Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapport de la commission d’enquête s’inscrit dans la continuité d’une réflexion engagée par le Sénat. Il prolonge notamment les travaux d’une précédente commission d’enquête.
La somme des informations et la pertinence des propositions contenues dans le précédent rapport sont aujourd’hui pleinement confirmées. Elles sont même confortées, dans un contexte marqué par l’explosion de scandales frappant tout autant des individus que des institutions à forte notoriété.
Ces affaires concernent à la fois la fuite des capitaux des particuliers, l’évaporation fiscale des entreprises et les trafics de milieux criminels organisés. Dans un contexte de crise et d’efforts budgétaires, elles ont heurté à juste titre nos concitoyens et alimenté – hélas – la défiance à l’égard non seulement du système financier international, mais aussi des responsables politiques.
Il nous faut impérativement mieux connaître les défaillances du système bancaire et des acteurs financiers, grâce à l’expertise et à l’analyse. Il nous faut impérativement mieux connaître leur rôle dans l’évasion des capitaux, afin de mieux les comprendre et de mieux les combattre, pour paraphraser l’intitulé du rapport.
À cet égard, je me réjouis à mon tour du travail accompli par notre commission d’enquête. Je soutiens bien sûr pleinement ses propositions concrètes, précises et parfois techniques, qui, si elles sont suivies d’effet, permettront de doter notre démocratie des armes nécessaires pour combattre la fraude et le crime fiscaux.
Ce que la crise de 2008 a révélé au grand jour, notamment avec la faillite de Lehman Brothers, c’est le risque qu’il y avait à considérer comme acquis le principe du too big to fail, qui prévalait alors dans le domaine des institutions financières. Au-delà de la surprise qu’elle a causée, cette faillite a mis au jour le manque de visibilité de la situation réelle des banques et les faiblesses du système financier international. À ce titre, le constat dressé dans le rapport est très éclairant quant au rôle des places offshore, aux pratiques édifiantes des banques et à la place de certains pays dans les stratégies d’évasion fiscale. Ces dernières constituent un risque majeur et évident de déstabilisation des économies.
Est-il besoin de rappeler la crise chypriote du printemps dernier ? Les actifs des banques locales représentaient alors 750 % du PIB de ce pays, qui dénombrait 1 400 demandes d’enregistrement de sociétés russes pour le seul mois de janvier 2012 !
L’implosion du secteur bancaire, sur lequel était fondé le modèle de renaissance économique de Chypre, a été largement due à la recherche d’une situation de rente par le biais d’une fiscalité exagérément avantageuse pour le secteur financier et d’une ouverture excessive aux sociétés offshore.
Plus généralement, la disproportion entre la taille de l’économie d’un pays et le volume de ses actifs financiers est éloquente. Comment expliquer que les îles Caïmans ou le Luxembourg soient destinataires d’investissements transnationaux à hauteur de 2 000 milliards d’euros chacun en 2011, quand le Brésil et la Chine réunis pèsent pour moins de la moitié ?
Parallèlement – ce constat a été fréquemment rappelé au cours des auditions –, l’opacité de l’organisation bancaire ne permet pas un travail efficace des organismes de contrôle. Le déploiement des filiales des banques est aujourd’hui tel qu’il est impossible de déterminer le périmètre de chaque établissement.
Face à cette situation, un certain nombre d’initiatives ont été prises en France, depuis deux ans, pour améliorer la visibilité et renforcer le contrôle des activités bancaires.
À ce titre, j’évoquerai l’adoption de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, que la Haute Assemblée a enrichie en tenant compte des premiers travaux de notre commission d’enquête. Je songe par exemple à la séparation des activités bancaires, qui va dans le sens d’une limitation des risques pour les particuliers et d’un meilleur encadrement des filiales, ou à l’obligation faite aux banques de publier des informations précises sur leurs activités, filiale par filiale, pays par pays, comme le préconise la commission d’enquête via sa proposition n° 21.
J’évoquerai également la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Ce texte a durci les sanctions en cas de défaut de réponse ou de réponse partielle à une mise en demeure de produire certains éléments déclaratifs relatifs aux actionnaires, aux filiales et aux participations. Il a en outre étendu le champ de compétence de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale.
Enfin, on peut se féliciter que, sur l’initiative du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, des dispositions rendant obligatoire la déclaration des schémas d’optimisation fiscale aient été introduites dans le projet de loi de finances pour 2014, …