Je voudrais présenter tout d'abord de manière globale la participation du ministère de la Défense à la politique interministérielle en matière de parité d'égalité entre femmes et hommes. Comme vous l'avez rappelé, depuis l'été 2012 nous avons mis en place une feuille de route qui a été approuvée lors du premier comité interministériel des droits des femmes de novembre 2012, et qui permet à la Défense de gérer un plan d'action pour la période 2013-2017 susceptible de promouvoir l'égalité professionnelle entre femmes et hommes. L'une des directions de ce plan d'action est effectivement l'application de la résolution 1325.
Quelle est donc la place des femmes au ministère de la Défense ? L'armée française est l'une des plus féminisées du monde occidental ; la place des femmes y a connu une progression constante depuis une douzaine d'années. Les effectifs militaires féminins ont ainsi quasiment doublé, ce qui est dû à la levée progressive des restrictions tant en emploi qu'en recrutement, ce qui a permis à de nombreuses femmes d'accéder à des responsabilités. Je rappelle qu'aujourd'hui subsistent seulement des restrictions à l'emploi : les brigades mobiles de gendarmerie et les sous-marins, essentiellement du fait des conditions de vie à bord. Le doublement de la part des femmes militaires est également lié à la forte progression des recrutements consécutifs à la décision de professionnaliser les armées. Il était attendu de l'apport des candidatures féminines le maintien de la qualité des recrutements nécessaire à la réussite de la professionnalisation. Deux aspects de l'augmentation de la part des femmes dans les armées sont la progression des recrutements d'officiers et la participation notable des femmes aux opérations extérieures. La proportion de femmes y est légèrement supérieure à 6 % pour l'année 2012. Ce taux varie bien sûr en fonction du type d'engagement - terrestre ou non - et le service d'appartenance : le service de santé des armées connaît le taux de féminisation le plus important en opérations extérieures (OPEX) ; c'est également le plus féminisé du ministère.
La place des femmes a donc largement progressé, mais des marges de manoeuvre subsistent dans de nombreux domaines. On a ainsi constaté un léger tassement de la féminisation des armées depuis trois ans. Ce tassement se situe autour de 15 %. Il s'explique par une certaine réduction des recrutements, davantage ciblés désormais sur le « coeur de métier » où l'engagement physique peut être très important, ce qui se traduit par une moindre ouverture aux candidatures féminines ; inversement les recrutements sont plus limités en ce qui concerne les soutiens, et notamment l'administration générale, où la place des femmes était traditionnellement importante.
On remarque également une érosion sensible des effectifs féminins au niveau supérieur et en particulier parmi les officiers. Les femmes officiers quittent l'institution plus tôt que leurs collègues hommes : cet âge se situe à 12 ans d'ancienneté, contre 24 environ pour les hommes. Nous avons donc des efforts à faire pour rentabiliser l'investissement que représente la formation initiale de ces femmes officiers et pour conserver leurs compétences.
Il faut aussi mentionner une évolution lente des mentalités et le maintien des stéréotypes, comme d'ailleurs dans toute la société : la défense n'échappe pas au modèle général.
Ces différents « clignotants » nous incitent donc à mettre en place une politique ambitieuse pour promouvoir la place des femmes dans la Défense.
Cette politique s'est traduite par la feuille de route 2013-2017 présentée lors du premier comité interministériel et qui doit être actualisée lors du deuxième comité.
Cette feuille de route comporte plusieurs axes, déclinés eux-mêmes en sous actions. Le premier axe est la politique RH, qui se veut ambitieuse.
Je mentionnerai tout d'abord la formation, initiale ou continue. Nous introduisons des modules de sensibilisation aux enjeux de la parité et de l'égalité entre les femmes et les hommes dans les grandes écoles militaires et dans les lycées militaires. Nous avons également prévu la formation de « legal advisors » pour la gestion des populations les plus vulnérables (enfants, femmes) lors des conflits, ainsi qu'une sensibilisation plus générale à ce que nous appelons les altérités dans la formation de « management responsable ».
Un autre volet de cette politique RH est le renforcement de l'encadrement féminin, que nous voulons rendre plus visible pour valoriser les postes ouverts aux personnels féminins, tant militaires que civils, et pour permettre d'irradier dans l'ensemble de l'institution ces idéaux de parité et d'égalité. Actuellement, nous ne comptons que 18 femmes seulement parmi les officiers généraux. Cet effectif, constant depuis quelques années, comprend la Direction générale de l'armement (DGA) qui en représente à elle seule près de la moitié. En ce qui concerne l'encadrement féminin civil, on ne compte au ministère de la Défense qu'une seule directrice de l'administration centrale. L'objectif est donc la constitution d'un vivier pour le recrutement de femmes investies de hautes responsabilités. Il faut préciser que l'ouverture des grandes écoles militaires est encore récente : 1976 pour l'Ecole de l'air de Salon de Provence, 1983 pour Saint-Cyr. Cela peut expliquer que nous ayons encore du mal à constituer ces viviers.
