Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 8 ter, introduit par l’Assemblée nationale, a pour objet d’inclure dans le calcul du plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune certains revenus non réellement perçus par les contribuables, c’est-à-dire des gains sur des contrats d’assurance vie en euros ou sur la part en euros des contrats multisupports.
Monsieur le ministre, je tiens à dire solennellement que, de mon point de vue, l’insertion de cet article par les députés est à la fois un aveu et une erreur.
C’est un aveu parce que, dès cette année, l’administration du ministère du budget s’est crue autorisée à produire par elle-même une instruction fiscale, juste avant la date limite de déclaration de l’ISF, qui a prétendument « précisé » que ces gains d’assurance vie devaient être pris en compte dans le plafonnement.
Des redevables ont introduit des recours en faisant valoir que cette instruction allait au-delà de la loi, et j’ai moi-même adressé à M. Cazeneuve une question écrite sur ce sujet, toujours sans réponse à ce jour bien que le délai commence à être long.
La nécessité qui apparaît aujourd’hui d’introduire cette disposition dans la loi de finances pour 2014 montre bien, à mon sens, le caractère hasardeux de l’application de la loi fiscale en 2013.
Mais adopter cet article serait aussi une erreur. Le Conseil constitutionnel a bien dit, en examinant la « contribution exceptionnelle sur la fortune » instaurée par la loi de finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012, que « le législateur ne saurait établir un barème de l’impôt de solidarité sur la fortune tel que celui qui était en vigueur avant l’année 2012 sans l’assortir d’un dispositif de plafonnement ou produisant des effets équivalents destiné à éviter une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ». Je ne peux qu’y souscrire puisque, comme vous le savez, plus de 8 000 foyers fiscaux ont dû acquitter, en 2012, plus de 100 % de leur revenu en impôt du fait de l’existence de cette contribution, qui doit, à l’évidence, rester exceptionnelle.
Or, l’année dernière, vous avez précisément essayé de supprimer dans les faits le principe même de ce plafonnement en incluant dans le calcul plusieurs types de revenus virtuels. Le Conseil constitutionnel, cohérent avec lui-même, a censuré ce dispositif, en considérant « qu’en intégrant dans le revenu du contribuable pour le calcul du plafonnement […] des sommes qui ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de la même année, le législateur a fondé son appréciation sur des critères qui méconnaissent l’exigence de prise en compte des facultés contributives ».
Ainsi, mes chers collègues, l’Assemblée nationale nous propose de persister dans l’erreur au travers de cet article. Le plus sage serait bien sûr de nous y opposer. Mais, si le Parlement devait adopter définitivement un tel article, soyez sûr, monsieur le ministre, que nous serions alors en nombre suffisant pour veiller à ce que le Conseil constitutionnel puisse confirmer sa jurisprudence protectrice des droits élémentaires des contribuables.