Au-delà des crédits budgétaires de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et de ceux du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR), la politique agricole s'appuie sur plusieurs leviers : le levier communautaire avec la politique agricole commune (PAC) et le levier fiscal. Je les évoquerai brièvement avant d'aborder le projet de loi d'avenir de l'agriculture, les sujets de la sécurité sanitaire et de l'agroalimentaire.
Après deux ans de négociations, les européens sont parvenus à un accord sur la réforme de la PAC pour la période 2014-2020. Le budget 2014 tire d'ores et déjà les conséquences des choix européens, même s'il s'agit d'une année de transition.
La PAC apporte l'essentiel des soutiens publics à l'agriculture en France : ses aides et subventions représentent plus de 9 milliards d'euros annuels à comparer aux 3 milliards d'euros de crédits budgétaires nationaux. Malgré l'âpreté des négociations entre européens, l'enveloppe de la PAC est moins touchée que nous ne le redoutions, avec une réduction de l'ordre de 12 % en euros constants pour le premier pilier et 18 % pour le deuxième pilier, soit une quasi-stabilité en euros courants pour 2014-2020 par rapport à 2007-2013.
La France est privilégiée avec un financement européen de 9,1 milliards par an en moyenne sur la période. Les pertes sur le premier pilier sont presque intégralement compensées sur le deuxième. Là où l'enveloppe PAC baisse pour l'Italie de 4,5 %, pour l'Espagne de 3,8 %, pour l'Allemagne de 8 %, elle diminue pour la France de 1,7 % en valeur réelle. Ce résultat est à mettre au crédit de la pugnacité du Président de la République qui a refusé de sacrifier l'agriculture française.
Les négociations sur la PAC ont également permis d'aboutir à un compromis avec trois mesures fortes : verdissement du premier pilier, convergence, bonus d'aide aux jeunes agriculteurs.
La future PAC offre d'importantes marges de manoeuvres aux États membres. Le premier pilier devient adaptable : il sera possible de distribuer des aides couplées jusqu'à 15 % de l'enveloppe nationale ou encore de majorer les droits à paiement de base pour les premiers hectares.
Lors du sommet de l'élevage de Cournon, début octobre, le Président de la République a annoncé les arbitrages dans la mise en oeuvre nationale de la PAC. La France a choisi de privilégier l'élevage et les filières animales. Le maintien des aides couplées au secteur animal, la création de dispositifs pour le lait et l'engraissement, la revalorisation de 15 % de l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), la majoration de prime sur les 52 premiers hectares financée par un prélèvement de 20 % de l'enveloppe du premier pilier, permettront le transfert d'1 milliard d'euros d'aides du végétal vers les productions animales, qui procurent des revenus plus faibles aux exploitants. En avril dernier lors du vote de la résolution sur la PAC, le Sénat avait souhaité favoriser l'élevage. Il a été entendu.
Les choix budgétaires de 2014 s'inscrivent dans un contexte très contraint. Certaines dispositions fiscales favorables aux agriculteurs sont remises en cause et les crédits du ministère connaissent une nouvelle baisse. Pour autant, le budget agricole assure la poursuite des objectifs traditionnels : aide à l'installation des jeunes agriculteurs, soutien à l'investissement dans les filières, haut niveau de sécurité sanitaire ...
La loi de programmation des finances publiques 2013-2015 prévoit une baisse des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». La diminution amorcée dans le précédent projet de loi de finances se poursuit en 2014 : les autorisations d'engagement (AE) sont réduites de 9,2 % soit 300 millions, pour s'établir à 3 milliards d'euros et les crédits de paiements (CP) de 4,5 %, soit 150 millions, pour atteindre 3,31 milliards d'euros.
L'essentiel de l'ajustement budgétaire est concentré sur le programme 154 qui porte les dispositifs d'intervention économique dans le secteur agricole, en réduction de 18 % en AE et de près de 9 % en CP.
La réduction est plus apparente que réelle car elle s'accompagne d'une modification de la clef de financement des différents dispositifs entre crédits nationaux et crédits européens, l'augmentation de ces derniers compensant la baisse des premiers. Si la prime à la vache allaitante sort du budget de l'État, générant une économie de 165 millions d'euros en AE et 99 millions d'euros en CP, elle est remplacée par une aide couplée financée par des crédits européens ; de même, la baisse de 69 millions d'euros de la ligne budgétaire finançant l'ICHN masque une amélioration du niveau de soutien grâce à une augmentation du taux de cofinancement communautaire. Enfin, la diminution des crédits destinés à la dotation jeunes agriculteurs (DJA) ne traduit pas un affaiblissement de la politique de soutien à l'installation car la DJA sera cofinancée à 80 % et non plus à 50 % par le Fonds européen de développement agricole et rural (FEADER) tandis que les droits à paiement de base prévue pour les jeunes agriculteurs dans le cadre du premier pilier de la PAC seront majorés.
Les crédits d'intervention en faveur des filières dans les DOM sont maintenus, de même que les crédits de FranceAgrimer qui s'établissent à un peu moins de 100 millions d'euros, ce qui constitue un minimum incompressible, grâce à un abondement exceptionnel de 10 millions d'euros en provenance des surplus de recettes du CASDAR.
