Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du 9 décembre 2013 à 16h00
Simplification et sécurisation de la vie des entreprises — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Fleur Pellerin :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les propos des différents orateurs qui se sont exprimés montrent que, sur quelque travée que vous siégiez, vous êtes tous d’accord avec l’objectif visé par le Gouvernement : simplifier la vie des entreprises, notamment des PME dont je vous signale qu’elles ont été à l’origine, ces dernières années, de 80 % des créations d’emplois.

Nous devons nous appuyer sur ces acteurs économiques pour consolider la reprise économique qui s’annonce : c’est un point sur lequel, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que nous pouvons tous nous accorder. Cette remarque faite, permettez-moi de répondre plus précisément aux orateurs.

Monsieur le rapporteur, je vous remercie d’avoir souligné l’enjeu de compétitivité que ce projet de loi représente et d’avoir insisté sur l’accord dont il pourrait faire l’objet, au-delà des clivages partisans. Je vous sais gré aussi d’avoir signalé la cohérence du projet de loi, qui est centré sur la vie quotidienne des entreprises, et d’avoir mentionné les chiffres des économies qui pourraient être réalisées par les entreprises, en termes de temps et en termes financiers.

Je vous remercie pour le dialogue constructif que nous avons mené, et dont plusieurs orateurs se sont félicités. De fait, si le Gouvernement a déposé des amendements visant à apporter quelques ajustements mineurs à la délimitation du champ des habilitations, je crois que nous avons parcouru ensemble l’essentiel du chemin.

Monsieur le rapporteur, j’entends votre souhait que le Sénat soit associé plus particulièrement à la préparation des ordonnances prévues à l’article 2. Je m’y engage personnellement : ces ordonnances vous seront présentées dès que possible. En vérité, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement souhaite élaborer ces ordonnances en collaboration avec le Parlement.

M. le rapporteur entend préciser, en faisant adopter un amendement à l’article 10, que la modernisation de l’État actionnaire ne doit pas porter préjudice à la représentation des salariés. Je souscris parfaitement à ce principe. Le Gouvernement proposera au Sénat un ajustement rédactionnel permettant de consolider la mise en œuvre de cet amendement.

Monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, vous avez souligné l’importance d’une démarche partenariale entre les administrations de terrain et les entreprises. Précisément, le projet de loi vise, comme je l’ai signalé au début de la discussion générale, à favoriser une évolution culturelle de l’administration.

Vous avez également signalé, à juste titre, l’intérêt budgétaire des mesures envisagées. La dématérialisation, en particulier, permettra des économies considérables, pour les entreprises mais aussi pour les administrations. Nous entendons votre volonté d’introduire une progressivité dans la mise en œuvre de certaines mesures. Ce sera évidemment le cas pour le passage à la facturation électronique, afin que tous les acteurs puissent bien se préparer à cette évolution.

Je souscris également à votre proposition d’associer les parlementaires à la préparation des ordonnances : en cas de consultation publique, ils feront l’objet d’une consultation particulière ; sinon, les commissions concernées seront consultées.

En ce qui concerne l’article 10, monsieur Vaugrenard, je vous adresse les mêmes remerciements qu’à M. Thani Mohamed Soilihi. La rédaction à laquelle vous êtes parvenus convient, sous réserve d’ajustements tout à fait mineurs, au Gouvernement.

Enfin, votre idée de prévoir dans les études d’impact un « test Kafka » – la formule est évocatrice – est intéressante. Du reste, elle est actuellement à l’étude : en effet, parmi les mesures envisagées pour simplifier la vie des entreprises, notamment des plus petites d’entre elles, figure le principe d’un « test PME » consistant à évaluer l’incidence de toute nouvelle réglementation sur le fonctionnement quotidien des PME. Sans doute cette démarche est-elle un peu contraignante pour les administrations ; mais elle est en cours d’expérimentation dans mes services pour un certain nombre de réglementations, et l’éventualité de sa généralisation sera examinée.

Monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, vous avez souligné combien le choc de simplification dépasse le périmètre du travail législatif. Reste que ce dernier est moteur, tant il est vrai qu’il ne peut y avoir de simplification sans l’appui du Parlement.

