Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 10 décembre 2013 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2014 à 2019 — Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

À la suite des propos de notre collègue Xavier Pintat, je souhaite dire quelques mots de l’article 13 du projet de loi, dont la rédaction actuelle est très largement issue d’un amendement que j’avais défendu en première lecture en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois.

Des campagnes ayant été lancées voilà quelques jours à l’encontre de cet article, je tiens à rappeler avec quelque solennité dans quelles conditions on est parvenu au texte qui nous est maintenant soumis.

En première lecture, au Sénat, nous avons voté cet article dans une rédaction qui était d’ailleurs assez proche de celle qu’avait proposée notre collègue Jean-Jacques Hyest. Il est le fruit d’un important travail mené avec Jean-Louis Carrère et en dialogue avec vous, monsieur le ministre. Cet article a ensuite été adopté par la commission de la défense et par la commission des lois de l’Assemblée nationale, puis par l’Assemblée nationale elle-même.

Je le dis avec force, nous devons avoir, en matière de renseignement, les moyens de lutter contre le terrorisme, mais en prévoyant en même temps des garanties et des moyens de contrôle qui assurent le respect des libertés individuelles, de la vie privée et des données personnelles. Eh bien, je défie quiconque de me prouver que cet article n’apporte pas ces garanties et ces possibilités !

Premièrement, s’agissant des « fadettes », le Parlement a fait le choix de prévoir que c’est le Premier ministre, et non plus le ministre de l’intérieur, comme c’est le cas actuellement, qui doit donner son autorisation.

Deuxièmement, pour avoir accès à la géolocalisation, ce qui est particulièrement nécessaire lorsque l’on veut lutter contre le terrorisme, l’un des trois ministres compétents – celui de la défense, celui de l’intérieur ou celui chargé des douanes – devra en faire la demande écrite et motivée au Premier ministre. Il reviendra à ce dernier, ou à la personne qui répondra en son nom, de fournir une réponse écrite. Cette garantie, aujourd’hui, n’existe pas ; nous l’avons instituée.

Je précise que les dizaines de milliers d’interceptions actuellement opérées ne sont pas, aujourd'hui, soumises aux deux conditions que je viens d’exposer.

Troisièmement, nous augmentons considérablement le rôle de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS. Nous lui donnons des pouvoirs de contrôle, mais aussi d’intervention dans le cours du processus, ainsi que la faculté de faire connaître ses positions, afin qu’il en soit tenu compte.

Quatrièmement, je rappelle que la CNIL – Commission nationale de l’informatique et des libertés – a été auditionnée, notamment sur cette mouture de l’article 13, non seulement par le rapporteur pour avis que j’étais, mais aussi par le rapporteur qu’est le président Jean-Louis Carrère.

J’ajoute que la CNIL sera forcément amenée à s’exprimer sur le décret qu’il sera nécessaire de prendre pour appliquer cette loi, ainsi que l’a indiqué M. le ministre.

Nous sommes accusés d’élargir le champ d’intervention à la recherche de renseignements relatifs à certaines réalités économiques et scientifiques, à la sécurité nationale ou à la prévention de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous. Or tout cela figure dans la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications : c’est devenu l’article L. 241-2 du code de la sécurité intérieure et j’invite chacun à s’y référer.

Certains, qui semblent se réveiller soudainement, nous reprochent aujourd'hui d’avoir retenu ces champs d’application. Mais, chers collègues, nous ne faisons que reprendre intégralement ce qui a été voté il y a vingt-trois ans !

Cinquièmement, au lieu de rafistoler la loi de 2006, qui, vous le savez, sera caduque au 31 décembre 2015, nous avons réinscrit tout le processus dans la loi de 1991.

Mes chers collègues, le vote de ce dispositif par notre assemblée a suscité de nombreux commentaires positifs, jusqu’à la parution, trois semaines et demie plus tard, d’un communiqué de l’Association des services internet communautaires, l’ASIC, association qui regroupe les majors du web, selon laquelle l’article 13 poserait des problèmes en matière de libertés publiques. Ce communiqué a créé une sorte d’emballement et provoqué toute une série de déclarations sur les réseaux sociaux.

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