Gérard César évoquera les mesures budgétaires en faveur de la forêt du programme 149, dont les AE progressent de 10,3 % et les CP de 7,3 %. La nouvelle ambition pour la forêt et le bois se traduit par la création d'un fonds stratégique et des crédits en hausse.
Le programme 206 consacré à la sécurité sanitaire s'établit est stable, avec 505 millions d'euros de crédits, contre 511 l'année dernière.
Enfin, le programme 215 qui contient les crédits de personnel du ministère de l'agriculture et de ses services déconcentrés accuse une baisse de moins d'1 % en AE et CP. Une pause est en effet nécessaire dans les restructurations.
La plupart des actions de 2013 sont reprises et financées. L'enseignement agricole connaît une progression de son enveloppe de 1,5 % avec la création de 150 postes dans l'enseignement technique agricole et de 30 postes d'auxiliaires de vie scolaire individuels (AVSi) destinés à aider les élèves handicapés.
Nous discuterons bientôt du projet de loi d'avenir de l'agriculture. Il poursuit l'objectif ambitieux de concilier performance économique et excellence environnementale. Dans cette perspective, le budget 2014 augmente les crédits des mesures agroenvironnementales (MAE) et consacre des sommes considérables aux mesures d'amélioration de la compétitivité des exploitations.
Les crédits des MAE passent de 43 à 57 millions d'euros en CP ; le budget propose également une augmentation d'un million d'euros du Fonds avenir bio en cohérence avec la démarche « produisons autrement » promue par le ministère de l'agriculture.
La compétitivité de l'agriculture française constitue une véritable préoccupation pour l'État. L'effort consenti est conséquent puisqu'il s'élève au total à 1,3 milliards d'euros.
Les crédits compensant auprès de la MSA les exonérations de cotisations sociales pour l'emploi de travailleurs occasionnels représentent 473 millions d'euros, soit presque un tiers du budget total du programme 154. Le coût de cette mesure appelle une évaluation précise de ses effets sur l'emploi dans les secteurs exposés à une forte concurrence, étant observé que l'instauration d'un salaire minimum en Allemagne améliorera sans doute les conditions de concurrence sur les produits agricoles et agroalimentaires en Europe. Parallèlement, le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) devrait bénéficier au secteur agricole et agroalimentaire à hauteur de 800 millions d'euros en 2014.
Le budget 2014 fait du maintien d'un haut niveau de sécurité sanitaire un objectif absolu. La crise de la viande de cheval a révélé la nécessité de renforcer la traçabilité et les contrôles. Ainsi, à périmètre constant, et contrairement à ce qui était prévu par la loi de programmation des finances publiques, le programme n° 206 n'enregistre pas de réduction d'effectifs. En contrepartie, les crédits d'intervention baissent. Il est vrai que le fonds de mutualisation monte en puissance et que les autorités sanitaires font le pari d'une bonne maîtrise des menaces sanitaires. Toutefois, la vigilance est de mise : la tuberculose bovine s'est installée dans plusieurs départements et nous avons été alertés sur le risque de résurgence de la fièvre catarrhale ovine en Corse et dans deux autres départements.
Les moyens des plans sectoriels financés par le programme 206 sont reconduits : 3,2 millions d'euros pour le plan Ecophyto, 1,3 millions d'euros pour le plan de développement durable de l'apiculture et 2 millions d'euros pour le plan Ecoantibio. En matière alimentaire et phytosanitaire, le budget 2014 est comparable au budget 2013.
La situation du secteur agroalimentaire doit nous interpeller. Les industries agroalimentaires emploient 417 000 personnes dans 13 500 entreprises, contribuent à 11 % de la valeur ajoutée de l'industrie en France et génèrent un excédent commercial de plus de 11 milliards d'euros.
Or, cette activité est soumise à rude concurrence, notamment de la part de certains de nos partenaires européens. Les performances de l'industrie agroalimentaire française s'émoussent ce qui menace des pans entiers de l'activité agricole, dont la transformation constitue le débouché naturel.
Cette question revêt une importance particulière dans le secteur de la viande où nous assistons à des défaillances d'entreprises : Gad en production porcine, Doux et Tilly-Sabco en production avicole. Les plans d'avenir des filières porc et volaille d'avril 2013, le contrat de la filière alimentaire signé le 19 juin 2013 ou l'appui technique à l'exportation à travers la plateforme Expadon constituent des initiatives intéressantes. Il convient aussi de soutenir le développement de la recherche appliquée et de l'innovation à travers des dispositifs spécifiques comme les crédits du CASDAR et le crédit impôt recherche (CIR).
Le secteur agroalimentaire est fortement dépendant des transports. Le report de la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds est de ce point de vue une bonne nouvelle. Plus généralement, l'ensemble des décisions fiscales doivent être évaluées à l'aune de leur effet sur l'industrie agroalimentaire, fondamentale au maillage économique de nos territoires.
Pour conclure, je propose à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission : « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et à ceux des crédits du CASDAR.