Le groupe de travail sur les intermittents a été constitué en février 2013. Le 3 juillet dernier, j'ai présenté un bilan d'étape de ses travaux et j'ai rappelé les mécanismes définis par les annexes 8 et 10 à la convention d'assurance chômage. Depuis cette première communication, plusieurs dossiers ont évolué ; je souhaiterais les évoquer.
Notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes, avait souhaité que nous examinions la situation des femmes intermittentes. Lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes, nous avons fait adopter un amendement pour que le Gouvernement se penche sur le cas des « matermittentes » victimes, selon le Défenseur des droits, de discriminations. L'article 5 sexies (nouveau) du projet de loi prévoit que « dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement remet aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport relatif à l'indemnisation des périodes de congé de maternité des femmes exerçant une profession discontinue. (...) Il analyse les améliorations possibles et les conditions de leur mise en oeuvre. »
Le deuxième sujet est relatif à la Caisse des Congés spectacles, dont nous avions évoqué les dérives de gestion à la suite d'alertes exprimées lors de nos auditions et de la publication d'un rapport très critique de la Cour des comptes. Après la démission des membres du conseil d'administration, un nouveau conseil et un nouveau bureau ont été élus en septembre dernier ; ils ont été chargés de trancher la question du rapprochement avec le groupe Audiens. J'ai rencontré le nouveau président, M. Jean-François Besse, la semaine dernière. Lors de l'Assemblée générale extraordinaire du lundi 16 décembre, les nouveaux statuts, prévoyant l'adossement de la caisse au groupe Audiens, ont été approuvés. Le cadre juridique est désormais favorable à un apaisement. Le personnel de la caisse sera transféré à Audiens qui gèrera les missions de la caisse sous le contrôle du conseil d'administration, lequel continuera à prendre les décisions stratégiques. Nous suivrons avec attention le déroulement de ces opérations.
Enfin, l'extension de la convention collective production cinéma signée le 19 janvier 2012 avait provoqué des crispations, vous vous en souvenez. L'arrêté d'extension a été signé le 1er juillet 2013 par le ministre du travail, pour une entrée en vigueur au 1er octobre. Mais des associations et syndicats de producteurs de films ont formé un recours en annulation du texte et le juge des référés en a suspendu l'exécution. Les partenaires sociaux ont finalement trouvé un accord dans la nuit du 7 au 8 octobre dernier. Trois seuils de budget de films sont désormais identifiés, soumis à des règles différentes : moins de 1 million d'euros, de 1 à millions, plus de 3 millions. Une dérogation est prévue pour tous les films des deux premières catégories : les majorations de salaires seront plafonnées à 100 %. Un moratoire de six mois a été décidé pour les films de moins d'un million d'euros. Les salaires des techniciens seront fixés de gré à gré. Les partenaires sociaux ont jusqu'au mois d'avril prochain pour revoir le système de financement de ces films.
À la suite de la table ronde du 8 octobre dernier et de la réunion d'hier, notre groupe de travail a retenu douze recommandations pour une évolution du régime des intermittents. Certaines rejoignent les propositions de la mission commune d'information de l'Assemblée nationale sur les métiers artistiques mais notre position est parfois plus audacieuse.
La recommandation n° 1 consiste à appliquer un « choc de simplification » aux annexes 8 et 10 pour unifier et améliorer le traitement des dossiers par Pôle Emploi. La situation est devenue intolérable : les décisions de rejet sont injustifiées et non motivées, l'application des règles varie d'une antenne à une autre et d'une région à l'autre, le manque de connaissance des règles et l'absence d'interlocuteurs compétents conduisent au basculement illégitime des intermittents vers le régime général. Nous n'avons pu recueillir les réactions de Pôle Emploi sur ces critiques, car ses dirigeants, que nous avions auditionnés initialement, ont refusé de participer à la table ronde. Nous regrettons vivement cette décision.
La recommandation n° 2 vise à rétablir la date anniversaire, c'est-à-dire à porter la période de référence à 12 mois au lieu de 10 pour les techniciens et 10,5 pour les artistes. L'indemnisation serait alors ouverte 12 mois. Cette mesure, réclamée par la majorité des professionnels, n'a pas été tranchée par l'Assemblée nationale, en raison de son impact financier éventuel. Nous avons décidé de prendre position sur ce sujet essentiel et nous avons prévu une mesure complémentaire avec la recommandation n° 5.
La recommandation n° 3 concerne l'assiette des cotisations d'assurance chômage, actuellement plafonnée à 12 433 euros brut. Nous proposons de la déplafonner. Il s'agit d'un principe de justice sociale. L'Assemblée avait évoqué le doublement du plafond actuel mais le déplafonnement nous semble plus équitable. Les recettes supplémentaires induites seront sans doute limitées, puisqu'elles ont été estimées à 7 millions d'euros environ pour le doublement du plafond, mais le symbole est plus important que le « rendement » attendu.
La recommandation n° 4 vise à plafonner le cumul mensuel des revenus d'activité et des allocations chômage à un niveau égal au montant maximal des indemnités d'allocation chômage susceptibles d'être versées au titre des annexes 8 et 10. Nous rejoignons sur ce point l'Assemblée nationale. Les économies ainsi induites ont été estimées par Pôle Emploi à 33 millions d'euros.
La recommandation n° 5 consiste à augmenter le nombre d'heures de travail requises pour une ouverture des droits à l'assurance chômage. Pour les artistes, l'augmentation serait simplement proportionnelle à l'allongement de la durée de la période de référence, soit 580 heures ; pour les techniciens, le seuil serait porté à 650 heures. Cette proposition complète celle du retour à la date anniversaire. Pour les artistes, il s'agit simplement, je le répète, de fournir le même effort sur une durée plus longue et plus adaptée de 12 mois. Pour les techniciens, nous demandons la reconnaissance de leurs heures d'enseignement, ce qui constitue un potentiel d'heures supplémentaires. Tous nous ont dit être très sollicités pour intervenir auprès des écoliers, depuis la réforme des rythmes scolaires.
La recommandation n° 6 autorise les intermittents à valoriser jusqu'à 90 heures d'enseignement au cours de la période de référence, contre 55 heures aujourd'hui, sauf pour les artistes de plus de 50 ans qui peuvent déjà comptabiliser 90 heures. Dans un esprit de cohérence avec le renforcement de l'éducation artistique et culturelle, nous souhaitons que ce seuil soit relevé et que le mécanisme bénéficie aux techniciens. Souvent, les comptables des établissements ne savent pas quelles cases il faut cocher, si bien que les intervenants intermittents basculent dans le régime général. Des instructions claires aux services seraient bienvenues.
Avec la recommandation n° 7, nous souhaitons clarifier le régime de solidarité. Les règles sont complexes et l'examen des dossiers laisse parfois à désirer, ce qui prive de nombreux intermittents de l'allocation de professionnalisation et de solidarité (APS), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ou de l'allocation de fin de droits (AFD). Ainsi par exemple, sur une enveloppe de 15 millions d'euros ouverte pour l'allocation de fin de droits, seuls 9 millions ont été consommés en 2012.
La recommandation n° 8 vise à obliger l'État et ses établissements publics à se montrer exemplaires pour lutter contre le recours abusif à des CDD d'usage (CDDU). Cette mesure peut s'appuyer sur des clauses spécifiques s'imposant aux labels, ou sur un renforcement des contrats conclus entre l'État et les centres dramatiques nationaux. Il faut un meilleur contrôle des établissements publics, c'est certain.
La recommandation n° 9 tend à moduler les cotisations d'assurance chômage employeur en fonction du taux de recours au CDDU, en prévoyant des mesures particulières pour les structures qui sont, par nature, contraintes de recourir à ce type de contrat. Cette mesure, qui n'a pas été proposée par des députés, s'inscrit dans la logique de l'accord national interprofessionnel (ANI) auquel la loi de juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi a donné une base législative. La circulaire du 29 juillet 2013 de l'Unedic a en effet précisé que la majoration des taux prévue par l'ANI concerne également les intermittents, avec un taux de 4 % pour la part variable des cotisations employeur applicable aux CDDU de trois mois ou moins.
La recommandation n° 10 invite les partenaires sociaux à ouvrir une négociation interprofessionnelle nationale et des négociations de branche sur les règles d'utilisation du CDDU, afin de tirer les conséquences de la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation qui demande que le recours à ces contrats soit motivé par des « raisons objectives ».
Les recommandations n°s 11 et 12 incitent à recourir au CDI pour lutter contre la précarisation des salariés dans le secteur du spectacle. Nous recommandons d'expérimenter les contrats à durée indéterminée intermittents (CDII) dans le secteur du spectacle. Cette mesure nous a été inspirée par des professionnels du secteur de l'audiovisuel ; elle rejoindrait l'expérimentation prévue pour les organismes de formation, le commerce des articles de sport, des équipements de loisirs et les chocolatiers, dont l'activité est très saisonnière. Nous recommandons enfin d'inciter les partenaires sociaux à fixer dans le secteur de l'audiovisuel un seuil au-delà duquel l'employeur doit proposer un CDI ou, à défaut, fixer dans le code du travail un dispositif de requalification automatique en CDI des CDDU au-delà d'un certain seuil, estimé à 900 heures par l'Assemblée nationale.
Les douze recommandations du groupe de travail et le compte rendu de la table ronde pourraient faire l'objet d'une publication, si la commission l'autorise. Enfin, nous attendons toujours l'ouverture des négociations sur la convention d'assurance chômage.