Intervention de Yannick Vaugrenard

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 26 novembre 2013 : 1ère réunion
Questions diverses

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard, rapporteur :

Monsieur le président, mes chers collègues, lors de sa réunion du 8 novembre 2012, la délégation a retenu sur ma proposition, au titre de son programme de travail pour l'année 2013, l'établissement d'un rapport consacré à la pauvreté et aux actions à mettre en place pour enrayer le cercle vicieux de la permanence et de l'intensification de ce phénomène dans notre pays.

L'objectif de cette démarche prospective est, à partir d'un état des lieux exhaustif de la situation actuelle, de se pencher notamment sur ce que l'on pourrait appeler « l'hérédité ou la transmission intergénérationnelle de la pauvreté ».

Face à ce constat accablant, aggravé par l'ampleur de la crise non seulement économique mais aussi morale que nous traversons, il faut le répéter inlassablement : oui, il est possible d'agir contre la pauvreté. Au travers de cette étude, mon objectif est simple : être pragmatique, mais pas modéré, car ce rapport d'information n'a pas vocation à rester sur l'étagère !

Dans le cadre de la vingtaine d'auditions que j'ai conduites entre mai et novembre 2013 et des témoignages que j'ai recueillis, je peux d'ores et déjà vous livrer un certain nombre d'observations.

Premièrement, la pauvreté ne cesse d'augmenter et de s'intensifier en France. Malgré les fonds publics engagés, les pauvres sont de plus en plus nombreux et de plus en plus pauvres. La pauvreté touche 8,7 millions de personnes, soit 14,3 % de la population ; la moitié d'entre elles vit avec moins de 790 euros par mois.

Deuxièmement, la pauvreté est multiple et difficilement définissable. Elle ne saurait se réduire à sa seule dimension monétaire, d'autant que les données statistiques disponibles, fournies par l'INSEE sur la base de l'enquête Revenus fiscaux et sociaux, ne sont disponibles qu'avec deux ans de retard. Des indicateurs simples, fiables et compréhensibles manquent à l'analyse.

Troisièmement, la pauvreté n'épargne personne. Si elle touche de plus en plus de jeunes, de femmes, de familles monoparentales et est surtout présente en proche banlieue des grandes villes, la pauvreté frappe également les personnes âgées et les habitants des zones rurales.

Quatrièmement, la pauvreté pénalise doublement. L'accès aux biens et services se révèle plus onéreux pour les personnes en situation de pauvreté.

Cinquièmement, la pauvreté ronge le lien social. La peur de subir le déclassement et de basculer dans la pauvreté s'exprime dans presque tous les milieux.

Sixièmement, la pauvreté décourage. Confrontées à des procédures administratives de plus en plus lourdes et complexes, nombreuses sont les personnes en situation de pauvreté qui ne réclament pas le versement des prestations et minima sociaux auxquels elles ont droit. C'est le phénomène du non-recours aux prestations.

Septièmement, la pauvreté n'est pas une fatalité. Les solutions existent mais sont peu ou mal appliquées. Dans ce domaine également, un choc de simplification, un accompagnement efficace, une participation des personnes concernées à la conception des politiques publiques, une expérimentation facilitée ainsi qu'une meilleure évaluation des actions menées sont nécessaires.

Afin de poursuivre et d'approfondir notre réflexion, d'autres auditions restent à mener, soit par moi-même, celle d'Emmaüs par exemple, soit en réunion de délégation, et j'ai pensé vous suggérer celle de François Chérèque, inspecteur général des affaires sociales, chargé du suivi du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale.

Par ailleurs, j'envisage d'effectuer quelques déplacements: à Bruxelles, pour y rencontrer les responsables de la direction générale Emploi, affaires sociales et inclusion, d'Eurostat, l'Office statistique des Communautés européennes, ainsi que de la Banque carrefour de la sécurité sociale (BCSS), institution publique chargée de l'échange de données entre les institutions belges de sécurité sociale ; en province, pour constater la mise en application des politiques à l'échelle territoriale et des premières mesures annoncées dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et l'inclusion sociale ; éventuellement en Europe, pour pouvoir faire des comparaisons avec ce qui se fait dans d'autres pays.

Je pense pouvoir vous présenter ce rapport d'ici au mois de février prochain, après la tenue rituelle d'un atelier de prospective réunissant divers acteurs et experts en matière de pauvreté et d'action sociale.

Enfin, conformément au devis qui sera soumis à l'approbation du conseil de Questure, si vous m'en donnez l'autorisation, les dépenses à engager pour réaliser ce travail devraient s'élever à 15 880 euros.

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