Vous avez insisté sur les articles qui favorisent et sécurisent le financement des entreprises. Cet aspect du projet de loi est extrêmement important dans la situation macroéconomique actuelle. Sans ces dispositions majeures, les nouvelles possibilités offertes aux entreprises risquent de rester lettre morte ; je pense en particulier aux dispositions qui touchent à l’assurance vie et au financement participatif, auxquelles je suis tout spécialement attachée parce qu’elles pourraient être perçues comme un signe de modernité par notre environnement international.

Madame Benbassa, le Gouvernement veut frapper vite et fort au bénéfice des entreprises ; c’est la raison pour laquelle la procédure accélérée a été mise en œuvre et les délais d’habilitation sont brefs – j’en conviens. Aujourd’hui, tout le monde reconnaît qu’il est urgent d’agir pour aider nos entreprises à investir et à créer des emplois.

À propos des expérimentations de procédures intégrées en matière environnementale, le raccourcissement des délais rendu possible par l’instruction de plusieurs procédures de front sera un facteur d’incitation au développement de projets éoliens et de méthanisation. Toutefois, il est important de souligner que cette mesure de simplification n’aura nullement pour effet de réduire les exigences qualitatives en matière environnementale.

Monsieur Reichardt, je constate que vous partagez notre objectif de simplification.

Je signale, comme l’a déjà fait M. Vaugrenard, que l’usage modeste que le Gouvernement fait des ordonnances tranche avec la pratique en vigueur sous la précédente législature, pendant laquelle plus de 300 ordonnances ont été prises. En l’occurrence, le recours aux ordonnances est justifié par la nécessité urgente de donner de l’air à nos entreprises, notamment en matière d’obligations comptables et administratives.

Un caractère d’urgence s’attache aussi à certaines dispositions permettant la transposition de directives européennes qui doivent s’appliquer au 1er janvier 2014 ; tel est le cas de la directive CRD IV, qui met en œuvre les règles prudentielles issues des accords de Bâle III.

En ce qui concerne le certificat de projet, je rappelle qu’il ne s’agit pas de supprimer des procédures, mais de les traiter simultanément ; cette mesure ne va pas dans le sens de l’insécurité, mais bien de la sécurité juridique. La même remarque s’applique aux autorisations portant sur les éoliennes comme sur les autres ICPE.

Quant à la réforme du taux d’intérêt légal, notre feuille de route est claire : nous proposons de l’améliorer en différenciant les catégories de personnes – professionnels, particuliers, État.

Monsieur Reichardt, vous critiquez un patchwork de mesures. Pourtant, vos collègues du groupe UMP déplorent que ce projet de loi d’habilitation n’aille pas plus loin dans un plus grand nombre de domaines. Du reste, vous-même vous êtes plaint de l’insuffisance des dispositions en matière de droit du travail. Le projet de loi qui vous est présenté est, je le crois, équilibré et proportionné à l’urgence du choc de simplification.

Au demeurant, toutes les mesures qui y ont été incluses l’ont été sur la demande expresse des entreprises et toutes celles qui en ont été écartées l’ont également été sur la demande expresse de ces mêmes entreprises, qui ne les jugeaient pas opportunes ; tel est le cas de la simplification du bulletin de paie, qui n’a de sens que si l’on simplifie les régimes fiscaux et sociaux sur le fondement desquels ce document est établi.

De même, monsieur Reichardt, s’il est exact que le code du travail est épais, trop épais, diviser par deux son poids ou son volume n’aurait de sens que si son contenu était rendu plus maniable et plus compréhensible. En d’autres termes, la simplification doit être opérée sur le plan du contenu avant de pouvoir être entreprise sur le plan des procédures et des démarches.

Monsieur de Montesquiou, je vous remercie de votre adhésion à l’objectif du Gouvernement, mais je vous signale que le projet de loi ne saurait être comparé à la loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, dite loi Warsmann, qui comportait 134 articles dont un grand nombre est resté lettre morte. Pour sa part, le Gouvernement s’est astreint à la cohérence.

Vous aussi avez dénoncé un ensemble de mesures hétérogènes. Vous conviendrez qu’il n’est pas facile de simplifier de manière monolithique, notamment lorsqu’on touche à de nombreux domaines.

Le Gouvernement entend votre volonté de rectifier l’article 16, afin d’exclure le verre du dispositif.

