Le viol en temps de guerre est une agression qui atteint à la fois la société et la famille. Mais pour les victimes, c'est la double peine : la violence initiale est prolongée par le rejet de la société, comme si la victime était coupable d'avoir survécu. Nous constatons qu'il y a une porosité avec le temps de paix : agir contre les violences sexuelles en temps de guerre, c'est aussi une manière d'agir contre les violences sexuelles en temps de paix.
A Nankin, un monument rappelle les viols dont ont été victimes les femmes lors du sac perpétré par l'armée japonaise. Nos sociétés ne doivent plus taire ces violences dérangeantes, souvent masquées. Soit les femmes ont été tuées, et leur mort efface le viol dans les mémoires ; soit elles ont survécu et le viol n'est pas considéré comme digne d'être évoqué. A Oradour-sur-Glane, symbole de la barbarie nazie, des violences sexuelles ont été commises mais elles ne sont jamais mentionnées, comme si cette évocation pouvait salir la mémoire des femmes qui ont péri brûlées dans l'église. Le viol salit les victimes, non les bourreaux.
Au niveau international, le G 8 a voté une résolution en avril 2013 : cependant, elle n'a jamais fait en France l'objet de la moindre publicité. Une traduction en français est disponible sur le site du G 8, mais elle est inaccessible à celui qui ne la cherche pas. De même les associations de défense des victimes et de mémoire, telles celles qui se consacrent au Japon à la mémoire des « femmes de réconfort », ont peu d'écho en France. Je voulais insister sur ce point.
Enfin, la formation dans l'armée française me paraît une exigence essentielle. Depuis des temps anciens, la culture des armées est faite de virilité et de puissance. Les viols de soldates, les harcèlements dont a fait état l'armée américaine ne sont pas dus à sa féminisation, mais au maintien de cette culture virile. Sur les théâtres d'opérations, la France doit aussi gérer cette vulnérabilité des femmes par rapport aux hommes de leurs groupes. C'est que cette culture de la virilité est partagée par les combattants, les troupes d'interposition, les civils réfugiés...
Un travail reste à mener pour mieux connaître ces situations qui ne sont ni un mythe, ni une fatalité.