Nous verrons !
J'en viens à la délégation de soins. Il s'agit, à mon sens, d'une très grande avancée. Les personnes lourdement handicapées pourront désigner, à titre dérogatoire, un « aidant » de leur choix pour effectuer certains gestes médicaux qu'elles ne peuvent accomplir elles-mêmes, du fait de leurs limitations fonctionnelles.
Un décret définira la liste des gestes que les « aidants » peuvent accomplir. On pense, bien évidemment, aux gestes d'urgence vitale, tel qu'un changement de canule pour une personne trachéotomisée. Sans une intervention humaine dans les deux ou trois minutes, la personne peut en effet décéder, faute de pouvoir respirer. Or quel corps de santé peut aujourd'hui intervenir dans les trois minutes, quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit, de la semaine ou du week-end, y compris les jours fériés ? Aucun, soyons clairs ! Seule la personne qui est présente aux côtés de la personne handicapée pourra intervenir de façon rapide et efficace, en toute sécurité, à condition bien sûr d'avoir reçu une formation ad hoc.
Je vous demande de veiller, madame la secrétaire d'Etat - j'y serai également attentif -, lors de la rédaction des dispositions réglementaires, à ce que l'on ne se contente pas d'une liste de gestes trop restrictive. L'attention que l'on porte aux personnes handicapées ne peut se limiter à s'assurer qu'elles survivent plutôt qu'elles ne meurent. Il existe aussi toute une série de gestes médicaux ou paramédicaux qu'il faut, de la même façon, garantir aux personnes atteintes d'un handicap lourd, car c'est une question de confort minimal et de dignité humaine.
Est-il décent, par exemple, de laisser une personne handicapée dans son lit pendant plus de trois jours parce que c'est Noël ou le week-end du 15 août, qu'il n'y a pas de personnel disponible dans les services de soins à domicile ou d'infirmière libérale disposée à assurer des soins de nursing ? Est-il décent de laisser seule une personne handicapée qui ne peut se rendre aux toilettes pendant plus d'une douzaine d'heures, ou d'en laisser une autre souillée toute la nuit, simplement parce que, faute d'une continuité des soins à domicile digne de ce nom, elle ne peut recevoir l'assistance ni du SAMU, ni des pompiers, ni d'un médecin, ni d'une infirmière libérale, puisque, aux dires de ces personnes, cela ne relève pas de leur travail ?
Si réellement, dans ce pays, il n'est pas possible d'assurer un service d'intervention d'urgence vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour effectuer des soins à domicile auprès de ces personnes, alors il est de notre devoir d'hommes et de femmes d'inscrire dans la liste des gestes de soins qu'elles pourront déléguer à leurs « aidants » tous ceux qui doivent leur permettre de respirer, mais aussi de se lever, d'assurer leur toilette - le changement de leur sonde urinaire, par exemple - de prendre un médicament, d'utiliser un matériel médical pour se coucher, et ce au moment où elles en ont besoin et non lorsqu'un professionnel de santé est enfin disponible.
Avec ce texte, les personnes lourdement handicapées pourront choisir librement l'aidant qui leur est le plus proche, j'allais dire le plus intime, pour lui déléguer ces soins que personne ne veut accomplir, y compris s'il s'agit de leur conjoint, d'un membre de leur famille ou d'un aidant qu'elles rémunèrent. Aucun repli catégoriel ni corporatiste ne saurait justifier la remise en cause d'une telle avancée législative, car, je le répète, c'est une question de dignité humaine, et bien des pays, désormais, ont adopté ce type de dispositif.
Parmi les grandes avancées, je citerai également la reconnaissance officielle de la langue des signes, le départ à la retraite anticipée et à taux plein des travailleurs handicapés, les garanties apportées à la mise en oeuvre de l'amendement Creton, la mise en accessibilité des bureaux de vote, l'obligation d'emploi dans les trois fonctions publiques - nous ferons le point, mais accordons pour l'instant le bénéfice du doute -, l'inscription automatique à l'école du quartier, le financement du coût des transports par la collectivité territoriale qui n'aurait pas assuré l'accessibilité à un établissement.
Enfin, concernant la scolarité, après M. le rapporteur, j'aimerais dire à nouveau aux parents d'enfants handicapés qui ont manifesté leur amertume à l'égard de ce texte que, désormais, rien ne pourra empêcher l'inscription première de leur enfant en milieu ordinaire. Ce n'est qu'en cas d'échec et s'ils en font eux-mêmes la demande que la commission des droits et de l'autonomie pourra se réunir et décider, avec eux, de l'orientation de leur enfant vers un dispositif plus adapté. En cas de désaccord, ils pourront de plus bénéficier d'une conciliation et de voies de recours.
Dans le grand chantier du handicap souhaité par le Président de la République, Jacques Chirac, les plans sont désormais achevés, la construction doit maintenant commencer. Nous serons là, madame la secrétaire d'Etat, pour vous aider dans la rédaction des dispositions réglementaires attendues de ce texte. Je souhaite, pour ma part, que soient publiées en priorité toutes celles qui répondent à la détresse et aux situations humaines les plus criantes.
Veillons également à garder l'esprit de réforme profonde qui a présidé à nos débats, sans édulcorer ces dispositions par des textes réglementaires ou des dérogations qui viendraient en limiter la portée.