Pour ce qui concerne le contenu des habilitations, j’insiste sur le travail important mené en commission, qui a permis de préciser le champ de ces dernières.

Madame Assassi, s’agissant de l’article 12, c’est l’urgence liée aux délais de transposition des directives qui impose le recours à l’article 38 de la Constitution. Quant à la justice consulaire, elle sera réformée par un texte distinct, préparé par la chancellerie.

Sur le délai de prévenance, il s’agit, je tiens à le préciser, de tirer les conséquences du rapport de la Cour de cassation, qui préconise une meilleure articulation entre la fin de la période d’essai et l’inscription dans le droit positif de l’indemnisation des salariés en cas de délais trop courts.

Sur l’article 10, je suis favorable à l’introduction d’une précision concernant la représentation des salariés, sous réserve d’un ajustement rédactionnel. Je tiens à préciser qu’il n’est pas question de brader les participations de l’État. Aucun niveau de participation ne sera réduit, l’objectif étant au contraire d’assurer une meilleure représentation de l’État dans les entreprises en question.

Monsieur Requier, tout d’abord, je vous remercie d’avoir insisté sur la démarche « Dites-le nous une fois », qui résume bien l’esprit du texte : l’administration doit être un partenaire de confiance des entreprises, jamais un adversaire ou un ennemi ! Nous le savons, le temps est précieux pour une entreprise, puisqu’il lui permet de gagner ou perdre de l’argent.

Je vous remercie également, monsieur le sénateur, d’avoir souligné le nombre d’entreprises qui bénéficieront des mesures prévues dans ce texte. Ainsi, près d’un million de TPE et PME seront désormais soumises à des obligations comptables simplifiées.

Je vous confirme aussi l’entrée en vigueur de la facturation électronique, qui vise notamment à réduire les délais de paiement de manière progressive, afin que chacun puisse s’y adapter et s’y ajuster. Comme je l’ai dit tout à l’heure, une telle démarche sera supportable pour les PME.

Quant au lien entre certaines dispositions du projet de loi et la simplification, vous avez rappelé l’importance de la sécurisation introduite par certaines mesures. Je pense notamment à la pérennisation de la caisse commune de sécurité sociale de la Lozère.

Je rappelle enfin que la simplification engendrera des économies, qui représenteront autant d’impôts en moins pour les entreprises et l’ensemble des contribuables.

Monsieur Richard, je vous remercie d’avoir remis ce texte à sa juste place. Il s’agit bien d’un texte d’intérêt général, pris à la demande des entreprises : il devrait être fédérateur.

Je vous suis reconnaissante d’avoir rappelé les raisons qui conduisent le Gouvernement à recourir à l’article 38 de la Constitution, et son engagement à mener une réelle concertation sur les ordonnances. Je vous réitère l’engagement que j’ai pris tout à l’heure à la tribune sur la réalité, la sincérité et la profondeur de cette concertation.

Je vous sais également gré d’avoir rappelé l’ancienneté des travaux du Parlement sur les procédures collectives, travaux qui ont d’ailleurs permis de mûrir longtemps cette réforme.

Enfin, je vous remercie d’avoir rappelé l’importance de l’ouverture de certaines professions réglementées, d’ailleurs souhaitée par elles-mêmes. Même si l’opposition nous dit qu’une telle mesure ne constituait pas une urgence, j’estime qu’il y a toujours urgence pour bien faire.

Madame Rossignol, s’agissant du Grand Paris, je comprends votre inquiétude relative à la procédure de révision du schéma du réseau de transport public. Toutefois, je vous assure que le Gouvernement ne prépare aucun projet de modification du schéma global dans l’immédiat. Il s’agissait seulement de répondre à une préoccupation du Conseil d’État, qui s’inquiétait qu’une telle procédure ne figure pas dans le cadre de ce projet de loi. Le Gouvernement est toutefois prêt à accepter le rétablissement de l’article 8 sans son 3°.

Sur le marquage « Triman », je me félicite de votre proposition de rétablissement de l’article 16. Vous défendez également une exception pour le verre, que le Gouvernement comprend et approuve.

Le rapport du Conseil d’État sur le rescrit a permis au Gouvernement de proposer l’évolution souhaitée par le plus grand nombre. Ainsi, pour ce qui concerne les expérimentations prévues aux articles 13 et 14, les voies et délais de recours seront pris en compte.

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