Intervention de Monsieur Grosdidier

Commission des affaires économiques — Réunion du 3 décembre 2013 : 1ère réunion
Politique industrielle — Audition de M. Arnaud Montebourg ministre du redressement productif

Monsieur Grosdidier :

nous avons répondu à 44 % des questions qui nous ont été posées. A ce jour, 97 questions sont en attente pour le Sénat. Mais 3 000 lettres nous parviennent chaque jour et mon cabinet ne compte que dix-huit membres : augmentez mon budget !

Pour comprendre les causes du refus du plan de reprise présenté par M. Bernard Serin, demandez au Premier ministre : c'est lui qui a pris cet arbitrage.

Une mission va être confiée à M. Mudry, ancien patron de la recherche à ArcelorMittal, pour définir l'articulation entre le centre de recherche de Mittal à Maizières-lès-Metz et le centre prévu par le président de République. Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter.

La fermeture du vapocraqueur de Carling a été annoncée pour 2015. Le Gouvernement a négocié des garanties sur l'avenir de cette plateforme. Total a pris l'engagement de créer un nouveau centre européen, sur le marché des résines d'hydrocarbures. L'activité polymères va être renforcée grâce à un investissement de 160 millions d'euros, créant 110 emplois. Cela ne compensera pas toutes les pertes d'emplois, mais il faut savoir qu'une partie d'entre elles sont dues à ce que l'entreprise nomme « l'attrition naturelle » - ce que l'on appelle aussi, plus communément, les départs en retraite.

Le dossier Linky est géré par le ministre de l'Énergie. L'actuel est le troisième depuis le début du Gouvernement : les politiques peuvent évoluer et je vous invite, Madame Schurch, à l'interroger directement. Linky est un programme important pour le made in France et il n'y a aucune raison de favoriser la commande publique auprès d'entreprises étrangères.

La formation est un dossier difficile, et mon collègue M. Sapin s'y est attelé. Une discussion est en cours avec les partenaires sociaux et ses résultats seront rendus publics le 12 décembre : espérons qu'ils ne nous décevront pas ! Ce processus devrait aboutir à une loi en février visant à mieux orienter la formation vers les chômeurs et les personnes en transition professionnelle.

La question du salaire des travailleurs détachés est fondamentale. La directive Détachement date de 1996 - une époque où l'Union ne comptait encore que quinze membres - et elle n'a pas été adaptée depuis. En réalité, ce n'est pas la directive qui pose problème, mais les abus dans son application au plan national. M. Sapin, auquel je rends hommage, mène un gros travail pour obtenir des contreparties de nos partenaires européens en matière de mesures de contrôle.

Nous entrons tous les jours, à titre minoritaire, dans le capital des entreprises, et ce dans de nombreux secteurs. Ceci ne relève pas seulement de l'Agence des participations de l'État (APE), mais aussi de Bpifrance et de FSI Régions.

Toutes les solutions touchant aux chantiers navals sont envisagées, en liaison avec nos intérêts stratégiques nationaux. Lors de son voyage en France, j'ai interrogé Mme Park Geun-hye, présidente de la Corée du sud, au sujet des choix de STX, consortium détenu par des banques publiques coréennes. STX n'a pas encore pris la décision de se défaire des chantiers navals, mais considère qu'ils sont une très bonne entreprise, qui a des commandes et du savoir-faire. Nous travaillons sur d'éventuelles solutions de remplacement : la représentation nationale y sera associée.

Le ministère de l'Agriculture est mieux placé pour vous répondre, Monsieur Labbé, sur les programmes liés à l'agriculture biologique. Le fait est que notre filière agro-alimentaire doit y rattraper son retard : nous importons notre bio, c'est tout de même incroyable ! Nous comptons beaucoup sur l'imagination de nos investisseurs.

Les 7 milliards de déficit enregistrés par le secteur du bois proviennent surtout de l'incapacité à prendre des décisions. Nous préférons donc défiscaliser la coupe du bois et sa mise sur le marché, au lieu d'appliquer l'aide fiscale à la détention patrimoniale de forêts. Nous souhaitons aussi décourager l'exportation : la France exporte les grumes, qui reviennent ensuite de Chine sous forme de parquet !

