Je ne reviendrai pas sur les équilibres généraux du budget et le contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi de finances pour 2014.
J'aborderai quatre sujets : la forêt, le rôle du CASDAR, les instruments de couverture contre les aléas climatiques et le soutien à l'investissement dans les exploitations agricoles.
La forêt est incontestablement à l'honneur dans le budget agricole 2014 et cela constitue un sujet de satisfaction. Les crédits du programme 149 augmentent de 10,3 % en AE et de 7,3 % en CP pour s'établir respectivement à 321 et 338 millions d'euros.
Mais il faut tempérer notre enthousiasme : les deux tiers de ces crédits, soit 216 millions d'euros, vont à l'Office national des forêts (ONF) dont la situation reste fragile. L'ONF bénéficie de 104,4 millions d'euros de versement compensateur au titre des forêts publiques gérées, d'une contribution complémentaire de 53,4 millions d'euros, de 22,3 millions d'euros au titre des missions d'intérêt général comme les mesures de lutte contre l'incendie (DFCI) ou encore la restauration des terrains de montagne (RTM) et de 7,5 millions d'euros en provenance d'autres programmes du budget général. Enfin, les communes forestières lui versent 30 millions d'euros au titre des frais de garderie de leurs forêts.
L'engagement de l'État aux côtés de l'ONF ne pourra se poursuivre à ce niveau. Il est indispensable que les ressources propres de l'Office, issues essentiellement de la vente de bois, se redressent durablement.
Une part importante des crédits du programme, soit 44 millions d'euros, finance le nettoyage et la replantation de parcelles suite à la tempête Klaus de 2009. Cette ligne est appelée à se réduire progressivement.
L'innovation majeure de la maquette budgétaire 2014 est la création du fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB), dotés de 25,5 millions d'euros de crédits budgétaires, près de 15 ans après la fin du Fonds forestier national. Cette création a été saluée avec vigueur et espérance par le club Bois et Forêt du Parlement, réuni hier soir. Elle doit porter une politique ambitieuse visant à faire de nos 16 millions d'hectares de forêts un atout économique dans un contexte de croissance de la demande de bois et de sous-exploitation du potentiel forestier français.
L'efficacité d'une telle politique nécessite l'ajustement de quelques mesures du projet de loi de finances. Ainsi, le PLF prévoit de supprimer les 3,7 millions d'euros alloués aux plans pluriannuels régionaux de développement forestier (PPRDF) créés par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 2010 pour les attribuer au FSFB. A l'inverse, il est essentiel que les actions soutenues par le FSFB s'appuient sur les PPRDF dont l'élaboration a demandé beaucoup de travail.
Le FSFB doit bénéficier de ressources supplémentaires à hauteur des besoins que les professionnels de la forêt estiment à environ 150 millions d'euros par an. La création par la loi d'avenir sur l'agriculture d'une taxe de défrichement dont le rendement attendu s'élève à 18 millions d'euros par an sera insuffisante. Il a été envisagé d'affecter au FSFB une fraction de la taxation du contenu carbone des produits énergétiques taxés au titre des taxes intérieures de consommation. Cette piste mérite d'être explorée.
Il n'y aura pas de FSFB ambitieux sans budget substantiel et pas de politique forestière sans moyens. Le projet de loi de finances amorce une dynamique qui doit maintenant se matérialiser.
Le sort du CASDAR constitue un sujet d'étonnement à plusieurs titres. Sa dotation est calculée en fonction des encaissements réels du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des entreprises agricoles. L'an dernier, l'estimation des recettes du CASDAR était excessivement basse. Or, en 2013, le surplus a réintégré le budget général.
Pour 2014, le gouvernement demande au CASDAR d'assurer ses interventions traditionnelles : financement du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) 2014-2020, des instituts techniques agricoles, des chambres d'agriculture, des organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR), des appels à projet agroécologiques.
Mais il prévoit en outre de lui transférer la charge de 10,8 millions d'euros correspondant aux mesures de soutien à l'innovation dans les filières mises en oeuvre par FranceAgrimer, étant observé que le projet de loi de finances pour 2011 lui avait déjà transféré la prise en charge des dépenses de génétique animale et d'amélioration variétale, à hauteur de 10 millions d'euros.
Il convient de ne pas multiplier les missions nouvelles à financer sur les crédits du CASDAR, faute de quoi les programmes de recherche pourraient en pâtir.
J'en viens aux instruments de couverture du risque aléa climatique. La couverture assurantielle a progressé dans les grandes cultures, où elle atteint désormais 40 %, et en viticulture mais elle n'est pas généralisée. Les cultures fruitières et le maraîchage restent à l'écart du mouvement. L'État a réduit son soutien à l'assurance-récolte, passé de 25 millions d'euros en 2013 à 19 millions d'euros en 2014. Les professionnels craignent son désengagement et une baisse de la prise en charge des primes d'assurance souscrites par les agriculteurs sous le seuil de 65 %. J'appelle à la plus grande vigilance sur cette question car il ne serait pas acceptable que la dynamique d'assurance soit cassée dans des secteurs où le fonds de calamités agricoles ne peut plus intervenir.
Le dispositif de la déduction pour aléa (DPA) représente une dépense fiscale modeste, de l'ordre de 7 millions d'euros par an. La DPA peut constituer un véritable outil d'assurance individuelle de premier niveau à condition d'être plus attractive. Une modification du taux d'actualisation des sommes placées en cas de réintégration pour non utilisation ainsi que le plafond du dispositif méritent d'être revus. Renée Nicoux et moi-même proposons un amendement en ce sens.
Le chantier de la gestion des risques est en tout état de cause loin d'être clos. Les compagnies d'assurance souhaitent une garantie de l'État pour la réassurance. Bercy s'y est opposé. C'est un sujet important qu'il nous faudra examiner.
J'aborde enfin le sujet des aides à la modernisation des exploitations agricoles. Alors que l'innovation et l'investissement sont fondamentaux pour atteindre l'excellence environnementale et économique, le budget pour 2014 est peu ambitieux.
Après avoir subi une baisse d'un quart entre 2012 et 2013, les enveloppes dédiées à la modernisation des exploitations (plan de modernisation des bâtiments d'élevage, plan de performance énergétique et plan végétal pour l'environnement, plan spécifique à la Corse et aux DOM) diminuent encore pour s'établir à 30,2 millions d'euros. Cette diminution ne sera pas totalement couverte par l'augmentation du taux de cofinancement communautaire.
De même, l'enveloppe des prêts bonifiés aux coopératives d'utilisation de matériel agricole en commun est réduite de 3 % à 2,5 millions d'euros, soit un niveau très inférieur aux besoins estimés. Cette situation est d'autant plus regrettable que l'investissement en commun est vertueux du point de vue économique et favorise l'installation est jeunes agriculteurs.
Le Président de la République a annoncé à Cournon la création d'un fonds d'investissement et de modernisation doté de 200 millions d'euros destiné à l'élevage. L'État y mettra-t-il des crédits supplémentaires ou les crédits du PMBE y seront-ils dédiés ?
L'enveloppe du deuxième pilier de la PAC est fortement mise à contribution par des taux de cofinancement plus importants sur l'ICHN ou encore sur la DJA. Disposera-t-on encore de crédits pour financer un plan de modernisation des exploitations ?
Le budget 2014 ne change pas fondamentalement la donne : les agriculteurs devront d'abord et avant tout compter sur eux-mêmes pour moderniser leur outil de production.
À titre personnel, je ne voterais par les crédits de la mission : « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », mais en tant que rapporteur, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».