Intervention de Jacques Mézard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 4 décembre 2013 : 1ère réunion
Sociétés d'économie mixte contrat — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard, rapporteur :

La proposition de loi de nos collègues Jean-Léonce Dupont et Hervé Marseille tend à créer des sociétés d'économie mixte contrat. Notre commission a souhaité joindre à cette proposition de loi deux autres propositions de loi identiques, déposés par MM. Antoine Lefèvre et Daniel Raoul.

Dans une période de raréfaction de la ressource budgétaire, les élus locaux cherchent à optimiser le fonctionnement des services publics locaux, en se réappropriant leur gouvernance tout en tirant bénéfice du savoir-faire du secteur privé.

Les entreprises recherchent quant à elles de nouveaux modes de coopération avec les collectivités territoriales et leurs groupements. Les contrats de partenariat tels que les partenariats public-privé (PPP) ont montré leurs limites. De même, les délégations de service public ou l'affermage ne répondent plus aux attentes des personnes publiques.

Enfin, dans plusieurs pays européens se développe une nouvelle forme d'entité mixte, composée d'une personne publique et d'au moins une personne privée, chargée d'exécuter, par contrat, une opération unique. La principale caractéristique réside dans l'organisation d'une seule procédure de mise en concurrence, non pas au moment de l'attribution du contrat, mais lors du choix de la personne privée.

Cette innovation doit toutefois respecter les exigences communautaires en matière d'égalité de traitement, de transparence et de publicité des procédures. Dans une communication interprétative du 5 février 2008, la Commission européenne estime que la mise en concurrence doit avoir lieu une fois, soit au moment du choix de l'entreprise, soit au moment de l'attribution du contrat. Et dans sa décision Acoset du 15 octobre 2009, la Cour de justice des communautés européennes a indiqué qu'une double procédure de sélection serait de nature à décourager les entités privées et les autorités publiques de constituer de tels partenariats. Une limite a cependant été posée par la Cour : la société à capital mixte ne doit avoir d'autre objet, pendant toute la durée du contrat, que la réalisation de l'opération. Toute modification substantielle du contrat entraînerait une obligation de remise en concurrence. Ainsi, une concurrence efficace et une étroite coopération organique entre personnes publiques et de secteur privé ne sont pas exclusives l'une de l'autre et s'adaptent parfaitement aux principes de droit communautaire.

L'avis du Conseil d'État, datant du 1er décembre 2009, est plus circonspect. Le Conseil estime que le droit en vigueur ne permet pas, sans modification législative, la constitution d'un tel partenariat au stade de la passation du contrat. La règle de l'identité entre le candidat et le titulaire du contrat à l'issue de la mise en concurrence s'y oppose. La solution retenue par la Commission - la simultanéité - n'apparaît pas possible selon le Conseil d'État. L'identité entre candidat et attributaire du contrat est pour lui une condition indispensable de l'impartialité de la sélection. Il semble ainsi conférer à ce principe une valeur de niveau quasi-constitutionnel.

Les trois propositions de loi tendent à la mise en place d'une nouvelle entité mixte, la SEM contrat, qui complèterait la panoplie des outils à disposition des collectivités territoriales, s'ajoutant aux SEM locales classiques et aux sociétés publiques locales (SPL).

Cette nouvelle entité serait mixte - une personne publique et au moins une personne privée - et prendrait la forme d'une société anonyme, tout en étant constituée, en dérogation au droit commun, par au moins deux actionnaires. La personne publique disposerait entre 34 % et 85 % du capital, la personne privée entre 15 % et 66 %. Si la personne publique n'est pas l'actionnaire majoritaire, elle détiendrait néanmoins une minorité de blocage ainsi que la présidence des organes dirigeants.

De plus, la SEM ayant un objet unique portant sur la réalisation d'une opération de service public, de construction ou d'aménagement, elle serait dissoute au terme de l'exécution du contrat, sauf en cas de transformation en SEM locale, en SPL ou en société anonyme de droit commun. La personne privée, dite « actionnaire opérateur », serait choisie par un appel public à manifestation d'intérêt. La procédure respecterait les principes traditionnels en matière de marchés publics et de passation des marchés : liberté d'accès, égalité de traitement des candidats, transparence des procédures. La personne publique choisirait l'offre économiquement la plus avantageuse, après vérification de la capacité technique, opérationnelle, financière du candidat pour réaliser l'opération. En cas de procédure infructueuse, la personne publique pourrait recourir à une procédure négociée assortie d'un avis de publicité.

Les amendements que je vous proposerai viseront à clarifier et à sécuriser le dispositif proposé. Dénommer cette nouvelle entité juridique SEM à opération unique mettrait en exergue sa caractéristique principale. Les différentes étapes de la constitution de la SEM à opération unique et de la conclusion du contrat méritent en outre d'être précisées et clarifiées.

Le point de départ doit clairement être une délibération de la personne publique pour déterminer les besoins et définir les principales caractéristiques de la future société. L'étape suivante serait la sélection de l'actionnaire opérateur. Alors pourrait être créée la SEM à opération unique, qui conclurait avec la personne publique le contrat à l'origine de la démarche.

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