Le début de la filière doit trouver un équilibre avec le milieu de la filière de transformation. La cogénération fait partie de ces enjeux. Nous n'avons pas encore l'adhésion du ministre de l'Énergie mais le ministre de l'Agriculture et moi souhaitons appliquer une fiscalité intéressante aux usines de transformation. La revente de l'électricité produite par la fabrication de chaleur pourrait concerner trente à quarante scieries sur le territoire, contre dix aujourd'hui. Le secteur de la transformation est sinistré, et celui de la mise sur le marché n'est pas assez réactif. Nous espérons que nos mesures en faveur de l'industrie du bois, prises en harmonie avec le ministre de l'Agriculture, amélioreront cette situation.

La législation doit permettre la concurrence entre le bois, le ciment et le béton. J'admire les très belles réalisations accomplies par l'industrie cimentière française, qui fut très innovante. Mais les temps ont changé : les technologies du bois permettent aujourd'hui de construire en hauteur. Nous allons réaliser des démonstrateurs avec des entreprises privées. Il y a fort à faire pour changer les mentalités au sein de l'administration des permis de construire, qui défend les préjugés anciens des ingénieurs des Ponts et Chaussées...

Le grand emprunt contribue grandement aux 34 plans industriels. Prenons l'exemple des véhicules consommant moins de deux litres. Tous les constructeurs peuvent aujourd'hui en produire, mais à 130 000 euros, non au prix d'une Clio ou d'une 208, faute d'avoir industrialisé le procédé. Un travail à six vise à supprimer les obstacles techniques, en améliorant les performances des moteurs ou la portance aérodynamique, en réduisant le poids des véhicules,... D'ici 2018 l'industrie pourra offrir un véhicule de 12 000 euros consommant moins de deux litres au cent, c'est-à-dire qu'un plein de 30 litres permettra de faire un aller-retour entre Paris et Marseille et rendra leur liberté aux conducteurs. C'est pour maintenant, pas pour dans quinze ans. Le concours mondial concerne des innovations de rupture, ici il s'agit d'innovations acquises, à affiner.

Les sommes qui sont consacrées à ces plans ne seront pas gérées par des comités Théodule. Des discussions - sans doute franches, vives - auront lieu entre les différentes parties, PIA, DGI, APE, BPI, qui aboutiront à des décisions.

Le nouveau management d'EADS ne modifie rien à la présence de l'État au tour de table. La discussion entre eux et nous n'a pas changé ; elle demeure franche, forte, ce qui est le signe d'une vraie coopération.

Le plan de résistance économique mis en place pour Fagor a été mis à contribution. J'ai demandé au Parlement l'autorisation de ré-abonder le Fdes, en sommeil depuis 2004, et qui accordera des prêts aux prix du marché, lorsque les banques sont absentes ; à l'usine d'Orléans, des commandes sont en attente ! L'administrateur judiciaire travaille à la reprise des marques et des brevets, de façon à éviter un dépeçage et assurer une reprise avec un périmètre le plus large possible, pour sauver le plus d'emplois possible. La décision n'est pas encore prise à ce sujet.

Les drones civils font déjà l'objet d'un foisonnement d'initiatives, tant de grandes entreprises de l'aéronautique, qui travaillent sur des dispositifs innovants, que de start up. Notre pays a raté le coche des drones militaires, il doit saisir les opportunités dans le domaine civil.

Nous avons demandé aux régions qui ont des stratégies de spécialisations intelligentes de choisir une priorité de rang 1, à charge pour elles d'amener les PME concernées, afin de les agréger aux plans.

Concernant la commande publique, j'avais fait convoquer par mon directeur de cabinet le directeur délégué de l'Ugap, M. Alain Borowski. Il a fait preuve d'un certain hermétisme. Cela m'a obligé à m'exprimer publiquement de façon très désagréable et je l'ai convoqué à nouveau, pour qu'il nous fasse des propositions. Nous n'allons pas entretenir une administration, fût-elle de droit privé, pour favoriser autre chose que notre industrie, d'autant que nous avons l'obligation de passer 2 % de commandes publiques innovantes.

Je tiens ce même langage vis-à-vis du privé. Les grands groupes du CAC 40 ne commandent que 16 % de leurs consommations intermédiaires en France. En Allemagne le pourcentage atteint 70 % et 90 % au Japon. Je demande à nos grands dirigeants d'entreprises de se montrer patriotes. La France, dans son conservatisme, est incapable de faire bouger ses habitudes, je les secoue, c'est mon travail.

Je viens enfin, Madame Létard, de transmettre par SMS au ministre des Transports votre question sur les grands travaux...

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