Intervention de Roland Courteau

Commission des affaires économiques — Réunion du 27 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Mission « écologie développement et mobilité durables » crédits « énergie » - examen du rapport pour avis

Photo de Roland CourteauRoland Courteau, rapporteur :

Au sein de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », le programme 174 regroupe les crédits dédiés à l'énergie. La même mission comporte cette année trois nouveaux programmes budgétaires, consacrés à la mise en oeuvre du nouveau Programme d'investissements d'avenir (PIA2) engagé en juillet dernier par le Gouvernement. Ces trois programmes sont liés aux politiques de l'énergie puisqu'ils concernent l'innovation pour la transition écologique et énergétique, les projets industriels pour cette même transition et enfin la ville et le territoire durables.

Si on ajoute le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités territoriales pour l'électrification rurale », créé l'an dernier en remplacement de l'ancien FACÉ et dont les moyens sont maintenus à hauteur de 377 millions d'euros, on voit que l'architecture budgétaire des crédits liés à l'énergie s'est complexifiée.

S'agissant du programme 174 qui constitue le coeur de la saisine de notre commission, je soulignerai, ce qui n'est pas négligeable en ces temps où tant de budgets sont à la baisse, le maintien de ses ambitions. Les chiffres bruts affichent certes une baisse de 13,1 %, mais c'est en raison de la diminution structurelle des sommes nécessaires pour financer les prestations versées aux anciens mineurs. De plus, les crédits avaient été abondés de manière exceptionnelle, l'an dernier, parce que la trésorerie de l'Agence de services et de paiement avait été mise en difficulté par un déficit du « bonus écologique » attribué aux acquéreurs d'automobiles émettant peu de gaz à effet de serre.

Outre la gestion des droits des anciens mineurs, une autre action importante de ce programme est l'action « Lutte contre le changement climatique », dotée de 35 millions d'euros, qui finance surtout la politique d'amélioration de la qualité de l'air dont les moyens sont stabilisés. Le Gouvernement a mis en oeuvre, au mois de février dernier, un plan d'urgence pour la qualité de l'air. Il est essentiel de poursuivre l'effort car une étude européenne a estimé en 2005 que les particules PM10 seraient responsables de la mort de 42 000 personnes par an en France. Notre pays est menacé de sanctions au niveau européen concernant le non-respect des valeurs limites de ces particules ainsi que pour la concentration en dioxyde d'azote.

Enfin, ce programme contient aussi une action intitulée « Politique de l'énergie » dotée de 6,2 millions d'euros, dont les deux tiers consistent en une subvention à l'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (ANDRA) pour la réalisation de l'inventaire triennal des déchets radioactifs.

D'une manière générale, ce budget est donc un budget d'attente en attendant la future loi sur la transition énergétique, qui devra fixer des objectifs de long terme pour la production, mais aussi pour la consommation d'énergie, afin de favoriser la sobriété énergétique, de limiter les émissions de gaz à effet de serre et d'accroître l'autonomie énergétique au niveau national et local.

Le présent projet de loi de finances comporte déjà des mesures fortes.

La première est l'un des articles phares de ce budget : la contribution climat-énergie qui introduit une composante « carbone » dans la fiscalité des produits énergétiques.

Il ne s'agit pas d'une taxe nouvelle, mais d'un accroissement des taxes intérieures de consommation qui touchent différents produits énergétiques. Cet accroissement est proportionné à l'effet de ces produits sur l'effet de serre, en prenant comme base un prix de la tonne de carbone de 7 euros en 2014, 14,5 euros en 2015 et 22 euros en 2016.

Le produit de cette contribution pourrait être de 2,41 milliards d'euros en 2015 et 4,05 milliards en 2016. Il faut mettre en face de ce produit le financement du crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE) ainsi que les différentes mesures présentées dans ce budget à destination des ménages : par exemple l'application du taux réduit de réduit de TVA aux travaux de rénovation énergétique des logements.

Le projet de loi de finances réforme également la fiscalité des biocarburants, comme l'avait annoncé le Premier ministre à la conférence environnementale : la défiscalisation de taxe intérieure de consommation (TIC) dont bénéficient les biocarburants est supprimée, tandis qu'est pérennisée la réduction de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) qui concerne l'incorporation dans les carburants de biocarburants.

Dans le même temps, le barème du bonus et du malus applicables aux automobiles à raison de leurs émissions de CO2 est révisé afin de rétablir l'équilibre de ce mécanisme, qui paraît bien difficile à trouver d'une année à l'autre.

Le projet de loi de finances pour 2014 réforme également - une fois de plus - les deux principaux mécanismes fiscaux consacrés à la rénovation thermique des logements.

D'une part le crédit d'impôt développement durable ou CIDD se voit recentré sur les « bouquets de travaux ». Le resserrement du dispositif, entamé depuis plusieurs années, se confirme.

Le nouveau CIDD a le mérite de la simplicité. Les dix taux actuels sont remplacés par deux taux différents : 15 % si la dépense est réalisée pour une action seule ou 25 % si elle fait partie d'un « bouquet » de travaux, le taux de 15 % étant réservé aux ménages modestes De plus, l'installation de moyens de production électrique qui bénéficient d'autres dispositifs de soutien, tels que les équipements de production d'énergie solaire, ne donneront plus accès au CIDD.

