Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reprendrai pas l’ensemble des problématiques soulevées par le présent projet de loi de programmation militaire, ayant déjà eu de multiples occasions de donner ma position sur la plupart des sujets évoqués par les différents orateurs qui viennent de se succéder à la tribune.
Toutefois, je veux apporter quelques éléments complémentaires sur des points très précis soulevés par les uns et les autres.
M. Jean-Pierre Chevènement a évoqué la « bosse » du report de charges. Bien que j’aie moins d’ancienneté que lui dans la vie parlementaire, je me permets de lui rappeler que, en 1978, alors que j’étais jeune député et que je siégeais à la commission de la défense de l’Assemblée nationale, cette bosse existait déjà ! Et il fallait déjà la « pousser » ! Je suis aujourd'hui ministre, et il faut toujours pousser la bosse…
Autrement dit, cette situation n’est pas nouvelle. Cela étant, elle est préoccupante et je suis assez d’accord avec ceux – y compris M. Gautier – qui considèrent que le report de charges devient insupportable.
Néanmoins, il n’est pas aussi insupportable que ne l’affirme M. Larcher, qui a avancé le chiffre de 4 milliards d’euros. Nous n’en sommes pas là ! Grâce aux 500 millions d’euros que j’ai obtenus pour compenser le report de charges ayant résulté du règlement de la loi de finances pour 2013, le report de charges s’élève à 3, 1 milliards. Certes, c’est encore beaucoup trop, et il faudra essayer de remédier à cette situation à l’avenir.
Cependant, les 500 millions d’euros que je viens d’évoquer me permettront de passer les commandes prévues dès la fin de l’année 2013 et le début de l’année 2014. J’ai dressé tout à l'heure la liste de ces commandes, extrêmement importantes, qui permettent d’assurer la fiabilité complète du projet de loi de programmation soumis à votre examen.
Monsieur Reiner, votre suggestion concernant l’A 400M me permet de faire une observation concernant la coopération avec les Britanniques en matière de défense, laquelle sera à l’ordre du jour du sommet franco-britannique qui se tiendra à la fin du mois de janvier prochain. De notre côté, nous espérons notamment une éventuelle collaboration en matière de soutien à l’A 400M : ayant réceptionné notre premier appareil et le Royaume-Uni s’apprêtant à en faire autant, nous sommes en train de discuter de la possibilité de mettre en place les bases d’une mutualisation. Ce serait un pas important dans la collaboration entre la France et la Grande-Bretagne.
M. Chevènement a demandé des précisions sur l’évolution des drones d’observation et sur la possibilité, pour l’Europe, de se doter de machines spécifiques sans avoir besoin d’aller acheter « sur étagère », essentiellement aux États-Unis, comme nous l’avons fait par le passé, en raison de l’absence de capacités au niveau européen.
Si tout va bien, la question d’un projet de drone de nouvelle génération réalisé en commun par l’ensemble des pays européens sera à l’ordre du jour du Conseil européen consacré aux questions de défense des 19 et 20 décembre prochain et sera, je l’espère, validé par les chefs d’État et de gouvernement. Ce serait une très grande avancée, qui s’ajouterait au « club des utilisateurs de Reaper », qui sera lui aussi lancé lors dudit Conseil. J’espère que ces éléments satisferont Jean-Pierre Chevènement.
J’ai bien noté que plusieurs intervenants avaient formulé les mêmes interrogations et exprimé les mêmes inquiétudes concernant les ressources exceptionnelles.
Comme je l’ai dit et répété, j’estime que ces ressources ne sont pas si exceptionnelles que cela puisqu’elles représentent 3, 5 % de l’ensemble des 190, 6 milliards dont est dotée l’enveloppe jusqu’à la fin de l’année 2019. Cela étant, l’inscription, dans le rapport annexé au projet de loi de programmation, de la possibilité même de ces ressources exceptionnelles et des registres sur lesquels elles seraient mobilisées constitue déjà une avancée.
Au reste, mesdames, messieurs les sénateurs, la série de cliquets ou de clauses de sauvegarde que votre assemblée a prévue devrait vous rassurer sur le fait que les ressources exceptionnelles seront au rendez-vous ! En tout état de cause, j’en suis intimement convaincu, et les 500 millions d’euros que j’ai pu obtenir pour la fin de gestion de l’année 2013 témoignent de la volonté du Gouvernement de conforter ces orientations.
M. Bockel m’a interrogé sur la brigade franco-allemande. Si j’ai pris la décision de dissoudre le 110e régiment d’infanterie de Donaueschingen, c’est en particulier parce qu’il était très onéreux et que son implantation n’était peut-être pas la plus évidente. En revanche, nous allons affecter à la brigade franco-allemande le 1er régiment d’infanterie de Sarrebourg, qui est plus historique – c’est l’un des plus anciens de France – et plus important, mais aussi mieux équipé puisqu’il dispose de systèmes FÉLIN. Ce régiment apportera une contribution significative à la brigade franco-allemande, avec une répartition entre la France et l’Allemagne qui sera alors, de surcroît, plus équilibrée.
Reste le sujet de la mobilisation de la brigade franco-allemande sur un certain nombre d’objectifs. Mon homologue allemand et moi-même en sommes toujours au même point, à savoir que nous sommes convaincus de la nécessité de réfléchir ensemble à la possibilité de mobiliser rapidement tout ou partie de la brigade franco-allemande sur un théâtre d’opérations, qui pourrait être, demain, le Mali. En tout cas, c’est dans cette direction que nous travaillons.
Monsieur Trillard, si certains ne percevront l’indemnité pour services en campagne, ou ISC, qu’en 2014, c’est parce que le logiciel Louvois ne fonctionne pas bien ! Croyez bien que je subis tous les mois les perturbations qu’il crée. Vous savez les conséquences que les distorsions de Louvois sur le versement des soldes peuvent avoir sur le moral des forces : quand je vais sonder le moral des unités, il est essentiellement question de ce logiciel ! Nous essayons de remédier à cette difficulté. À cet égard, j’ai pris des décisions qui s’imposaient.
Enfin, je ne vais pas redire à M. Gautier combien je suis préoccupé par le concept de « groupement tactique » ; j’y ai fait allusion tout à l'heure. C’est un sujet de réflexion pour moi comme, je l’espère, pour les acteurs européens. En effet, si ces groupements existent d'ores et déjà dans les textes, nous devons désormais préciser les modalités de leur mobilisation, qui ont fait et font encore défaut, comme nous venons de le voir en République centrafricaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les quelques remarques que je voulais faire en complément de mon propos introductif et en guise de réponse aux interrogations des orateurs. Je vous remercie une nouvelle fois de vos contributions à l’élaboration de ce texte, dont je souhaite évidemment qu’il puisse être adopté ce soir.