Intervention de Fabrice Virgili

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 5 décembre 2013 : 1ère réunion
Violences à l'égard des femmes dans les territoires en conflit — Table ronde des historiens et de l'anthropologue

Fabrice Virgili, historien, directeur de recherche au CNRS :

Le silence qui entoure un viol est fluctuant : parfois pesant, parfois moins. Les femmes de Berlin ont eu des moments de parole, à la période même des agressions. Le sort commun qu'elles avaient subi les faisait parler entre elles. Le retour de leurs maris instaura le silence : les femmes n'avaient plus envie de parler. Le journal de l'une d'elles que vous évoquez passa inaperçu à sa première publication dans les années 1950, puis connut le succès dans les années 1990 : la société prête une oreille plus ou moins attentive selon la sensibilité de l'époque.

Certaines sociétés en guerre, faisant du viol le signe de la barbarie de l'ennemi, construisent un discours autour de ces crimes - à commencer par La Marseillaise ! La propagande tranche sur le silence des victimes.

Concernant les sanctions, le code militaire renvoie au code pénal. S'il y a plainte et poursuite, le prévenu est jugé pour viol. Reste le problème de la preuve. S'ajoute le soupçon inévitable qui pèse sur les femmes survivant à leur viol en temps de guerre : pourquoi ne sont-elles pas mortes ? Dans les rapports de gendarmerie sur les viols commis par la Wehrmacht en France figure des phrases étonnantes telles que : « Oui, j'ai ressenti une certaine jouissance lors du second viol ». Or la réponse était orientée par les questions posées. Elle entraînait souvent une enquête de bonne moralité sur la victime, devenue l'objet de tous les soupçons.

Mme Raphaëlle Branche, historienne, maîtresse de conférences au Centre d'histoire sociale du XXème siècle de l'Université de Paris-1-Panthéon-Sorbonne. - Un militaire évolue toujours avec un petit groupe autour de lui, le groupe primaire, essentiel dans les opérations de guerre. Ce groupe joue un rôle lors des viols, la pression qu'il exerce est un élément essentiel. Le viol est commis par un homme avec d'autres hommes autour. C'est un viol que l'on peut qualifier de collectif à cause de la complicité du groupe. C'est à l'intérieur du groupe que se construisent l'impunité ou les interdits. Chaque groupe a sa culture propre. Le groupe est aussi important que la structure de commandement.

Lorsqu'il y a sanction, les peines peuvent être exécutées à huis-clos si la victime le demande. L'intérêt de la victime n'est pas toujours celui de la société. Alice Kaplan, dans « L'interprète », traite des exécutions publiques pratiquées par l'armée américaine, en Normandie, devant leurs victimes, leurs familles, leurs villages.

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