Il faut espérer que cette simplification permettra au CIDD de trouver une stabilité qui lui a manqué par le passé : les professionnels ne peuvent se lancer dans une activité sans une visibilité à l'horizon de plusieurs années. Un dispositif fiscal qui change en permanence n'est plus compris par les particuliers et perd son caractère incitatif.

S'agissant de l'éco-prêt à taux zéro, l'entreprise qui réalise les travaux devra justifier de qualifications particulières. C'est une bonne mesure qui garantira la qualité et l'efficacité des travaux.

Ces dispositions doivent s'apprécier dans le contexte de la nouvelle politique de soutien à la rénovation thermique des logements.

Le Gouvernement a enclenché un plan de rénovation énergétique ambitieux dont l'objectif est de rénover 500 000 logements par an d'ici à 2017. Un service public de proximité au service de la rénovation thermique est mis en place et un décret du 17 septembre dernier a défini une prime exceptionnelle de 1 350 euros, afin de permettre à des ménages sous conditions de ressources de réaliser des rénovations lourdes.

De même, l'article 7 ter du projet de loi de finance, introduit par les députés, prévoit la perception de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au taux réduit, pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans. La dépense fiscale est estimée à 500 millions d'euros par an.

Rappelons également que, suite à la loi du 15 avril 2013 et au récent décret du 15 novembre, l'extension du bénéfice des tarifs sociaux à 4 millions de ménages fragiles devient une réalité, ainsi que l'interdiction de la coupure de la fourniture d'énergie.

À cet égard je voudrais plaider pour la proposition de « chèque énergie », car les tarifs sociaux comportent des biais. En particulier ils ne visent pas les personnes qui se chauffent au fioul, parmi lesquelles on trouve bien des ménages fragiles qui n'ont pas accès à d'autres moyens de chauffage.

Enfin, j'ai souhaité aborder dans mon rapport certains points qui seront, à n'en pas douter, centraux dans le prochain projet de loi sur la transition énergétique.

Une incertitude concerne l'avenir des mécanismes actuels de soutien aux énergies renouvelables et tout particulièrement des tarifs d'achat de l'électricité renouvelable, même si le ministre a exclu leur disparition immédiate.

Le mécanisme d'obligation d'achat a permis le lancement de filières telles que l'éolien ou le photovoltaïque, grâce à sa simplicité : le tarif étant garanti sur une période de 15 ou 20 ans, il est facile de calculer la rentabilité du projet, même pour une petite installation.

Les appels d'offres permettent certes de mieux maîtriser les volumes produits et d'éviter les dérives qu'ont parfois connues des tarifs d'achat mal maîtrisés ; mais on peut se demander s'ils seront suffisants pour atteindre les objectifs. Le premier semestre 2013 a connu une baisse de 73 % des installations photovoltaïques par rapport au premier semestre 2012.

Dans le domaine de la production de chaleur, le fonds chaleur géré par l'Ademe présente de nombreuses qualités : le récent rapport de la Cour des comptes sur les énergies renouvelables fait état de l'efficacité de cet outil, qui permet d'accroître la production d'énergie au moyen de sources renouvelables avec un coût public très limité. Le fonds chaleur est préservé cette année avec des crédits de 220 millions d'euros, mais ce n'est pas suffisant : il faudrait le doubler pour se rapprocher des objectifs du Grenelle de l'environnement.

Je voudrais conclure sur les technologies et enjeux d'avenir.

En premier lieu, nous voyons apparaître une nouvelle filière, les énergies marines, pour laquelle la France est bien placée à un double titre : elle dispose naturellement de côtes propices, notamment pour la production d'énergie hydrolienne. Et sur le plan industriel, nous avons de grandes entreprises capables de produire des turbines et de donner à notre pays un avantage compétitif sur un secteur qui présentera des opportunités à l'export. Un premier appel d'offres a été lancé le 1er octobre dernier dans le cadre des « investissements d'avenir ».

La production d'énergie renouvelable devra également, à long terme, s'appuyer sur une capacité de stockage de l'énergie. Il faut soutenir la recherche et développement et la mise en place d'outils de démonstration afin d'identifier les technologies d'avenir : stations de pompage, hydrogène, batteries.

Enfin, je voudrais attirer votre attention sur la question de l'autoconsommation de l'électricité : il y a quelques années encore, seul un militant des énergies renouvelables pouvait avoir envie de consommer lui-même l'électricité qu'il produisait, car il est plus rentable de la vendre au tarif d'achat. Les choses vont changer avec la baisse du prix des équipements et la hausse du prix de l'électricité : certains projets, par exemple des toitures photovoltaïques sur des centres commerciaux, seront rentables en consommant sur place l'électricité produite.

Les défis sont considérables : le marché de l'électricité risque d'en être transformé, et avec lui non seulement les fournisseurs d'électricité, mais aussi et surtout les opérateurs de réseau : en effet, les auto-consommateurs ne seront que partiellement soumis à la taxe qui finance les travaux sur le réseau alors qu'ils continueront à l'utiliser de temps en temps. Il faudra donc, dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, réfléchir à un modèle juridique et économique de l'auto-consommation.

Je vous propose en conclusion de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », concernant le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ».

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