Intervention de Jean-Louis Carrère

Réunion du 10 décembre 2013 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2014 à 2019 — Article 13

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère, rapporteur :

Cet amendement vise à supprimer l’article 13, dont on parle beaucoup, souvent à tort et à travers. Puisqu’il semble que mon collègue et ami Jean-Pierre Sueur n’ait pas été convaincant tout à l'heure, je vais m’efforcer de faire, à mon tour, assaut de pédagogie.

Je souligne d’abord qu’une grande majorité d'entre nous a la volonté de parvenir à un vote conforme. Il n’est pas question d’avoir un débat bâclé, mais il faut que notre défense dispose d'un budget à compter du 1er janvier prochain. Ce n’est pas là un argument à proprement parler, j’en conviens, mais il s’agit au moins d’un élément de contexte.

Initialement, cet article 13 prévoyait uniquement de clarifier le régime de la géolocalisation d’un objet – téléphone ou ordinateur portable, par exemple – en temps réel. II visait ainsi à répondre à une fragilité juridique résultant d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 2 septembre 2010, dans lequel celle-ci rappelait la nécessité de disposer à cet égard d’une loi « particulièrement précise ».

En première lecture, le Sénat avait adopté un amendement présenté par le président et rapporteur pour avis de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, ayant un objet beaucoup plus large puisqu’il visait à refondre le régime juridique de l’accès aux données de connexion issu de l’article 6 de la loi du 23 janvier 2006 – les fameuses « fadettes » – en le rapprochant du régime des interceptions de communications issu de la loi du 10 juillet 1991, plus protecteur des libertés publiques.

Ce rapprochement répond à une préoccupation exprimée par la CNCIS, par la délégation parlementaire au renseignement et par les commissions des lois des deux assemblées. Le régime actuel de l’accès aux données de connexion, applicable uniquement en matière de prévention du terrorisme, est en effet un régime transitoire qui, vous le savez, doit être réformé avant la fin 2015.

Le dispositif adopté par le Sénat est à la fois plus adapté aux besoins opérationnels des services, car il sera ouvert à tous les services de renseignement et pour des motifs plus larges que la seule prévention du terrorisme, mais aussi plus protecteur des libertés publiques.

Je vous laisse en juger, madame Bouchoux.

D’une part, les demandes motivées d’accès aux données de connexion seront soumises à la décision d’une personne qualifiée auprès du Premier ministre et du Premier ministre lui-même, et non pas du ministre de l’intérieur comme aujourd’hui. Non que l’un soit plus digne de confiance que l’autre ! Mais l’autorisation du Premier ministre induit tout de même une certaine sacralisation.

D’autre part, chaque demande fera l’objet d’un contrôle effectué par la CNCIS, autorité administrative indépendante présidée par un magistrat et où siègent des parlementaires.

Les conditions d’utilisation de la géolocalisation en temps réel seront, quant à elles, plus strictes que celles prévues initialement par le projet de loi puisqu’elles seront identiques à celles prévues pour les interceptions de sécurité : l’autorisation sera accordée par décision écrite du Premier ministre sur demande écrite et motivée du ministre concerné, puis communiquée au président de la CNCIS.

Les auteurs de l’amendement soutiennent que la CNIL n’a pas été saisie de cet article. Il est vrai que, si elle a été consultée par le Gouvernement sur plusieurs articles du projet de loi, elle ne l’a pas été sur la nouvelle rédaction de cet article puisque celle-ci découle d’un amendement parlementaire. Le reproche que vous nous faites est donc infondé. Pour autant, mon collègue Jean-Pierre Sueur et moi-même, en des temps et en des lieux différents, avons chacun auditionné, pendant plus d’une heure, les représentants de la CNIL, qui ont ainsi pu faire valoir leur point de vue.

En outre, et cela devrait vous rassurer, il est prévu que les modalités d’application de cet article seront fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL et de la CNCIS, et que ce décret précisera notamment la procédure de suivi des demandes ainsi que les conditions et durée de conservation des informations ou documents.

Enfin, à l’Assemblée nationale, tant la commission des lois que la commission de la défense ont approuvé la rédaction de cet article. Le seul changement apporté par les députés concerne la durée de l’autorisation de la géolocalisation en temps réel. En effet, alors que le Sénat avait retenu un délai maximal de dix jours, la commission des lois de l’Assemblée nationale a souhaité porter la durée des autorisations à quatre mois. Nous avons néanmoins obtenu que la commission de la défense retienne un délai de trente jours, ce qui nous paraissait plus compatible avec l’esprit de la loi. Au sein de notre commission, au Sénat, nous avons considéré qu’un délai de trente jours représentait un équilibre raisonnable pour concilier l’impératif d’efficacité et la protection des droits et libertés individuelles.

Aussi, ma chère collègue, je puis vous assurer que le respect des libertés individuelles a été notre préoccupation constante.

L’avis de la commission est donc défavorable.

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