Intervention de Andy Brooks

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 12 décembre 2013 : 1ère réunion
Violences à l'égard des femmes dans les territoires en conflit — Table ronde des soignants et de l'aide humanitaire

Andy Brooks, conseiller régional pour la protection de l'enfance à Dakar du Fonds des Nations-Unies pour l'enfance (UNICEF) :

Depuis Dakar, notre champ d'intervention va de la Mauritanie au Tchad et, au sud, à la République démocratique du Congo (RDC). Il couvre au total 24 pays. Je suis à ce poste depuis trois mois, mais j'ai travaillé dans ce bureau il y a quinze ans. Entre temps, la configuration des zones de conflits a énormément changé ! Il y a dix ans, nous agissions au Sierra Leone, au Liberia, en Côte d'Ivoire ou en Guinée. Désormais, nous intervenons dans des pays que nous n'imaginions pas voir devenir des zones de conflit, comme le Mali. En Centrafrique, la situation a toujours été très fragile.

Malgré l'engagement des Nations-Unies au plus haut niveau, il faut reconnaître notre échec collectif : le taux de violences dans les conflits reste inacceptable. Les victimes sont marquées pour le reste de leur vie. Malgré l'évolution du cadre juridique, notamment la multiplication des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité, nous sommes toujours impuissants à protéger les victimes potentielles des conflits armés. Du reste, ce n'est pas seulement dans les situations de conflits que les enfants, les personnes sont exposées aux violences : souvent, le taux de violences, notamment sexuelles, est élevé même hors conflit. L'UNICEF a conduit des études en Afrique de l'Est et de l'Ouest sur la violence émotionnelle, sexuelle et physique subie par les enfants. Il en ressort qu'une fille sur trois a été victime de violences sexuelles dans sa vie, hors période de conflit ! Les conflits ne font donc souvent qu'aggraver des situations déjà dégradées. Parfois, ils nous font prendre connaissance de situations inacceptables qui leur sont antérieures.

L'UNICEF tient son mandat des conventions sur les droits des enfants et de la Déclaration sur l'élimination des violences à l'égard des femmes, ratifiées par presque tous les États et qui sont d'application permanente, sans dérogation ! Les résolutions successives du Conseil de sécurité des Nations-Unies sont importantes, et la France a joué un rôle majeur dans l'adoption de celles qui concernent les enfants affectés par les conflits ou les violences sexuelles. Au fil des années, les termes de ces résolutions sont de plus en plus fermes, dans leur dénonciation des auteurs des violences et des groupes armés qui commettent systématiquement des violences sexuelles, dans la lutte contre l'impunité comme dans le ciblage des mesures à adopter à l'égard des auteurs de ces violences.

La stratégie de l'UNICEF comporte un volet médical, mais aussi des mesures préventives. Nous apportons notamment des aides économiques pour éviter que des femmes ne tombent dans l'exploitation sexuelle, la prostitution ou, tout simplement, pour qu'elles n'aient pas à aller chercher du bois dans les zones où cela poserait un problème pour leur sécurité... Nous sommes présents pendant les crises mais aussi avant et après, et cherchons à extirper les racines sociales du problème.

Je salue l'engagement important de la France dans la protection des enfants affectés par les conflits. La résolution 1612 du Conseil de sécurité crée un mécanisme de surveillance des violations graves commises contre les enfants, y compris les violences sexuelles et le recrutement des enfants-soldats. Les politiques de réintégration des enfants, telles que celles menées en RDC, en Afrique centrale, dans la région des Grands Lacs, sont fondamentales. J'ai participé, en 2006 et 2007, à la définition des Principes de Paris qui sont des directives sur la réintégration durable des enfants auparavant enrôlés dans des groupes armés. Ces textes mettaient pour la première fois l'accent sur les spécificités des problématiques concernant les filles. Il y a des filles dans les groupes armés, leur situation est spécifique par rapport à celle des garçons. Elles deviennent des épouses de combattants et leur situation n'est pas toujours prise en compte par les programmes d'assistance : elles ne sont pas nécessairement reconnues comme des enfants qui ont besoin d'aide. La moitié des États membres de l'ONU ont adhéré aux Principes de Paris. En Sierra Leone, j'avais rencontré une jeune fille qui avait été recrutée de force à 12 ans, qui avait été violée, contaminée par le virus du Sida et qui était dépourvue de toute ressource. Considérée comme spirituellement « polluée » par le viol, elle ne pouvait être réintégrée dans sa famille et sa communauté. Cela montre bien qu'une action médicale ne suffit pas. Je veux préciser, aussi, que ces enfants qui ont vécu des expériences inimaginables ne sont pas toujours traumatisés ; ce qu'ils veulent, parfois, c'est avancer dans leur vie et revenir dans leur famille. C'est souvent de mesures très concrètes, pratiques, économiques, dont ils ont besoin, pour assurer leur retour dans leur famille.

Il est bon que les acteurs de terrain puissent informer les responsables politiques, pour que leur expérience influence les décisions qui seront prises au niveau politique et qu'ils auront à mettre en oeuvre ensuite.

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