Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a un peu plus d’un an, le Gouvernement présentait son pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, inspiré des conclusions de l’excellent rapport Gallois.
Depuis, la mesure phare de ce pacte, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, a été mise en œuvre et commence à produire ses effets positifs sur l’emploi et la compétitivité. La Banque publique d’investissement a également été mise en place pour faciliter l’accès au financement des TPE et des PME.
Le pacte de compétitivité prévoyait également d’engager « cinq chantiers de simplification des démarches des entreprises ». Le plus emblématique est sans doute l’application du principe « Dites-le nous une seule fois », qui vise à éviter que les entreprises n’aient à fournir à de multiples reprises les mêmes informations à différentes administrations. Madame la ministre, vous avez déclaré : « Plus de métier, moins de papiers », je dirai quant à moi : « plus de métier, plus de chantiers, et moins de papiers ».
Dans la continuité de ce pacte, dont les propositions ont été complétées par le rapport du député Thierry Mandon, et par les mesures annoncées dans le cadre du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 17 juillet dernier, nous examinons aujourd’hui un projet de loi qui vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances certaines mesures pour simplifier et sécuriser la vie des entreprises.
Comme tout parlementaire responsable, les membres du RDSE ne sont guère enclins à autoriser la multiplication des habilitations à légiférer par ordonnances, autrefois appelées « décrets-lois ». Toutefois, ils sont conscients de la nécessité, dans le domaine qui nous intéresse aujourd’hui, d’agir vite et avec précision. Quelques mois de « gagnés » peuvent être vitaux pour le développement, voire pour la survie, de certaines entreprises. C’est pourquoi ils soutiennent la plupart des articles de ce projet de loi, qui répondent bien à l’objectif de simplification et de sécurisation, et sont donc attendus par les entreprises.
L’article 1er, qui comporte un certain nombre d’habilitations portant sur des sujets variés, est certainement l’un des plus importants. Il prévoit notamment que les micro-entreprises, c’est-à-dire celles qui comptent moins de dix salariés et réalisent un chiffre d’affaires net inférieur à 700 000 euros – je rappelle qu’elles représentent 80 % du tissu entrepreneurial français –, pourront être exemptées de l’obligation d’établir une annexe aux comptes annuels et de publier leurs comptes annuels. En revanche, l’obligation de déposer leurs comptes est maintenue, à juste titre. Il est aussi prévu de simplifier les obligations comptables des micro-entreprises et des petites entreprises, en les autorisant à établir un bilan et un compte de résultat abrégés. Près de 97 % des sociétés commerciales seront concernées par ces mesures de simplification, qui auront un effet positif sur notre économie.
L’obligation de facturation électronique entre les personnes publiques et leurs fournisseurs est également une mesure de simplification importante. Toutefois, elle peut présenter des difficultés pour les plus petites entreprises. C’est pourquoi je me réjouis de l’adoption en commission d’un amendement du rapporteur, qui prévoit l’entrée en vigueur progressive de cette mesure « afin de tenir compte de la taille et des capacités des entreprises concernées ».
Le texte prévoit aussi de faciliter certains projets d’immobilier d’entreprise, grâce à la création d’une procédure administrative intégrée. En outre, la mise en œuvre expérimentale, dans quelques régions, d’un certificat de projet, est très encourageante. En effet, la sécurité juridique et la stabilité des normes garanties par ce certificat aux porteurs de projet pendant les dix-huit mois qui suivent sa délivrance démultipliera très rapidement les initiatives, qui sont encore trop souvent freinées par la complexité, mais aussi par l’instabilité de tout un ensemble de règles fiscales, sociales et environnementales. Les mesures visant à favoriser le financement participatif des entreprises sont également les bienvenues dans le contexte actuel.
Quant à l’article 2, qui porte sur le droit des entreprises en difficulté, il aurait sans doute mérité, comme l’a souligné le rapporteur, de faire l’objet d’un projet de loi à part entière. Si cet article vise, à juste titre, à renforcer l’efficacité des procédures de prévention et à faciliter la recherche de nouveaux financements, il instaure également une nouvelle procédure de liquidation judiciaire « ultra-simplifiée », qui soulève quelques difficultés. Dans son rapport, Thani Mohamed Soilihi exprime la crainte « que cette nouvelle procédure soit une occasion de fraude, de la part de débiteurs organisant leur insolvabilité ou souhaitant soustraire des actifs à leurs créanciers ». Pour limiter ce risque, le rapporteur a fait adopter un amendement prévoyant des mécanismes de contrôle ; c’est une bonne chose. Cependant, il est permis de s’interroger sur l’intérêt d’une procédure « ultra-simplifiée » qui nécessite la mise en œuvre de contrôles supplémentaires qui vont forcément l’alourdir : s’agit-il réellement d’une simplification ?
Permettez-moi d’observer également que ce projet de loi comprend un certain nombre d’habilitations dont le lien avec la simplification et la sécurisation de la vie des entreprises est loin d’être évident. Même si certaines d’entre elles sont très importantes, leur introduction dans ce texte donne l’impression d’un manque de cohérence et peut susciter une certaine confusion.
Parmi ces articles dont le lien avec l’intitulé du projet de loi n’est pas flagrant figure l’article 20, auquel les membres du RDSE sont très attachés, et dont je souhaite souligner l’importance. Même si cet article ne se trouve probablement pas dans le bon véhicule législatif, son adoption est absolument indispensable, sinon la caisse commune de sécurité sociale de la Lozère, mise en place à titre expérimental depuis 2009, cesserait tout simplement d’exister le 1er janvier prochain. Actuellement, seule la Lozère, chère à notre collègue et ami Alain Bertrand, a instauré un guichet unique pour le régime général de sécurité sociale, la branche famille et le recouvrement des cotisations. Cette expérimentation a fait ses preuves pour répondre aux besoins des territoires ruraux et péri-ruraux et pour éviter d’accroître la fracture territoriale au détriment des populations. À la lumière de cette expérience, mon département, le Lot, pourrait d’ailleurs envisager de bénéficier du même système.
Permettez-moi d’exprimer des regrets quant aux conditions d’examen de ce texte, soumis à la procédure accélérée et dont le nombre d’articles a significativement augmenté à l’Assemblée nationale, du fait de l’adoption d’amendements du Gouvernement, et surtout lors des travaux de la commission des lois du Sénat. Assurément, la loi devient bavarde. Même s’il s’agit d’habilitations à prendre des ordonnances, les articles de ce projet de loi n’en nécessitent pas moins un contrôle parlementaire rigoureux. Celui-ci est rendu en partie impossible par l’adoption de mesures complémentaires que nous n’avons pas pu examiner dans des conditions et des délais satisfaisants, puisqu’elles ont été annoncées à la dernière minute.
Malgré ces réserves, et en espérant l’adoption de notre amendement sur la signalétique du tri des déchets, le groupe RDSE soutiendra ce projet de loi qui est attendu par les entreprises. Je rappelle que la Commission européenne estime qu’une baisse de 25 % des charges administratives des entreprises, ce qui représenterait une économie de 15 milliards d’euros, permettrait une augmentation de la croissance française de 0, 8 point à court terme et de 1, 4 point à long terme. Il faut donc poursuivre nos efforts en ce sens.
Pour terminer, je rappelle que la France est le pays d’Europe où les prélèvements obligatoires sur les entreprises sont les plus élevés : ils atteignent 26, 5 % de la valeur ajoutée. Dès lors, il conviendra aussi d’alléger ces prélèvements, en particulier les charges sociales des entreprises. Les membres du RDSE espèrent que la grande remise à plat fiscale prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015 en sera l’occasion.