Intervention de Bernadette Bourzai

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 12 décembre 2013 : 1ère réunion
Violences à l'égard des femmes dans les territoires en conflit — Table ronde des soignants et de l'aide humanitaire

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

Il est difficile de s'exprimer après des paroles aussi bouleversantes. Avez-vous un lieu d'échange entre vous, notamment des informations, pour partager le poids si lourd de toute cette misère humaine ? J'en serais, pour ma part, incapable... Ne serait-ce pas le rôle de l'OMS que d'organiser une telle plateforme, et de fournir les moyens qui font défaut sur le terrain pour répondre aux besoins élémentaires ? Il faudrait aussi organiser le suivi de ces victimes que vous accueillez de manière admirable : que devient, après dix ans, une jeune fille violée qui a mis au monde un enfant atteint du Sida ? Nous avons un devoir de suite. Je suis si bouleversée que je dois m'arrêter là.

Dr Marc Gastellu Etchegorry. - En dehors des chiffres et de l'approche médicale, qui peut parfois sembler un peu froide, vous avez raison de rappeler la souffrance énorme de chaque victime : l'approche ne peut être qu'individuelle.

Ce n'est pas uniquement dans les pays pauvres ou en conflit qu'un tiers des femmes sont victimes de violences sexuelles, c'est partout et en tout temps, et pas seulement dans les pays pauvres ! Les femmes ont généralement moins accès à l'éducation et aux soins, et elles sont plus vulnérables à la violence. Quant aux hommes, il est très difficile de savoir combien sont victimes de violences sexuelles. Au Libéria, comme je le disais, plus de 30% des soldats disaient l'avoir été, et 24 % au Congo. Nous avons été très étonnés. La proportion semble importante aussi au Kenya et en Ouganda. Ces chiffres sont toutefois sous-estimés. Les femmes ont déjà du mal à consulter, les hommes ont encore plus de mal. Les hommes ne souhaitent pas être stigmatisés comme homosexuels, d'autant que dans certains pays comme l'Ouganda cela est puni par la loi. Les hommes violés ne veulent pas risquer d'encourir des poursuites judiciaires.

Il n'y a pas assez d'acteurs, nous en sommes d'accord. Cela est évident en France aussi où l'on sait que le nombre de soignants est insuffisant. Il y a des organisations qui restent après les urgences. Nous en faisons partie. MSF n'est pas présent seulement pendant le conflit mais pendant toute la période de crise, qui débute avant le conflit et dure longtemps après. Il faut constater que dans les situations d'urgence et de conflit, on manque clairement d'intervenants, ce qui n'est pas le cas dans les situations de « non urgence ». Toutes les organisations sont présentes aujourd'hui à Haïti, mais très peu au Kivu ou en Centrafrique. Le CICR y est très présent mais mis à part le CICR, le nombre d'acteurs est très limité.

Deux autres remarques : la neutralité et l'impartialité sont des conditions essentielles d'accès aux victimes, surtout pour les victimes de violences sexuelles ; quant à l'OMS, elle a une action surtout normative, son poids est plus dans les mots que dans les actes, même si elle conduit quelques actions. Elle a très peu de moyens. Elle a d'ailleurs ceux qui lui sont donnés par les États - par vous parlementaires - et qui ont considérablement diminué depuis quelques années. En outre, l'OMS doit conserver une position d'indépendance. Il existe déjà des forums sur lesquels nos organisations peuvent échanger des données quantitatives et qualitatives, ce qui nous aide à adapter nos actions, même si nos organisations sont indépendantes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion