Intervention de Claudine Lepage

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 18 décembre 2013 : 1ère réunion
Contrat d'objectifs et de moyens entre l'état et france médias monde pour la période 2013-2015 — Communication

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage, rapporteure :

L'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que des contrats d'objectifs et de moyens (COM) sont conclus entre l'État et chacune des sociétés nationales de programme que sont France Télévisions, Radio France et la société de l'audiovisuel extérieur de la France renommée France Médias Monde (FMM) depuis juin 2013. Attendu depuis 8 ans, le projet de COM de France Médias Monde vient d'être transmis au Parlement et au Conseil supérieur de l'audiovisuel. FMM, à laquelle nous avons rendu visite jeudi dernier, est une entreprise unique composée de trois rédactions : Radio France internationale (RFI), radio multilingue, présente dans le monde entier, Monte Carlo Doualiya (MCD), radio en arabe, surtout présente en Afrique et au Moyen-Orient, et enfin France 24, chaîne de télévision internationale en trois langues, français, anglais et arabe.

La première partie du COM rappelle l'identité spécifique de chacune des trois, au service de la promotion des valeurs démocratiques et républicaine ainsi que des vertus du dialogue et du débat public. Comprenant 64 pages et 15 indicateurs, le COM donne une perspective de moyen terme à FMM, longtemps déstabilisée par les querelles de personnes et les réformes à répétition. Il s'étale sur une période assez courte, de 2013 à 2015, soit la période minimale prévue par la loi et il entrera réellement en vigueur en 2014. Je salue les efforts de la direction de FMM, notamment sa présidente Mme Marie-Christine Saragosse, et de la tutelle - la division du travail entre les ministères concernés paraît désormais satisfaisante. Cette première partie du contrat d'objectifs s'inscrit dans la continuité des conclusions du rapport Cluzel, qui préconisait de reconstruire les rédactions tout en préservant les synergies.

Les missions de RFI, radio d'information générale et politique, qui met en valeur des oeuvres culturelles, musicales et scientifiques, sont préservées. Le COM vise le rajeunissement de l'auditoire, surtout dans les pays africains, mais il sera délicat de mesurer les résultats. Le contrat met l'accent sur le développement de la radio, grâce à l'augmentation du nombre d'émissions en haoussa et kiswahili et, dès 2014, au décrochage en bambara au Mali. L'indicateur n° 1 fixe des objectifs en matière de volume d'heures produites - mais les données chiffrées sont aujourd'hui un peu lacunaires. Le développement de l'antenne dépendra des marges de manoeuvre financières que le groupe aura su dégager.

Les valeurs de MCD, radio généraliste en arabe, sont celles de la liberté, de la laïcité et de l'universalisme. L'objectif est de porter sa diffusion à 24 heures sur 24. Le COM fixe un volume d'heures produites ou achetées en hausse pour 2014, stable ensuite. Il vise aussi à renforcer les antennes anglophones et arabophones de France 24 par l'augmentation régulière du nombre d'heures de production. Les moyens inscrits sont à la hauteur des ambitions affichées : le budget des rédactions, 107,7 millions d'euros en 2013, est porté à 109,6 millions en 2014 et 110,5 en 2015.

Le deuxième volet du COM concerne la politique de diffusion et de distribution. La stratégie est claire et semble avoir été construite en bonne intelligence avec le ministère des affaires étrangères. Le COM distingue trois types de zones. Dans les zones de consolidation, des opportunités liées à l'arrivée de nouveaux opérateurs, notamment en TNT, peuvent être l'occasion de mener des partenariats. C'est le cas pour France 24 au Maghreb ou au Proche-Orient. Les zones de développement sont par exemple, pour RFI, l'Afrique non francophone ou le Cambodge, où la diffusion en khmer a été élargie en 2013. Le COM traite de la question spécifique du rayonnement de France 24 sur le territoire métropolitain, objectif qui pourrait être poursuivi pour RFI ou MCD aussi bien. L'annonce faite par le Gouvernement d'une préemption de fréquences pour une diffusion de France 24 sur la TNT en Ile-de-France est une bonne nouvelle, même si le canal doit être partagé. Le coût est faible, 300 000 euros, et les gains commerciaux connexes pourraient le réduire encore. L'extension géographique de la diffusion sur l'ensemble du territoire devra être évoquée dans le prochain COM. France 24 en arabe connaît déjà un certain succès sur le territoire national via la diffusion satellitaire. L'expérimentation d'une diffusion mixte de RFI et MCD à Marseille a été encourageante, il conviendra de réfléchir à son extension, étant observé que RFI est déjà diffusée en Ile-de-France.

Les zones de conquête sont différentes d'une chaîne à l'autre. Pour MCD, c'est l'obtention de fréquences dans les capitales du Maghreb, à un coût raisonnable, qui est privilégiée. Les objectifs inscrits dans le COM ne sont toutefois pas repris par l'indicateur relatif à la distribution. Le COM annonce une coopération entre France 24 et TV5 monde, afin d'éviter une concurrence dans les politiques de distribution au niveau mondial. Les personnalités des deux présidents, Mme Saragosse et M. Bigot, devraient favoriser cette bonne entente.

Les indicateurs 6 à 8 du COM sont consacrés à l'analyse de la notoriété des antennes de FMM. Pour les compléter, le CSA propose dans son avis, non encore publié, de créer, si cela est possible à un coût raisonnable, un indicateur d'audience, de notoriété et de satisfaction spécifique auprès des Français de l'étranger. Je soutiens cette proposition.

Le rapport de l'Inspection générale des finances puis celui de Jean-Paul Cluzel insistaient sur le développement du numérique. Le COM ne s'engage pas sur la voie d'une rédaction multimédia spécifique ; chaque rédaction reste responsable des développements de sa chaîne sur Internet. Les conséquences de ce choix ne pourront être analysées qu'à long terme et il y aura lieu d'établir un bilan de cette stratégie à l'issue du COM. La refonte des sites de France 24 et MCD, prévue par le COM, est déjà réalisée. Celle de RFI, nécessaire, interviendra au premier semestre 2014.

Enfin, le dernier volet du COM est consacré à la construction d'un groupe respectueux de ses médias et de ses salariés et à l'adaptation de l'organisation de RFI. Le nombre de salariés de FMM devrait augmenter en 2014 puis se stabiliser. La mise en place d'une entreprise unique devrait s'accompagner de celle d'un statut social commun aux quelques 1 300 salariés permanents de FMM. Un comité d'entreprise unique, un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) unique ont été mis en place. L'harmonisation sera longue et difficile en raison de l'écart actuel des situations. C'est l'objectif prioritaire du COM. Difficile d'en prévoir le coût financier ; j'avais évoqué une fourchette de 3 à 6 millions d'euros dans mon avis budgétaire. Il faudra bien sûr respecter les contraintes budgétaires fixées par l'État et maintenir les charges de personnel à leur hauteur actuelle, 51 %.

FMM est le seul organisme de l'audiovisuel public dont la dotation publique croît en 2014. Le plan d'affaires 2013-2015 comprend 10,8 millions d'euros de mesures nouvelles. Les ressources publiques progresseront de 3,4 millions d'ici 2015, soit une augmentation de 1,4 % par an. Le bénéfice du crédit impôt compétitivité emploi pour 1 million d'euros ne sera pas neutralisé pour FMM au contraire des autres sociétés nationales de programme. Les ressources propres devraient augmenter de 8,2 millions d'euros à 10,4 millions, si les objectifs fixés par le contrat passé avec France Télévisions pour la commercialisation de la publicité sur France 24 sont atteints... ce qui suscite quelques inquiétudes. Enfin, un effort d'économies sera engagé : il faudra trouver 4,2 millions d'euros par la rationalisation du mode d'exploitation des régies de production et de diffusion de France 24, par une amélioration de la planification des activités et des besoins en personnel et par une nouvelle baisse des frais généraux. Il reviendra à la tutelle et au Parlement de contrôler de la bonne application de ces mesures. En conclusion, je vous propose de donner un avis favorable au COM.

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