Intervention de Françoise Gaudin

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 28 novembre 2013 : 1ère réunion
Violences à l'égard des femmes dans les zones de conflit — Audition de Mme Françoise Gaudin haut fonctionnaire à l'égalité au ministère de la défense et du lcl pierre duchesne de l'état-major des armées

Françoise Gaudin, haut fonctionnaire à l'égalité au ministère de la Défense :

Sur la situation des jeunes filles dans les écoles militaires, le témoignage du lieutenant-colonel Duchesne sera précieux car il a fait sa scolarité à Saint-Cyr dans la première promotion intégrant des jeunes femmes. Nous devons être vigilants au respect de la place qui leur est faite dans les instituts de formation militaire. Certaines traditions, notamment à Saint-Cyr Coëtquidan et au Prytanée, ne facilitent pas toujours l'intégration des jeunes femmes. Dans les préparations militaires, elles sont appelées « les grosses » et doivent s'endurcir. Les classes de Corniche d'ailleurs ne sont pas mixtes. J'ai mené une inspection commune avec le Contrôle général des armées récemment pour évaluer la situation dans ce domaine. Cette question a été traitée par une directive du ministre de la Défense d'août 2013 qui rappelle l'importance des traditions pour nos armées, dont elles constituent un élément de grandeur et un « ciment », tout en précisant que ces traditions ne doivent pas cautionner des attitudes sexistes. Dans cet esprit, nous souhaitons renforcer nos modules de sensibilisation à l'égalité entre hommes et femmes existant dans les écoles. Il faut que les garçons, qui occuperont des postes d'encadrement supérieur de la Défense, acceptent la concurrence des filles, qui d'ailleurs réussissent bien. Il faut qu'ils acceptent cette juste compétition et que les compétences des filles constituent une plus-value pour tous.

En réponse à M. Courteau sur la sanction et la prévention des violences, je dirai que toutes les infractions commises par des militaires ou des civils sont traitées selon les lois de la République. La « loi du silence » ne s'applique pas chez nous, même si d'aucuns le pensent, et ces faits sont traités par les tribunaux. Nous avons souhaité que la mise en place d'indicateurs dans le cadre de l'Observatoire de la Défense permettent une véritable remontée de ces incidents via les chefs de corps ou les services sociaux, que ces faits soient commis dans des unités ou lors d'opérations. La plus grande transparence doit être la règle. Il me semble que les excès que l'on a pu constater du fait de l'armée américaine ne sont pas à craindre dans l'armée française.

LCL Pierre Duchesne de l'Etat-major des Armées. - J'ai fait partie de la première promotion de Saint-Cyr à accueillir des jeunes femmes, les deux premières saint-cyriennes de l'histoire. Les choses se passaient bien au début, mais la parution d'une interview dans la presse locale, présentant leurs camarades masculins sous un jour peu valorisant, a généré des réactions opposées. L'attitude envers les filles est variable dans ces écoles et dans les classes préparatoires, comme dans tout milieu fermé. Il y a des « traditions » plus marquées au Prytanée militaire, mais il faut éviter de généraliser des comportements excessifs.

Pour améliorer cette situation, la féminisation de l'encadrement des écoles fait justement partie de notre plan d'action.

LCL Pierre Duchesne de l'Etat-major des Armées. - Toute attitude déplacée d'un militaire français est proscrite par le règlement militaire et dûment sanctionnée. Il y a un précédent d'officier supérieur sanctionné pour avoir eu une attitude déplacée en opérations extérieures. Au sein de l'armée de Terre, il existe des conseillers mixité chargé de recueillir ces faits.

S'agissant de la question relative à l'Afrique, il est clair que le fait religieux y est moins prégnant qu'en Afghanistan. Je peux citer l'exemple de la force déployée au Tchad et en République Centrafricaine en 2008. On comptait 80 000 réfugiés et personnes déplacées dans les camps de l'ONU de cette zone, dont de nombreuses femmes. On a constaté des exactions au sein des camps de réfugiés. Le bataillon français a établi un rideau le long de la frontière entre ces réfugiés et les milices, ce qui a permis en quelques semaines aux gens de rentrer chez eux ; elle a mis en place des patrouilles à l'intérieur des camps, en coopération avec le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) pour lutter contre ces violences dont les réfugiés étaient victimes. On peut donc dire que la présence de cette force a fait reculer les exactions commises contre ces réfugiés. Ce constat est particulièrement vrai en Afrique. L'adaptation de l'heure de passage de la patrouille dont je parlais tout à l'heure a eu une incidence certaine pour faire régresser la violence dans cette zone.

J'ai également eu connaissance du témoignage récent d'une victime bosniaque qui, réfugiée dans un camp, avait subi des viols de la part de militaires bosniaques, puis avait été sauvée précisément par un autre militaire bosniaque. Aussi ne faut-il pas généraliser les comportements répréhensibles commis par certains membres des forces gouvernementales.

Pour en revenir à la question des « zones d'ombre juridique », il faut distinguer ce que l'on peut faire et ne pas faire. Il y a des règles d'engagement très strictes qui s'imposent aux militaires en opérations extérieures. Les décideurs sont parfois très éloignés du lieu de l'engagement, ce qui peut être source de frustration pour les forces présentes sur le terrain en termes de réactivité. Mais dans le même temps, cet éloignement du commandement est une garantie que les forces agissent dans un cadre légal, ce qui est très important. Les militaires ne peuvent pas se transformer en force de police. La question est : que peut-on faire avec nos moyens, dans le cadre de nos mandats ? L'adaptation de l'horaire des patrouilles est un exemple précis et concret de ce que nous pouvons faire. Dans le même esprit, il y a la protection des « safe houses », en lien avec les ONG : il n'est pas question de contourner la loi mais de faire ce que l'on sait faire pour être efficace.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion