'Europe retient, elle, dans ses financements un taux de 25 % de préciput pour le programme-cadre « Horizon 2020 ».

Il est vrai que le système de recherche français est singulier puisqu'il s'appuie essentiellement sur des personnels sous statut pour lesquels la masse salariale est déjà prise en charge par l'État. Toutefois, il semble indispensable de relever le taux de préciput pratiqué en France, de 15 % à 20 %, voire 25 % idéalement pour s'aligner sur les normes européennes. En contrepartie, les organismes de recherche et les universités doivent impérativement généraliser la comptabilité analytique et la présentation en coûts complets de leurs projets.

En conclusion, face à un secteur de la recherche préservé dans son caractère prioritaire, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche au sein de la MIRES.

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