Notre politique RH passe également par des actions classiques destinées à permettre au personnel de mieux concilier les impératifs de la vie familiale et ceux de la vie professionnelle. Ces actions passent par l'établissement d'une « charte du temps », où d'ailleurs tant les hommes que les femmes ont à gagner. Nous essayons ainsi, par exemple, d'éviter les horaires atypiques. Nous nous attachons aussi à développer un certain nombre d'actions en faveur de la garde d'enfants.
La mise en oeuvre de cette feuille de route passe aussi par une meilleure connaissance de la situation des femmes au ministère de la Défense. À cet égard, nous souhaitons approfondir dans tous les domaines de la gestion et de nos missions la production de statistiques sexuées pour connaître exactement la place des femmes. Nous allons établir un rapport de situation comparée annexé au bilan social annuel, dès le bilan social 2014. Nous allons également instaurer un Observatoire de la parité à la Défense, dont la première session sera présidée par le ministre de la Défense lui-même, le 18 décembre 2013. Cet observatoire aura compétence tant pour les militaires que pour les civils ; il aura vocation à travailler sur des questions précises avec les armées sur un agenda annuel. Il permettra au ministre de disposer de nouvelles propositions d'action et d'avoir une visibilité parfaite sur le suivi de la feuille de route : objectif atteint et retards constatés. En vue de la première session de cet observatoire, nous avons proposé une réflexion sur l'accès des femmes aux formations militaires (École de guerre et diplôme d'état-major) indispensables pour accéder aux cursus de haut niveau. Cette réflexion pourrait conduire à des résultats favorables aux hommes comme aux femmes ; elle implique de s'interroger sur des formules comme le développement du « e-learning », la délocalisation de certains enseignements ou des prérequis plus solides, mesures susceptibles de contribuer à limiter la durée des formations, donc le célibat géographique et le double logement, qui sont la conséquence de formations longues et éloignées du domicile des intéressés. Nous souhaitons également féminiser l'encadrement dans les écoles pour rendre davantage visible la place des femmes dans la Défense.
Il est également important de réfléchir aux critères d'aptitude physique qui sont certes déterminants pour l'exercice du métier de soldat, mais il semble que ces critères doivent tenir compte à la fois de la gestion du risque, du maintien des personnels en condition physique et des caractéristiques des missions qui leur sont confiées et des postes occupés. L'évolution de ces critères, bien évidemment, ne doit pas conduire à mettre en péril les militaires et leur environnement immédiat ; l'objectif serait de permettre aux femmes de mieux participer pendant toute leur carrière aux missions de la Défense.
Le deuxième volet de cette meilleure connaissance de la situation des femmes de la Défense à laquelle nous aspirons suppose une meilleure communication sur la place des femmes dans les armées notamment dans des fonctions opérationnelles. Le rôle des femmes dans les armées ne se limite pas à préparer le café du colonel ! Les femmes ont conscience de leur engagement au service de la nation ; elles savent que cet engagement peut les conduire au sacrifice suprême. Elles sont prêtes à affronter les mêmes risques que leurs collègues masculins, et assume toutes les responsabilités que cela implique.
J'en viens au troisième volet : la place des femmes dans les politiques publiques auxquelles participe le ministère de la Défense, parmi lesquelles le lien Armée-Nation. Dans ce domaine, l'une de nos propositions concerne l'utilisation de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) pour promouvoir l'égalité entre femmes et hommes. La JDC est en effet un lieu unique qui permet de toucher plus de 93 % d'une classe d'âge : dès janvier mai 2013, nous avons donc introduit un module particulier sur le thème de l'égalité entre hommes et femmes dans le cadre de la JDC. Une réflexion sur un approfondissement de ce module est actuellement en cours, en lien avec le ministère aux droits des femmes, dans le cadre de la rénovation de la JDC prévue par le Livre blanc sur la Défense. La JDC participe également très activement à la journée du 8 mars : au cours de ces journées exceptionnelles, des témoignages de femmes, non seulement des militaires mais aussi des femmes de la société civile, sont proposés aux jeunes.
Notre seconde proposition concernant le lien Armée-Nation vise à rendre plus visibles les anciennes combattantes ; je veux parler des femmes qui ont participé à des opérations récentes. J'ai pu constater qu'elles sont moins nombreuses en proportion que les hommes à demander les titres et cartes auxquels elles ont droit du fait de leur participation à des opérations extérieures. Il faut qu'elles soient encouragées à faire valoir ces droits : il est important qu'elles puissent bénéficier de cette reconnaissance et qu'on leur rende hommage comme à leurs camarades masculins.
Le dernier axe de notre feuille de route est la participation de la Défense au plan de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. Dans les conflits, cela passe par l'application de la résolution 1325. Cette participation implique aussi en interne que soient répertoriées dans la plus grande transparence les éventuelles conduites déplacées ou répréhensibles à l'égard des femmes et que soient mises en oeuvre des mesures de prévention, notamment, par exemple, en intégrant à ce que nous appelons le « guide du code du soldat » une sensibilisation à l'égalité entre hommes et femmes et au respect des femmes. Une autre dimension, également nécessaire, est de disposer d'un tableau de bord des faits qui ont pu être commis en opérations extérieures comme en unités : il faut connaître les cas éventuels de harcèlement ou de conduites déplacées pour prendre les mesures adaptées contre ces faits, quels qu'en soient l'auteur et la victime - civils ou militaires.