Intervention de Xavier Pintat

Réunion du 10 décembre 2013 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2014 à 2019 — Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Xavier PintatXavier Pintat :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote d’une loi de programmation militaire est un moment important dans une législature. Nous devons tout faire pour préserver la valeur de nos forces armées, respecter les hommes et les femmes qui les composent, préserver la qualité des équipements dont ils disposent et veiller à la préparation qu’ils reçoivent. Nous devons tout faire, y compris éviter de nous quereller, car il y va de l’intérêt de la nation.

Alors, que penser de ce projet de loi tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale ?

Je ferai d’abord remarquer que l’Assemblée nationale n’a que peu modifié le texte et qu’elle a conservé la quasi-totalité des acquis du Sénat. Dont acte ! Nous pouvons saluer le travail effectué par notre commission en première lecture, sous l’impulsion efficace de son président, Jean-Louis Carrère.

J’observe cependant que l’Assemblée nationale a supprimé le seul apport du groupe UMP du Sénat : la modification du calendrier de livraison des avions ravitailleurs. Lorsqu’on est à la recherche d’un consensus transpartisan, une telle mesure est regrettable, même si nous avons pris acte de votre déclaration liminaire, monsieur le ministre.

Ensuite, nous avons appris, entre les deux lectures de ce texte, qu’il y aurait un report de charges de 3, 6 milliards d’euros de l’exercice 2013 sur l’exercice 2014. Jacques Gautier l’a rappelé, jamais le report de charges n’avait été aussi important, puisqu’il s’élevait seulement à 1, 5 milliard d’euros à la fin de 2011. Plus grave encore, à l’heure où nous délibérons, ce report n’est pas compensé par des ouvertures de crédits.

Autant le dire tout de suite, cette loi de programmation militaire ne pourra pas être respectée !

Du reste, il m’a fallu faire mes propres recherches et lire votre interview, monsieur le ministre, sur le blog de La Tribune pour connaître le montant exact du report de charges : une information que j’aurais préféré lire dans un rapport officiel…

Vous allez sans doute me répondre que les 500 millions d’euros votés à l’Assemblée nationale sont une garantie. Mais j’ai entendu trop de gouvernements, de tous bords, faire des promesses pour ignorer que celles-ci n’engagent parfois que ceux qui les écoutent !

Si vous aviez gagné l’arbitrage, cet amendement aurait été inclus dans le projet de loi de finances. Or il n’y figure pas !

Ce double constat étant dressé, ayons le courage de regarder la vérité en face.

La vérité est que la précédente majorité, à laquelle j’appartenais, a fait passer l’effort de défense de 1, 75 % du PIB à 1, 5 %, ce que je regrette, et qu’elle a réduit le format de nos forces armées en faisant partager l’idée que 1, 5 % du PIB était le plancher en dessous duquel on ne pouvait aller.

Mais la vérité est aussi que la majorité actuelle se berce d’illusions en invoquant un retour à meilleure fortune à 1, 8 % du PIB et en croyant à des « clauses de garantie ».

La vérité est, enfin, que l’effort de défense de notre pays passera de 1, 5 % en 2013 non pas à 1, 3 %, comme on l’espérait encore il y a un mois, mais à 1, 1 % en 2019, puisque nous savons maintenant que la programmation ne pourra pas être respectée.

Encore une fois, il ne s’agit pas, monsieur le ministre, de vous mettre en cause. Vous savez l’estime que notre commission vous porte, tant sur un plan personnel que pour votre engagement. Il s’agit, s’il en est encore temps et que nous en sommes encore capables, de chercher les raisons de cette mécanique implacable qui conduit le Gouvernement – je devrais dire tous les gouvernements – à réduire l’effort de défense.

C’est en sénateur convaincu que la défense est l’ultime garant de notre liberté que je me suis efforcé de comprendre les raisons de cette situation. J’ai trouvé deux éléments de réponse.

D’abord, la défense est, par définition, la Grande Muette, et c’est bien ainsi. Mais il faut que nous soyons raisonnables : on ne peut pas reporter l’entier fardeau des ajustements budgétaires sur les forces armées au seul prétexte qu’elles ne diront rien !

Aucune administration de l’État n’a été autant saignée à blanc. Aucune n’accepterait ce que les armées ont accepté. Si l’on veut éviter que le désespoir gagne nos armées, il nous faut, nous parlementaires de tous bords, nous mobiliser tous ensemble pour la défense et vous aider, monsieur le ministre, à obtenir les arbitrages qu’on vous refuse.

Ensuite, je vois dans l’affaire du report de crédits la suite malheureuse de ce qui s’est passé lors de la commission du Livre blanc. Ce n’est un secret pour personne : jamais il n’a été fourni aux membres de la commission « l’équation budgétaire », c’est-à-dire le montant des moyens mis à la disposition des armées.

Et cela continue avec la LPM, car le report de crédits devrait être intégré dans la construction budgétaire et ne pas constituer un aléa insupportable pour le budget de la défense.

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