Intervention de Daniel Reiner

Réunion du 10 décembre 2013 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2014 à 2019 — Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

Les débats ont été longs, mais intenses et constructifs, en tout cas utiles.

Il en fut ainsi non seulement au moment de l’élaboration du nouveau Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale, mais également pendant cette séquence parlementaire durant laquelle notre modèle de défense a été « interrogé », y compris sur les points les plus sensibles comme la dissuasion nucléaire.

Le Livre blanc a permis d’établir un état des lieux et de dresser un bilan sans concession des faiblesses et des forces de notre modèle de défense. Nous avons actualisé notre analyse stratégique en dégageant de nouvelles priorités. Ce travail nous a conduits à cet exercice de nature législative qu’est l’élaboration d’une loi de programmation militaire.

Plus encore que les débats autour du Livre blanc, le travail parlementaire a suscité de multiples questions. De ce point de vue, ce fut un exercice véritablement démocratique et enrichissant : les deux chambres ont apporté leur touche dans cet exercice et, aujourd’hui, un équilibre a été trouvé sur les points en discussion.

Le Sénat, grâce aux travaux préparatoires conduits par notre commission sous la houlette du président Jean-Louis Carrère, s’était préparé à cette démarche et a pu ainsi apporter sa contribution à ce nouvel acte de la stratégie de défense nationale.

Nos collègues de l’Assemblée nationale ont approfondi et précisé nombre d’éléments de ce projet. Je tiens à souligner que ces apports opportuns l’ont complété utilement. Il faut saluer le travail de concertation entre les deux chambres – c’est assez rare pour être signalé – pour s’approprier et enrichir ce texte de loi.

Comme le Sénat, l’Assemblée nationale a eu à cœur de sécuriser les ressources financières. C’est ainsi qu’elle a approuvé l’amendement du Gouvernement qui majore de 500 millions d’euros les recettes exceptionnelles, afin de compenser les annulations de crédits du dernier collectif de 2013.

J’ai pourtant noté quelques divergences mineures. Par exemple, sur les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, nous voulions que les parlementaires en faisant partie puissent prendre connaissance du plan national d’orientation du renseignement. Ce n’est plus le cas dans la nouvelle version du texte, mais je note aussi qu’il correspond ainsi mieux aux souhaits de certains sénateurs.

Par ailleurs, s’agissant de la géolocalisation, les délais ont été ramenés à 30 jours, ce qui correspond à une position intermédiaire entre celle du Gouvernement et celle du Sénat.

Nous regrettons enfin que force de loi n’ait pas été donnée au suivi médical et psychologique des militaires revenant d’opérations. Il s’agit d’un sujet sensible, qui demeurera, hélas, d’actualité.

En revanche, l’Assemblée nationale a complété utilement le texte sur plusieurs points, notamment pour faire en sorte que les militaires engagés en OPEX bénéficient de la carte du combattant de façon effective et pour préciser le temps de travail des marins mineurs, l’objectif étant de trouver un équilibre satisfaisant entre les sujétions liées aux obligations militaires et la protection des mineurs. Elle a également souhaité conforter les droits des requérants devant le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, puisque celui-ci devra désormais motiver ses réponses.

Dans le rapport annexé à l’article 2, le Sénat avait, par ses amendements, souligné qu’il importait de rechercher des solutions concrètes de mutualisation et de partage d’acquisition et d’utilisation d’équipements militaires à l’échelle européenne, ainsi que de préciser les effectifs en matière de cyberdéfense et de services de renseignements. Toutes ces dispositions ont été maintenues.

L’Assemblée nationale a souhaité, quant à elle, rénover le dialogue social en incluant un volet sur la concertation des militaires. Ce dernier point devrait permettre d’améliorer encore une expression sociale particulièrement nécessaire au moment où se préparent de nouvelles déflations d’effectifs et un remaniement de la carte des implantations militaires.

Je n’ose parler ici du trop fameux logiciel Louvois : il y aurait trop à dire…

La loi de programmation militaire est un édifice qui repose sur des bases que nous savons fragiles, et même parfois sur des paris. Le projet de loi de finances rectificative qui a abouti à l’annulation de 500 millions d’euros de crédits vient de le prouver. Un devoir de vigilance repose donc sur les parlementaires. À cet effet, nous sommes donnés dans ce texte des moyens supplémentaires de contrôle. Nous les utiliserons.

Cette vigilance portera sur la mise en œuvre des fondamentaux de la défense nationale.

Tout d’abord, notre dissuasion et nos capacités de projection doivent être « sanctuarisées », de manière que la France puisse honorer ses responsabilités vis-à-vis de nos concitoyens et nos alliés.

Ensuite, la définition du modèle d’armée 2025 doit être conforme à la fois à nos ambitions de défense et à nos moyens financiers, ce qui demande un effort supplémentaire de rationalisation et, donc, de nouveaux sacrifices : 23 000 suppressions de postes, en plus des 54 000 résultant de la précédente loi de programmation. Le but est justement de sauvegarder l’essentiel, c’est-à-dire la dissuasion et la capacité d’agir, en permettant à nos militaires d’accomplir les missions tant permanentes qu’occasionnelles.

Méritera également notre attention particulière la révision réaliste de nos contrats opérationnels, qui répondent aux menaces prévisibles à l’échelle de la durée de la loi, en particulier le maintien de notre capacité de projection dans le cadre des opérations de coercition à hauteur de 15 000 hommes et d’intervention sur plusieurs théâtres. Nous l’éprouvons aujourd'hui encore avec la double intervention de la France en République centrafricaine et au Mali.

Permettez-moi, à mon tour, de saluer la mémoire de nos deux combattants tombés au champ d’honneur. Je le fais avec d’autant plus d’émotion que Jacques Gautier et moi avons récemment été merveilleusement accueillis par le 8e RPIMA de Castres.

Bien entendu, notre capacité à être leader d’une coalition et à entrer en premier sur des théâtres d’opérations doit être maintenue.

Je mentionnerai enfin le nécessaire maintien d’une base industrielle de défense de qualité, et ce en dépit de l’étalement de nos grands programmes.

Monsieur le ministre, vous avez su dégager des priorités, qui apparaissent concrètement dans la programmation.

Première priorité : la cyberdéfense, dont il n’est nul besoin d’illustrer ici la nécessité.

Deuxième priorité : la connaissance et l’anticipation. On me permettra – un peu de littérature ne nuit pas !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion