Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 5 décembre 2013 à 9h30
Rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières — Débat sur les conclusions d'une commission d'enquête

Alain Vidalies, ministre délégué :

Ces mesures sont de nature, me semble-t-il, à répondre à vos préoccupations.

En ce qui concerne les modalités de régularisation fiscale au regard de la mise en application de la circulaire dite Cazeneuve de juin 2013, le succès de cette procédure, qui repose sur la transparence et le droit commun, contrairement à toutes les procédures antérieures, est désormais incontesté. À ce jour, ce sont près de 9 000 procédures qui ont été engagées. C’est précisément la prise de conscience, par nos concitoyens, du fait que les progrès de la lutte contre la fraude fiscale, notamment au travers de l’échange automatique d’informations, ne laissent plus de place aux « espérances » des fraudeurs qui est à l’origine du succès de cette procédure.

Monsieur le rapporteur, vous considérez que la finance risque d’être toujours en avance sur la législation. C’est la raison pour laquelle l’arsenal de mesures adoptées dans le cadre du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, dont la quasi-totalité des dispositions ont été, je le répète, validées par le Conseil constitutionnel, est essentiel. Avec cette loi, nous renforçons les moyens de l’administration fiscale dans sa course avec la finance.

Sans entrer dans les détails, je rappellerai que la police judiciaire fiscale verra ses compétences élargies, que la fraude fiscale commise en bande organisée sera plus lourdement sanctionnée, que l’administration disposera de nouvelles informations et que les possibilités de contrôle de l’administration pour lutter contre la fraude fiscale des entreprises seront considérablement renforcées. Si des moyens législatifs complémentaires se révèlent nécessaires, le Gouvernement les mettra en place.

Concernant la promotion et la mise en œuvre de l’échange automatique d’informations, je partage votre constat, monsieur le rapporteur : l’échange d’informations sur demande a montré ses limites. C’est précisément la raison pour laquelle la France se bat, au sein des instances internationales, pour faire de l’échange automatique d’informations un standard incontournable.

Au niveau européen, la directive Épargne sera discutée lors du Conseil Ecofin qui se tiendra la semaine prochaine et, s’il le faut, lors du Conseil européen qui aura lieu à la fin de l’année. Par ailleurs, une nouvelle directive portant sur l’ensemble des revenus et imposant l’échange automatique d’informations est en cours de discussion.

Au niveau du G20, l’échange automatique d’informations a été reconnu comme un standard ; la France a beaucoup pesé en ce sens.

Au niveau interne, le Conseil constitutionnel a considéré que l’introduction du critère du refus de l’échange automatique d’informations pour l’inscription sur notre liste des paradis fiscaux était prématurée, car disproportionnée. Je ne partage pas votre pessimisme quant à la suite des événements. Nous poursuivons l’analyse de la décision du Conseil constitutionnel, dont le Gouvernement ne peut bien sûr que prendre acte. Cela n’enlève rien à la détermination de celui-ci à atteindre ses objectifs, tels qu’il les avait inscrits initialement dans la loi.

Mme Goulet a exprimé son intérêt pour le statut de lanceur d'alerte, auquel je suis particulièrement attentif. D'une façon générale, le statut de lanceur d'alerte est une innovation que le Gouvernement juge importante, comme il l'a montré au travers de deux lois, en particulier la loi relative à la transparence de la vie publique.

Encore faudrait-il que, lorsque la France veut promouvoir ce concept dans le concert européen, on ne puisse lui renvoyer l'écho de certaines déclarations, faites dans les hémicycles parlementaires, selon lesquelles les lanceurs d'alerte seraient des délateurs, qui nous ramènent aux heures les plus sombres de notre histoire… Ces paroles ne sont pas de vous, madame Goulet, mais je veux souligner que, même si nous avons abouti, de tels propos entrent quelque peu en contradiction avec ceux que nous entendons aujourd'hui s'agissant de la transmission et de l'échange d'informations. On ne peut à la fois se dire favorable à l’échange automatique d'informations à tous les niveaux et s'opposer à l’intervention des lanceurs d'alerte dans le champ de l'initiative citoyenne. Je n’y insiste pas, mais il y a là, me semble-t-il, une contradiction majeure sur le plan conceptuel, sinon politique…

Les propos de M. Duvernois m'ont parfois surpris. Il comprendra que je n’adhère pas à sa pétition de principe selon laquelle l’évasion fiscale s'expliquerait par un matraquage fiscal. Du reste, il s’agit là d’un tout autre débat, qui supposerait un rappel de l’histoire des dernières années…

Par ailleurs, à la suite d'une affaire que vous avez évoquée, ainsi que Mme Goulet, le Gouvernement a réagi en faisant adopter des lois sur la transparence de la vie publique.

Monsieur Chiron, comme vous l’avez dit, l'étau se resserre, mais la bataille est loin d'être gagnée. C'est aussi, me semble-t-il, la conclusion du rapport d'information. L'action du Gouvernement, sur le plan européen, sur le plan international et sur le plan du droit interne, au travers de toutes les initiatives que j'ai rappelées, contribue à resserrer l'étau.

La question fiscale est aujourd’hui au cœur du débat. Cela est naturel, car il s'agit non pas d'une question technique, mais d'une question politique, qui pose le problème de la justice fiscale et, surtout, celui du respect du pacte républicain. C’est en ce sens qu’il s’agit d’une question majeure, essentielle. Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d'avoir contribué, par vos travaux de ce matin, à la traiter. §

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