Cet amendement consacre notre position de fond, maintes fois exprimée et justifiée, sur le dispositif Dutreil et des dispositifs proches, qui sont d’un coût non négligeable pour les finances publiques. Ils minent le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune pour une justification sociale et économique qui n’est pas assurée.
En effet, si nous souhaitons remettre à plat notre système de prélèvements obligatoires, les niches fiscales doivent être revues et corrigées.
En voici trois, issues du même texte – la loi Dutreil –, qui, réunies, réduisent de 261 millions d’euros le produit de l’impôt de solidarité sur la fortune et posent par ailleurs un problème évident de justice fiscale et, partant, de justice sociale. Le dispositif Dutreil vient en effet se superposer inutilement aux multiples exonérations d’assiette dont souffre l'ISF, et contribue ainsi à miner une recette fiscale dont le dynamisme et la réalité mériteraient d’être encouragés plutôt que bridés.
Il est complété – faut-il le rappeler ? – par le dispositif ISF-PME, dispositif assez coûteux – 570 millions d’euros prévus en 2014 pour un peu plus de 40 000 ménages – dont l’efficience demeure à prouver et qui constitue, au regard des autres incitations fiscales à l’investissement en fonds propres dans les entreprises, l’opération la plus gourmande en fonds publics.
Difficulté supplémentaire pour les dispositifs issus de la loi « Dutreil », l’évaluation des voies et moyens permet de connaître la réalité de la dépense fiscale mais ne permet plus, aujourd’hui, de déterminer le nombre des bénéficiaires. Encouragement à la signature ou à l’accord sur les pactes d’actionnaires, l’ensemble de ces dispositifs n’a cependant jamais concerné grand-monde parmi les contribuables assujettis à l'ISF.
Il a surtout été invoqué pour lutter contre les délocalisations fiscales, ce qui, évidemment, ne peut manquer de faire sourire quand on voit que, malgré cela, une bonne partie des membres de la famille Mulliez a émigré en Belgique ou que M. Paul Dubrule, notre ex-collègue de Seine-et-Marne et PDG du groupe Accor, a préféré, quant à lui, résider en Suisse, où il s’accommode fort bien des légères contraintes du forfait fiscal.
D’ailleurs, s’il fallait revenir sur la question de l’expatriation fiscale, sans doute serait-il plus judicieux de parler d’expatriation professionnelle, puisque la très grande majorité de nos compatriotes qui ont pu partir vivre à l’étranger ces temps derniers n’étaient pas spécialement riches – avec des revenus inférieurs à ceux qui vont être touchés par le plafonnement du quotient familial – ni détenteurs d’un patrimoine particulièrement important.
En définitive, qui part à l’étranger ? Essentiellement de jeunes cadres envoyés faire leurs armes par leur entreprise ou encore de jeunes Français issus de l’immigration bardés de diplômes et victimes, sur le territoire national, de discriminations à l’embauche qui sont autant d'incitations à l'expatriation.
Enfin, une dernière raison justifie le dépôt de cet amendement. De manière évidente, le dispositif Dutreil n’a été sollicité que par des contribuables avertis, conseillés, et, de fait, relativement plus fortunés que les autres. Il crée, d’ailleurs, une évidente inégalité de traitement entre actionnaires soumis à l’ISF et actionnaires qui, eux, ne le sont pas. Pourquoi faudrait-il que les uns disposent d’un avantage comparatif, alors qu’ils sont justement plus riches ?